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On a redécouvert pour vous … Allí Abajo : on dirait le Sud (Espagne)

Nouveau voyage sériel aujourd’hui sur VL. Aujourd’hui, cap au Sud : nous partons en Espagne, découvrir la série Allí Abajo.

C’est quoi Allí Abajo ? A quarante ans, Iñaki (Jon Plazaola) n’a jamais quitté son Pays basque natal – excepté pour aller faire le plein en France, l’essence étant moins chère de l’autre côté de la frontière. Il habite à San Sebastián, et son monde se limite au restaurant qu’il a hérité de son père et sa bande de copains. Ce vieux garçon à la vie sentimentale inexistante habite encore chez sa mère, une femme possessive et envahissante qui le considère toujours comme un petit garçon. A contrecœur, il accepte un jour de l’accompagner à Séville pour un voyage organisé. A peine arrivés, ils ont bien du mal à s’adapter et à profiter de ces vacances, et Iñaki n’a qu’une hâte : rentrer dans son bien-aimé pays basque. Hélas, sa mère fait une chute dans les escaliers et, transportée à l’hôpital, elle tombe dans le coma. Notre homme doit se résoudre à rester auprès d’elle, et ce séjour forcé va l’obliger à se confronter aux particularismes locaux, bien différents de tout ce qu’il connaît, mais aussi tout simplement à sortir de sa bulle pour aller vers les autres…  Il fait ainsi la connaissance de la jolie Carmen (Maria León), infirmière un peu revêche qui vient juste de découvrir que son petit ami, un prestigieux médecin, la trompait avec sa meilleure amie.

Le scénario vous semble vaguement familier ? C’est normal, puisqu’il s’inspire directement du film Bienvenue Chez Les Ch’tis, énorme succès français notamment adapté en Allemagne, en Italie, et en Espagne sous le titre Ocho apellidos vascos. Les contrastes régionaux au sein d’un même pays forment un thème récurrent dans la fiction, que le film de Dany Boon a remis au goût du jour. Les différences de cultures, d’état d’esprit, de mode de vie ou d’accent sont une source inépuisable de plaisanteries qui jouent sur des stéréotypes, sources de complicité avec le spectateur. C’est exactement l’angle choisi par Allí Abajo, véritable succès d’audience en Espagne puisque le premier épisode de la série d’Antena 3 a réuni plus de 6 millions de téléspectateurs – le meilleur démarrage en 10 ans.

Ce registre résonne particulièrement dans une Espagne marquée par de fortes identités régionales et des velléités indépendantistes récurrentes. Clairement revendiqué dès le titre, il sert de base à une série dont l’argument principal se focalise sur le fossé séparant Basques et Andalous. Nous n’avons pu voir que 4 épisodes sur les 6 déjà été diffusés, mais Alli Abajo exploite sans scrupule le filon, surjouant les codes et multipliant les clichés – flamenco, pelote et béret basques sont de la partie. Elle force le trait en s’appuyant sur toutes les idées reçues et frôle souvent le politiquement incorrect : Iñaki incarne un basque hautain et méprisant envers des Andalous, qui passent quant à eux pour des tiers-mondistes à la limite de la débilité légère. Cette charge violente est cependant rapidement et habilement désamorcée. D’abord, parce les deux parties sont visées de façon équivalente et parce que ces visions sont présentées de façon subjective et traduisent les aprioris des personnages, ensuite parce que ces mêmes personnages s’affinent au fil des épisodes, et enfin parce l’outrance du trait annihile paradoxalement la virulence du propos puisqu’en poussant la caricature, la série en souligne le ridicule et l’invraisemblance.

Centrée sur ces deux communautés, Allí Abajo développe des situations où les deux mondes – région basque et Andalousie – se juxtaposent sans interagir et sans autre lien que la présence d’Iñaki à Séville. Un univers binaire qui se développe sur plusieurs niveaux, du plus évident (les personnages de Iñaki et Carmen) aux plus anecdotiques. Par exemple, le restaurant où se retrouve le personnel de l’hôpital renvoie à la taverne traditionnelle tenue par le héros ; l’avis médical d’un de ses amis se heurte à celui du docteur sévillan ; à la bande de copains d’Iñaki répond  le groupe d’amies de Carmen. Passée la charge comique, de cette opposition systématique ressortent moins les différences que les parallèles – opinions médicales similaires, complicités identiques entre les seconds rôles féminins et les seconds rôles masculins, etc.

Soyons honnêtes : pour une comédie, Allí Abajo ne fait pas beaucoup rire. Elle amuse tout au plus, provoque quelques sourires au détour d’une répartie bien sentie. Par exemple, l’échange entre le médecin et Iñaki, lorsque celui-ci réclame une autre opinion :

« Vous voulez un second avis ?

– Plutôt qu’un second avis, je voudrais un avis basque.

– Bon. Mais en attendant, vous aurez un avis andalou dès Jeudi. »

Mais les lignes de dialogues les plus amusantes (car les plus inattendues) ne relèvent pas du registre régional. Ainsi, à l’infirmière qui lui demande si sa mère a des habitudes nocives, le héros rétorque : « Ça dépend : nocives pour qui ?« .

