Canal Plus Séries diffusera le 14 avril les deux premiers épisodes de El Marginal, série argentine primée lors du festival Séries Mania 2016. Un récit carcéral âpre et violent, dans la lignée de Oz.
C’est quoi, El Marginal ? Miguel Palacios (Juan Minujin) est un ancien policier devenu délinquant. Un juge prend alors contact avec lui pour lui faire une offre : l’amnistie totale. En échange, Palacios va devoir retrouver et délivrer sa fille adolescente, séquestrée par une bande de criminels. Mais les criminels en question opèrent depuis la prison de San Onofre, d’où ils poursuivent leurs affaires en toute impunité. Sous une fausse identité, l’ex-flic est incarcéré à leurs côtés, afin d’infiltrer le gang et de libérer la fille du juge. Mais entre les murs de ce pénitencier où règne la corruption et où les condamnés font la loi, Palacios comprend vite que garder sa couverture intacte est une question de vie ou de mort…
Co-créateurs de El Marginal, Sebastian Ortega et Adrian Caetano ne sont pas des amateurs : on leur doit Tumberos, série remarquable et remarquée, et déjà un thriller carcéral. Gros succès d’audience en Argentine, saluée par la critique, El Marginal était au départ sensée se dérouler en 30 X 30 minutes ; la structure a été repensée, en 13 épisodes de 55 minutes, afin de favoriser l’exportation. Le pari est réussi, puisque la série a été primée dans de nombreux festivals (dont Séries Mania), est diffusée par Netflix un peu partout dans le monde, et qu’elle arrive bientôt sur Canal.
Malgré une intrigue policière (la mission de Palacios consistant à découvrir qui a enlevé la fille du juge, et comment la libérer), El Marginal se pose dès le départ comme une série carcérale, et elle en reprend tous les codes. Mais dans un cadre bien spécifique : celui de la prison surpeuplée de San Onofre en proie au désordre et à la corruption, où les détenus survivent en se soumettant à la loi du plus fort, et où les agressions et les meurtres sont monnaie courante.
Le pilote est habile : il pose rapidement ses personnages et son intrigue, sans s’encombrer de digressions. Mais il le fait de manière non-linéaire, en ayant recours à des flashbacks qui explicitent la situation de départ et donnent les premières pistes éclairant le passé et la personnalité de son héros. Bien amené, le procédé permet d’introduire des personnages qui prendront de l’importance par la suite et offre surtout des pauses bienvenues dans un récit musclé et haletant, rempli de scènes de violence.
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Car dès le départ, El Marginal fait le choix d’un réalisme cru qui explore le côté le plus sombre du système pénitentiaire sud-américain, avec une brutalité à la Oz ou The Shield. Assassinats, mutilations, harcèlement, violence physique et psychologique sont le quotidien des détenus, et la prison est un véritable enfer régenté par El Borgès (Claudio Rissi), redoutable criminel qui impose sa loi, ordonne meurtres et passages à tabac en toute impunité, en comptant sur le silence du directeur corrompu (Geraldo Romano) avec qui il négocie d’égal à égal. Au sein même de cette micro-société déviante, c’est toute une hiérarchie entre les prisonniers qui s’est recréée : rien de commun entre les taudis où s’entassent les plus faibles et l’espèce de zone VIP où les maîtres des lieux prennent leurs aises – et vivent au moins aussi bien qu’ils ne le faisaient à l’extérieur… Partout, la même brutalité, la même tension, et la même lutte de chaque instant pour sauver sa peau. Cette pression, accentuée par la claustrophobie induite par le cadre hermétique, est d’autant plus saisissante que le tournage s’est déroulé dans une ancienne prison, ce qui se ressent fortement à l’écran.
La scène d’ouverture donne le ton d’une mise en scène spectaculaire et nerveuse – voire même un peu trop : les plans s’enchaînent sans temps mort pour plonger le spectateur au plus près de l’action, mais la caméra, en mouvement constant, rend l’ensemble un peu artificiel. Le tout est ponctué de séquences surréalistes, le mélange entre les deux registres donnant à El Marginal une ambiance unique, une sorte de regard qui montre et déforme tout à la fois la réalité dans une étrangeté envoûtante, et qui provoque tour à tour fascination et répulsion. Le récit semble très prévisible (il y a de fortes probabilités que Palacios se retrouve impliqué dans des luttes intestines pour le contrôle de la prison, afin de se rapprocher des commanditaires de l’enlèvement), mais le pilote promet des rebondissements et quelques surprises, à l’image d’un cliffhanger qui rebat les cartes…
Du côté des acteurs, certains surjouent un peu. En revanche, Claudio Rissi est formidable, tout comme Juan Minujin, dont la prestation a marqué les esprits. Tout en retenue, avec peu de dialogues, il fait passer toute l’anxiété de son personnage par la posture, les gestes secs, et le regard nerveux qui enfièvre les traits tendus du visage. Et il incarne à la perfection un héros complexe, au passé trouble, dont on suit le cheminement intérieur. On a d’autant moins de mal à s’identifier ou s’attacher au personnage qu’il est le véhicule, la porte d’entrée par laquelle le spectateur pénètre dans la prison et en découvre toute la perversité et la violence.
Un scénario solide qui s’appuie sur une atmosphère violente et oppressante, une réalisation efficace et spectaculaire, une interprétation convaincante : il n’en faut pas davantage pour faire de El Marginal une très bonne série. Son réalisme brutal et l’originalité de la mise en scène promettent d’en faire une série coup de poing. On ne sort pas indemne de El Marginal – pas plus que de la prison de San Onofre…