Né dans les années 70, Luke Cage est un héros qui a porté longtemps le “Black power” dans les comics. Quelques 40 ans après, il s’anime sur écran et dans le cadre d’un développement unique en télévision.
Painted black (Rolling stones)
Troisième série Marvel/Netflix après Daredevil et Jessica Jones, Luke Cage est également la première à ne pas se dérouler dans le quartier de Hell’s Kitchen, mais à Harlem, toujours dans New-York. Avant toute chose il est sans doute bon de rappeler le projet général Marvel/Netflix. Les adaptations de héros Marvel sur la plateforme de SVOD, Netflix, forment un tout, qui doit aboutir à un ensemble. Annoncé dès le lancement de la série Daredevil, chaque série Marvel/Netflix a pour but d’aboutir à une mini-série qui les réunit tous : Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage et Iron Fist, dont la série arrivera sans doute au printemps 2017, sous le label “The Defenders”. La mini-série réunion arrivera sans doute sur la plateforme d’ici un an, soit à l’automne 2017. Sur cette base, chaque série est donc un peu conçue de la même façon : c’est plus ou moins une origin story (entendez par là la façon dont le personnage va devenir le héros de “The Defenders”, même si certain d’entre eux ne commencent pas neuf, comme Jessica Jones), avec un méchant assez bien développé, une inspiration venant d’un genre un peu balisé, et même une couleur dominante que l’on retrouve dans le générique, à chaque fois sur base de noir. C’est le rouge pour Daredevil, le pourpre pour Jessica Jones, et le jaune pour Luke Cage. Avant d’entrer plus avant dans les détails, il faut également noter que Luke Cage, interprété par Mike Colter, n’est pas totalement neuf dans cet univers, puisqu’on a déjà pu le voir en personnage secondaire, mais d’importance, dans la première saison de Jessica Jones.
La saison 1 de Luke Cage se déroule après les événements des précédentes séries Marvel/Netflix. Rappelons que le personnage est extrêmement fort et a peu près indestructible. Nous ne spoilerons pas ici les origines exactes de ses pouvoirs, car c’est une partie de l’histoire qui est assez détaillée dans la saison (Épisode 4 pour ceux qui voudraient zapper directement). Luke Cage est en fuite, il est parti de Hell’s Kitchen pour s’installer à Harlem, quartier historique des afro-américains New-Yorkais. C’est un homme en fuite qui doit faire deux jobs pour s’en sortir : homme a tout faire chez Pop’s le barbier le jour et plongeur dans le club “Harlem’s paradise”, possédé par l’inquiétant Cottonmouth (Mahershala Ali), la nuit. Luke n’a qu’un désir : vivre sa vie discrètement, ne pas prendre part, ne pas être un héros, justement. Pourtant, les événements vont bien évidemment venir à sa rencontre et l’obliger à devenir le héros qu’il ne veut pas être.
Sur cette base la saison va finalement se dérouler en deux parties. Durant la première moitié, c’est réellement une série presque hommage au cinéma de la Blaxploitation des années 70, fortement traversée par une ambiance de polar glauque qui s’inspire d’autres séries comme The Wire par exemple. Ici, l’aspect “super héros” et même adaptation de comics, est finalement assez absent. La seconde partie de la saison, elle, est sans doute plus proche de ce que l’on peut attendre d’une comics-série, tout en gardant le ton déjà présent dans les deux autres opus Marvel/Netflix, a savoir une ambiance sombre et relativement réaliste. Dernier point notable : Le personnage “fil rouge” du projet, Claire Temple (Rosario Dawson), l’infirmière de nuit, prend ici une réelle place dans l’histoire.
Black is black (Los Bravos)
Après la l’effet de surprise qu’avait suscité Daredevil, et la confirmation qu’à apporté Jessica Jones, la troisième série Marvel/Netflix du projet Defenders est un peu le moment délicat du développement du projet. Pour celles et ceux qui suivent et vont se précipiter, après 3 ans sur le crossover, il faut à la fois proposer une saison qui s’inscrit dans cet ensemble, tout en offrant une nouvelle ambiance, et un personnage suffisamment différent pour que l’on ne décroche pas de l’ensemble. A ce titre, la tentative de Cheo Hodari Coker, le showrunner de Luke Cage, réponds aux enjeux, mais la réponse apportée est aussi, d’une certaine manière, une limite qu’atteint ici l’ensemble du projet.
Prenant pour base ce que fut dès le départ le personnage dans les comics Marvel, à savoir la traduction en BD de la vague de blaxploitation (films de genre dont le cast est pratiquement uniquement composés d’afro-américains, et qui souvent imitent des films ou thèmes classiques). On peut le comprendre dès les premières minutes via le générique, dont les images et la musique évoquent plutôt le New-York des années 70 qu’une vision plus moderne de la ville. [youtube id= »M-I4yqG64ac »]
La première partie de la saison est finalement une histoire de guerre des gangs assez classique, mêlant trafic, violence et même politique via le personnage de Mariah Dillard (Alfre Woodward). D’une certaine manière on est plus proche de ce que l’on avait pu voir dans Daredevil, mais dans une version “black”, ce qui est globalement la volonté des créateurs du show. Si l’ensemble est globalement plutôt bien fait, il manque sans doute un peu de scènes tournées avec originalité, et la facture de l’ensemble est, certes, efficace, mais plutôt classique. Sans doute, durant tout le début de la saison, c’est via le personnage de Misty Knight (Simone Missick), que l’on a un vrai concept visuel. C’est un flic qui, part sa concentration se plonge avec précision dans les scènes de crime qu’elle examine. Visuellement cela se traduit par des mouvements et des transitions bien faites. Sans doute, il y a une part du contenu de cette première partie de Luke Cage qui échappe à un spectateur qui ne serait pas noir américain, tant l’ensemble est réellement exclusivement basé sur un espace et une communauté. Petite note étrange concernant Netflix et cet angle de la série : pour quiconque a vu la série de Baz Luhrmann, The Get Down, il est étonnant de constater à quel point les deux shows ont de nombreux points communs, à la fois dans l’image, le ton, et l’angle avec lequel est développé l’histoire. Les auteurs n’oublient pas pour autant l’univers Marvel, et plus particulièrement celui qui est développé sur la plateforme Netflix, de nombreuses références y étant faites dans les dialogues. Les fans ne sont pas non plus en reste, une scène permettant de voir le personnage dans son costume original, exactement.A partir de la moitié de la saison, on se retrouve en terrain plus connu, avec un héros, sa némésis, des traumatismes d’enfance à résoudre, et ce genre de choses. Tout en restant dans l’angle “blaxploitation”, on sent que le projet Defenders est bien là, et qu’il faut relier les wagons.
A l’instar des autres séries Marvel/Netflix, Luke Cage est globalement de bonne qualité, même si, sans doute, l’ensemble exprime moins d’originalité et de brio, à la fois dans l’écriture et la conception que les séries qui ont précédé.
Crédits: Netflix