Il en va de même pour les situations. Certaines jouent sur la carte communautaire et provoquent au mieux un sourire ; les séquences sont beaucoup plus drôles lorsqu’elles s’en écartent. La visite de l’expert en assurances est un petit bijou burlesque, tout comme les problèmes administratifs que rencontre Iñaki. Plus intéressants encore, la relation amoureuse de Carmen et les rapports conflictuels d’Iñaki avec sa mère, traités sans grande finesse mais avec une ironie percutante, dépassent le cadre que s’est imposé la série et nous ouvrent d’autres perspectives.

Allí Abajo présente de surcroît un éventail de personnages susceptibles de pimenter une histoire un peu plate. Malheureusement, tous sont de pures caricatures – à commencer par les deux héros, le vieux garçon coincé et renfermé sur lui-même et la jolie femme au caractère de cochon. Toutefois, ces deux-là semblent évoluer progressivement au fil des épisodes et deviennent moins simplistes, Iñaki gagnant en capital sympathie tandis que Carmen s’adoucit et révèle ses faiblesses. Par ailleurs, il est indiscutable que le couple fonctionne admirablement bien, les deux acteurs incarnant parfaitement des personnages sympathiques, ridicules chacun leur tour mais en définitive assez touchants. Ils sont le principal atout de la série, qui repose essentiellement sur la dynamique de leur duo. Les scènes où ils apparaissent ensemble sont vraiment les meilleures, et cette alchimie devrait être mieux mise en valeur puisque pour l’instant, leur relation reste superficielle.

Les autres personnages sont tout aussi outranciers : il y a la jeune serveuse timide et secrètement amoureuse d’Iñaki, la mère possessive et castratrice, les voisines pipelettes de Carmen, le médecin séducteur, l’aide-soignant maladroit, la bande de beaufs qui se réunit pour jouer aux cartes en entonnant des chants basques (!!)… Qui plus est, ces protagonistes secondaires ne font que graviter autour des héros et ne servent ni l’action, ni la progression de leur relation. A l’image des Basques, qui restent entre eux dans les premiers épisodes et sont sous-exploités dans de brèves séquences superfétatoires, les seconds rôles n’apparaissent qu’en marge, presque comme des distractions dissimulant la vacuité d’un scénario auquel ils ne s’intègrent pas complètement.

Car si les plaisanteries sont convenues, l’intrigue ne l’est pas moins et même sans avoir fait Espagnol deuxième langue, on comprend dès le départ où Allí Abajo veut en venir. On a vu assez de comédies romantiques pour savoir, dès les premiers échanges hostiles entre Carmen et Iñaki, que ces deux-là finiront ensemble, et que cette relation débouchera sur de nouvelles incompréhensions provoquées par leurs origines respectives. On s’attend également à voir débarquer les copains d’Iñaki, qui se confronteront aux amies de Carmen. Un des créateurs de la série, Aitor Gabilondo, n’en fait d’ailleurs pas mystère et envisage de poursuivre la série par un spin-off intitulé Ahí Arriba qui proposerait un renversement de situation en envoyant les Andalous au Pays basque…

Déroulant tant bien que mal le fil ténu d’un scénario paresseux, Allí Abajo est contrainte de se reposer presque uniquement sur des ressorts comiques éculés, qui remplissent difficilement un épisode. Il faut d’abord signaler que les séries espagnoles ont un format particulier puisque les épisodes durent en général 50 ou 70 minutes, au lieu des 25 ou 45 auxquelles nous ont habitué les séries américaines. Par conséquent, il est difficile pour une comédie de tenir la distance et Allí Abajo a tendance à s’essouffler. La charge comique perd de sa force, chaque épisode traverse clairement un passage à vide au bout d’une demi-heure. Il en résulte une succession de saynètes plus ou moins drôles, qui donne l’impression d’assister à une suite de sketches et à des gags redondants et pas toujours bien amenés, destinés à alléger les scènes potentiellement dramatiques comme le coma de la mère d’Iñaki ou la déception amoureuse de Carmen.

Ce sentiment est encore accentué par l’interprétation des acteurs. Pour certains bien connus des téléspectateurs espagnols, ils ont tendance à jouer dans ce registre, de façon outrancière et théâtrale – avec des accents à couper au couteau. A l’instar de Jon Plazaola, tous cabotinent en permanence. Cette exagération passerait probablement dans une sitcom de 22 minutes ; au bout de 70 minutes, c’est épuisant pour le téléspectateur.

Pour l’instant, Allí Abajo déçoit. En prenant exemple sur Bienvenue chez les ch’tis et sur son adaptation espagnole Ocho apellidos vascos, on pouvait espérer qu’elle saurait transposer l’idée du choc culturel sur le long terme et en jouer pour la dépasser en proposant une histoire originale. Elle n’en prend malheureusement pas le chemin : banale tant sur la forme que sur le fond, elle tombe rapidement dans une certaine monotonie. Les premiers épisodes laissent l’impression d’une série bancale, alternant entre le cynisme et la naïveté, incapable d’aborder des axes narratifs plus complexes. Toutefois, la série tend à s’améliorer au fil des semaines : reste à voir si elle maintiendra le cap et parviendra à trouver un équilibre tout en se renouvelant pour surprendre un public assez partagé, en dépit du succès d’audience du pilote. 

Allí Abajo – Série diffusée sur Antena 3.
Saison 1 – 13 épisodes prévus.
Crédits: Antena 3

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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