Mini-série policière consacrée à un sujet sensible, Shots Fired vise juste – mais arrive un peu tard… Faut-il du coup quand même lui donner sa chance ?
C’est quoi, Shots Fired ? Lorsqu’un étudiant blanc désarmé est abattu par un policier noir dans une petite ville de Caroline du Nord, le département de la justice craint la réaction de la population. Une investigation est rapidement ouverte, confiée à l’enquêtrice Ashe Akino (Sanaa Lathan) et au procureur Preston Terry (Stephan James). Sur place, ils peuvent compter sur l’appui du gouverneur (Helen Hunt) et du shérif (Will Patton) ; en revanche, les forces de police semblent moins enclines à collaborer, à l’instar de l’officier Breeland (Stephen Moyer). L’enquête révèle rapidement une affaire de corruption, mais le pire reste à venir : la police a délibérément ignoré une autre mort, celle d’un adolescent afro-américain, abattu par un autre policier… La situation devient rapidement explosive entre les différentes communautés.
Après le succès de American Crime – unanimement saluée par les critiques, en dépit d’audiences médiocres – la Fox lance à son tour une mini-série policière dont le scénario sert de support à un sujet actuel et polémique. Shots Fired apparaît dans un contexte de tensions raciales, notamment marqué par l’affaire Michael Brown – jeune afro-américain abattu par la police dans la ville de Ferguson, et dont la mort a donné lieu à de violentes manifestations. Sauf qu’ici, la problématique est inversée : c’est un flic afro-américain qui tue un étudiant blanc. Encore que l’enquête consécutive à la bavure conduise rapidement à une autre mort, avec cette fois un jeune noir mort sous les balles d’un policier blanc…
La série s’appuie sur une narration linéaire, divisée en 10 épisodes couvrant chacun une heure. Le pilote entre directement dans le vif du sujet, avec une scène d’introduction mettant en scène la fusillade, déclencheur des évènements. Le récit bascule alors et l’histoire nous est racontée du point de vue des deux enquêteurs que l’on suit pas à pas, et dont le regard extérieur fait écho à celui du spectateur. Délicate, l’affaire semble au départ relativement simple ; rapidement, elle va évidemment se compliquer… D’abord à cause de la question raciale, qui élargit la fissure entre les communautés et exacerbe les tensions déjà présentes entre la population et les forces de l’ordre. Mais aussi parce qu’au fur et à mesure que leur enquête progresse, Preston et Ashe découvrent des enjeux politiques et économiques et les réelles motivations des personnalités locales – par exemple, un obscur accord financier entre le gouverneur et le magnat de l’immobilier Arlen Cox (Richard Dreyfus) pour la construction d’une nouvelle prison, ou les interventions enflammées du Pasteur Jenae (Aisha Hinds), qui voit dans la crise un moyen d’accroître son influence. Sans compter l’omniprésence des médias, qui scrutent les faits et gestes de chacun et parasitent le travail des enquêteurs. Autant d’éléments qui mettent la petite ville de Gates Station en ébullition, révélant les multiples fractures sous-jacentes qui menacent la paix relative qui régnait jusqu’à lors. La tension, déjà tangible dans le pilote, promet d’aller crescendo et la série maîtrise bien cette montée en puissance, qui devrait culminer d’ici quelques épisodes.
Shots Fired bénéficie également d’un casting intéressant, avec quelques noms bien connus comme Will Patton, Helen Hunt, Richard Dreyfuss ou Jill Hennessy – même si, à ce stade, il est encore trop tôt pour juger de leur performance. Même chose pour Stephen Moyer, dont le personnage de policier en apparence corrompu mais torturé devrait gagner en importance. En revanche, Stephan James est convaincant dans le rôle qui lui est dévolu, bien qu’un peu en retrait par rapport à sa partenaire Sanaa Lathan, en enquêtrice scrupuleuse et compétente mais affaiblie par des failles psychologiques qui restent à expliciter. Le duo très classique fonctionne, l’entente entre les deux acteurs étant évidente. De même, la réalisation de Gina Prince-Bythewood (créatrice de la série) est plus que correcte : très conventionnelle, elle concourt toutefois à la fluidité du récit et à la mise en place du cadre et des personnages.
Mais globalement, Shots Fired a du mal à convaincre et elle peine à susciter l’enthousiasme. Soyons clair : le problème ne vient pas de la série. A priori, le scénario, assez prévisible mais maîtrisé, tend vers un discours clair et cohérent ; l’enquête qui nous est racontée semble prometteuse ; les acteurs sont bons. Oui, mais voilà : Shots Fired arrive un peu trop tard… Outre American Crime, nombreuses sont les séries à s’être penchées , même brièvement, sur le même sujet : Chicago Police Department ou Blue Bloods, par exemple, ont récemment abordé les tensions surgissant lorsqu’un suspect noir (et désarmé) est abattu par la police, l’opposition entre communautés ethniques et la fracture sociale existant entre les différents quartiers, et la méfiance de leurs habitants envers les autorités. Bien sûr, le thème n’en est pas moins d’actualité, et la série ne manque ni de discernement, ni d’équilibre ni de pertinence en se confrontant aux violences raciales et policières. Mais dès qu’on a ces précédents à l’esprit, Shots Fired apparaît comme une énième déclinaison, sans prise de risques ni valeur ajoutée. C’est là son principal défaut : on a déjà vu Shots Fired, ou à peu près…
Maintes fois exploité, le sujet des bavures policières sur fond de racisme et d’inégalité sociale n’a finalement rien perdu de son acuité, et offre à Shots Fired l’opportunité d’une réflexion sur une question essentielle dans l’Amérique d’aujourd’hui. La trame, intéressante et bien menée, laisse également présager une série policière efficace. Reste qu’en se consacrant à un thème sensible et nécessaire, mais sans rien apporter de nouveau, Shots Fired perd indéniablement de sa force. La résolution de l’enquête et un propos déjà illustré par d’autres séries suffiront-ils à séduire le public ? Réponse dans les prochaines semaines…
Shots Fired – Fox.
10 épisodes de 45’ environ