Petit à petit, TF1+ devient une plateforme incontournable si on souhaite voir ou revoir les fictions françaises, à commencer par Julie Lescaut.
C’est quoi Julie Lescaut épisode 1 ? Commissaire de police dans la banlieue parisienne, Julie Lescaut se voit diriger une équipe d’officiers et de brigadier en majorité d’hommes qui essaye de concilier vie familiale et vie professionnelle. C’est sur un enlèvement d’enfant que Julie Lescaut devra faire ses preuves, accompagnée des inspecteurs Trémois et N’Guma, arriveront ils à sauver l’enfant à temps ?
L’essentiel : la case polar du jeudi soir de TF1
Dans les années 90, les séries françaises sont très présentes notamment en prime time. Qu’elles soient de grandes sagas ou des fictions policières, chaque chaîne (elles n’étaient pas nombreuses) produit la sienne pour rivaliser avec le concurrent. Au milieu de cette « guerre » incroyable de fictions, une case va à elle seule truster les audiences, c’est la case du jeudi soir de TF1. Dès 1989, elle verra défiler de véritables cartons en terme d’audience, que ce soit Navarro, Julie Lescaut, Commissaire Moulin ou encore Une femme d’honneur. Ces séries faisaient des audiences dépassant les 12 millions de spectateurs. Si après coup, il fut de bon ton de les pointer du doigt – le temps a eu raison d’elles, enfermées dans un modèle et souffrant de plus en plus de la concurrence avec ses homologues américains – il ne faudrait pas oublier qu’à leurs débuts, elles se permettaient tout à la fois des sujets et un ton qui témoignaient d’une grande liberté.
Le soucis principal était que face aux américains qui ambitionnaient déjà de suivre les intrigues d’épisode en épisode, ces séries étaient surtout des collections d’unitaires où l’évolution des personnages et les conséquences des intrigues ne ressentaient que peu d’un épisode à l’autre. Formellement, chaque série a d’ailleurs son générique qui lui est propre (avec le titre – comédien – auteurs – réal – …) puis juste après comme dans un film de nouveau les mêmes noms défilaient à l’écran à la manière d’un film de cinéma.
C’est Navarro avec Roger Hanin qui lança la case mais il trouva dès 1992 une sérieuse concurrente en la personne du Commissaire Lescaut.
On aime ou pas ?
Le personnage de Julie Lescaut a été créé par Alexis Lecaye, qui a signé de nombreux romans et à qui l’on doit la très bonne collections « Les Dames » avec Thierry Godard.
Quand la série démarre en 1992, elle est portée par une jeune héroïne qui hérite de cette case hautement stratégique. A 36 ans seulement, Véronique Genest devient le symbole d’une fiction policière qui tente déjà de se renouveler. Dans cet épisode qui tranche singulièrement avec l’image que l’on a des polars français de TF1, on découvre que cette nouvelle série policière sera portée par une femme qui occupe une fonction d’ordinaire assignée à des hommes, à savoir commissaire (c’est d’ailleurs « un » commissaire qu’elle remplace), et pour lequel elle sera entourée d’hommes (Trémois, Nguma et Motta). A son arrivée, c’est d’ailleurs de haut que chacun la regarde, tous la pensant incapable de relever le défi à commencer par Trémois – Jérôme Anger – flic taciturne et en infiltration dans les quartiers. Déjà, en tant qu’héroïne, on est dans une nouvelle typologie dont la télévision n’avait que peu l’habitude (ce modèle sera d’ailleurs reproduit pour introduire une autre héroïne Une femme d’honneur). Le commissariat dans lequel est nommée Lescaut – Les Clairières – est plutôt situé dans une zone sensible, en témoigne les tensions qui existent tout au long de l’épisode entre la police et les habitants.
Côté vie personnelle, Julie Lescaut met en scène une femme qui élève seule ses filles, proche du divorce même si elle se laisse tenter de revoir son mari, et qui entend bien s’assumer sans lui. Cela paraît « normal » aujourd’hui, mais on est en 1992 et proposer à la télévision française une héroïne qui dirige une équipe d’hommes et proche de divorcer, ça ne va pas de soit. La série est en ça plutôt en avance dans sa description d’une femme moderne. Sa fille « Babou » a d’ailleurs une très jolie phrase quand elle comprend que ses parents vont sans doute divorcer, elle répond : « je serais comme tout le monde » (comme tout le monde mais pas trop à la télévision française à cette époque).
Côté histoire, plutôt qu’une longue et unique policière, la série a là aussi une écriture assez moderne. Elle nous raconte l’enlèvement d’un enfant par un gang qui gère un club de jeu clandestin, mais aussi le malaise d’un suspect dans les locaux de la police parce qu’on lui a refusé un médicament (et l’hostilité de la cité située à côté qui dénonce une bavure) jusqu’aux soucis du quotidien dans la vie d’un commissariat (comme gérer les marginaux) ou d’une femme de famille (la crise d’adolescence d’une des filles). C’est donc sur la base d’une promesse forte que démarre cette nouvelle série. Mais elle porte aussi déjà en elle les germes de ce qui a fini par « tuer » de bonnes idées.
Là où les séries américaines auraient choisi de nous présenter l’impact des affaires sur les policiers (comme PJ le fera plus tard), point de ça ici. Les héros ne doivent pas être marqués trop longtemps par ce qu’ils vivent (les épisodes doivent être suivis dans le désordre). On a ainsi édulcoré assez rapidement ce qui aurait étoffer encore un peu plus les personnages. Ainsi, dans ce premier épisode, une scène assez forte montre Julie se rendre au chevet du suspect qui a fait un malaise au commissariat. Elle se retrouve face à la détresse de son frère venu à son chevet qui lui crache les pires mots à la figure. Elle décide donc de quitter l’hôpital en pleurant, visiblement affectée par ce qu’elle a vu. Mais la scène suivante nous montre Julie arrivant chez elle tout sourire, tenant avec ses filles une conversation d’une banalité confondante, eu égard à ce que l’on vient de voir. Vraiment dommage car cela aurait pu donner lieu à une vraie réflexion sur le comportement des policiers (comme elle peut l’avoir avec ses partenaires). Comme si la télévision montrait déjà les premiers signes de sa grande frilosité qui l’ont poussé à vraiment tenter de davantage rassurer son public que de le bousculer avec des moments forts et chocs.
Reste que si il y a parfois des flottements dans ce premier épisode niveau jeu, il est une très belle réussite de ce qui aurait pu être une proposition singulière et intéressante mais qui est devenu avec le temps une série « comme les autres ». Mais l’attachement que le public a tissé avec cette série et son héroïne est indéniable et porté la série vers le succès 22 ans durant.