Série policière dopée aux nouvelles technologies, APB joue la carte de l’action, peut-être au détriment du fond.
C’est quoi, APB ? Inventeur de génie ayant fait fortune grâce aux technologies de pointe, Gideon Reeves (Justin Kirk) est victime d’un braquage au cours duquel son meilleur ami est tué. Lorsqu’il comprend que la police est incapable d’enquêter sur l’affaire en raison de la vétusté des infrastructures et du manque de moyen, il décide de prendre les rênes du commissariat : à coups de millions, il fournit aux policiers les dernières innovations technologiques, afin de leur permettre de protéger les citoyens de Chicago et de résoudre leurs enquêtes. En commençant par le meurtre de son ami…
S’il ne se démarque pas par son originalité, le scénario de APB peut toutefois susciter la curiosité : après l’arrêt de Person of Interest, elle semble s’en inspirer, avec un procédural basé sur l’idée des dernières innovations et de la haute technologie mises au service de la police. La série a d’ailleurs été créée par David Slack, scénariste de la série de Jonathan Nolan, et qui a aussi œuvré sur le nouveau McGyver, Lie to Me ou Law & Order.
Nous sommes à Chicago – qui, au cas où vous l’ignoreriez, est la ville la plus criminogène des Etats-Unis. Le héros de l’histoire est un brillant ingénieur milliardaire, arrogant mais charismatique, qui sait se vendre et met en scène chacune de ses interventions. Lorsqu’il comprend que l’enquête sur son agression n’aboutira jamais en raison du manque de budget et de personnel de la police, il décide de prendre les choses en mains : en faisant pression sur le maire, Gideon obtient le contrôle du commissariat du 13ème district, qu’il réorganise à coup d’ordinateurs, de drones, d’appli mobile, de tasers et de bolides dopés à l’électronique. D’abord dubitatifs – à l’instar de l’agent Teresa Murphy (Natalie Martinez), qui avait recueilli la déposition de Gideon lors de son agression – les policiers sont vite séduits par cette débauche de moyens. Reste à voir si cela fonctionne sur le terrain.
Et c’est parti pour les références – certaines assumées, d’autres involontaires. Les nouveaux uniformes et les armes semblent tout droit sortis de Robocop ; les voitures de patrouille sont les petites sœurs de Kitt de K2000 ; l’assistante de Reeves est une punkette geek comme on en connaît des dizaines, et le héros lui-même est une sorte de Tony Stark sans l’alter ego / superhéros qui va avec. Si l’on ajoute à tout cela une mise en scène convenue et sans grande prise de risque, l’ensemble a un petit air de déjà-vu et pour un peu, on se croirait dans une série des années 1990… Un comble, pour une série centrée sur les technologies les plus modernes ! Toutefois, sur un plan purement narratif, l’épisode est bien mené : procédural classique, APB maîtrise le rythme et la narration, avec quelques scènes spectaculaires qui rendent l’ensemble agréable à suivre (notamment grâce à l’utilisation des caméras embarquées, qui permettent de vivre l’action du point de vue des policiers). Les acteurs font correctement le job, la réalisation est fluide… Bref, l’épisode reste correct lorsqu’il n’ambitionne rien d’autre que d’offrir un simple divertissement.
Le problème survient dès lors qu’on s’intéresse au fond. Le pitch laisse entrevoir une myriade d’interrogations et de problématiques : la technologie peut-elle se substituer à l’investigation classique ? Est-elle vraiment infaillible ? Quel rôle joue le facteur humain ? Qu’en est-il du rôle des policiers et comment celui-ci est-il redéfini ? Comment contrôler les dérives éventuelles ? Des sujets actuels que APB aborde d’un bloc, en quelques phrases lapidaires. Par exemple, une réplique suffit à l’agent Murphy pour expliquer qu’un drone ne peut pas se substituer à la nécessaire empathie du policier pour les victimes ; le détournement éventuel de l’application mobile APB (qui donne son titre à la série) mise à disposition du public est rapidement écartée ; et non, la technologie de pointe ne suffit pas à remplacer l’enquête de terrain… Problèmes résolus – alors qu’ils auraient pu alimenter la réflexion et le débat tout au long de la série. Et on ne peut manquer de remarquer que l’un des sujets les plus importants – à savoir, l’appropriation d’un service public par un riche particulier à des fins personnelles – est complètement absent de la réflexion.
De deux choses l’une : soit APB lance des pistes de réflexion qui seront développées par la suite, et elle le fait alors de façon maladroite en grillant toutes ses cartouches d’un coup; soit (et c’est l’option la plus vraisemblable) la série expédie les problématiques sous-jacentes pour ne plus avoir à y revenir par la suite et ne serait alors rien d’autre qu’une série policière d’action efficace, mais sans grande portée. Dans ce cas, il lui faudrait tout miser sur les inventions spectaculaires de Reeves, ce qui paraît compromis puisque comme nous l’avons souligné, toutes évoquent des films ou séries bien connus du public.
En tant que simple série policière, APB peut suffire au spectateur qui cherche à se caler trois quarts d’heure dans son canapé… Mais sur le fond, le scénario est tellement riche en possibilités qu’il serait vraiment dommage que la série s’en contente – et a priori, on peut craindre qu’elle n’exploite pas tout son potentiel. Les prochains épisodes diront sans doute si APB n’est qu’une série policière dispensable, ou si elle creuse son sujet et monte en puissance.
A.P.B. (FOX)
En cours de diffusion aux Etats-Unis