Entre énigme policière et comédie dramatique, la série Search Party diffusée par OCS surprend par son originalité et sa pertinence. Alors que la saison 4 est sur OCS, on s’est replongé dans la première saison de la série.
C’est quoi, Search Party ? New-yorkaise d’une vingtaine d’années, Dory (Alia Shawkat) n’est guère satisfaite de sa vie. Effacée et timide, la jeune femme est en couple avec un petit ami terne (John Early) et velléitaire, et se sent frustrée par un emploi peu gratifiant. Sa vie bascule lorsqu’elle aperçoit par hasard un avis de recherche, placardé pour tenter de retrouver Chantal, une ancienne camarade de lycée qu’elle n’a pas revue depuis des années, mystérieusement disparue. Obsédée par le sort de Chantal, Dory commence à mener l’enquête, malgré les réserves de ses amis et de son compagnon.
Le point de départ semble simple : une jeune femme enquête sur la disparition d’une ancienne connaissance. A priori, on s’attend donc à une série policière… Mais l’on comprend vite que Search Party va s’employer à raconter autre chose. Dans un mélange des genres inattendu mais maîtrisé et convaincant, la série joue sur plusieurs registres, avec originalité et une certaine fraîcheur. D’un côté, on suit donc Dory dans sa recherche de la vérité : qu’est-il arrivé à Chantal ? La jeune femme est-elle morte, comme le laisse supposer la découverte de plusieurs indices concordants ? A-t-elle volontairement pris la fuite, comme le pense l’héroïne, persuadée de l’avoir aperçue en ville ? Que peut-elle déduire des différents éléments qu’elle parvient peu à peu à rassembler ? Toutes les pistes, habilement posées dans un pilote rythmé et intrigant, retiennent l’attention et suscitent la curiosité. Pourtant, il apparaît rapidement que cette énigme n’est qu’un prétexte. En réalité, il s’agit moins pour Dory de rechercher une ex-amie disparue que de se trouver elle-même…
Alors évidemment, dit comme ça, c’est assez pompeux. Dans les faits, le thème sous-jacent est habilement amené : ce n’est pas une épiphanie, mais de brefs éclairs de lucidité qui, l’un après l’autre, bouleversent la perception que Dory a d’elle-même et de sa petite vie morne et (pense-t-elle) insignifiante. A travers ses investigations maladroites, elle prend progressivement conscience de son mal-être et de son insatisfaction. « Je me demande, est-ce que quelqu’un s’en soucierait s’il m’arrivait quelque chose ? » s’interroge-t-elle soudain, ébranlée par la disparition de Chantal. L’évènement agit comme un déclic : Dory comprend qu’elle ne supporte plus son apathie, elle se découvre une envie de lutter pour se sortir de cette situation. Ce qu’elle traduit en lançant, furieuse : « Tout le monde me dit ce que je ne peux pas faire, mais personne ne me dit ce que je peux faire. » Peu importe que Chantal ne soit qu’un vague souvenir d’adolescence: par son intermédiaire, c’est sa propre vie que Dory remet en question.
Central et évident, le sujet pourrait être pesant et le ton, moralisateur et quelque peu naïf. Forte d’un format court (30 minutes environ), Search Party évite habilement l’écueil en jouant avec les ellipses et les allusions, mais aussi grâce à un humour distancié. La série jongle entre drame et comédie, maniant à la fois la noirceur et l’ironie, se moquant de ses personnages dans un mélange des genres fluide et séduisant. Encore ménage-t-elle Dory, protégée par la naïveté confondante dont elle se défait peu à peu, et l’empathie voire l’identification que peut ressentir le spectateur à son égard. Cette impression soudaine de passer à côté de sa vie, ces interrogations existentielles, ses doutes la rendent attachante et beaucoup plus proche de nous que ses camarades. Ceux-ci, en revanche, ne sont pas épargnés et Search Party les brocarde joyeusement. D’abord indifférents au sort de la malheureuse, ils ne tardent pas à s’approprier le drame avec un cynisme involontaire et inconscient : tous se précipitent sur leur portable pour twitter et faire part au monde entier (ou à leurs 23 followers…) de leur choc et de leur inquiétude pour cette chère amie. Du moins, dès qu’ils parviennent à se rappeler d’elle (c’est vrai, ça : au fait, c’est qui, Chantal ?!!). Même chose lors de la veillée organisée en sa mémoire, où entre deux messages sur les réseaux sociaux, on brandit des bougies en arborant des badges « #IAmChantal » tandis qu’une chorale entonne Since you’ve been gone, les larmes aux yeux. La scène, caustique et sans pitié, représente bien le ton de la série, qui parvient à générer en même temps l’amusement et un léger malaise… Certains ont voulu y voir la critique à peine voilée d’une génération pleine de doutes, dépeinte comme apathique et égocentrique, et qui vit sa vie à travers les écrans et le numérique. Ne vous laissez pas piéger : la seconde partie de la saison 1, plus obscure, efface progressivement cette impression en prenant un tour moins convenu…
Avec son héroïne sympathique, sorte de personnage de Girls embarqué dans une histoire à la Agatha Christie, Search Party prend pour prétexte l’énigme d’une disparition pour aborder avec une fausse désinvolture des thèmes plus profonds, auxquels chacun peut s’identifier. A travers le cheminement de Dory et les défauts de sa petite bande d’amis, la série trace des portraits pertinents et savoureux, sans jamais céder aux stéréotypes. Au premier degré, c’est l’histoire d’une fille qui enquête sur la disparition d’une ex-copine ; si l’on veut voir plus loin, c’est celle d’une jeune femme paumée qui cherche à se trouver. Dans les deux cas, Search Party est une série originale, que l’on prend plaisir à suivre. Décidément, ils ont bon goût, chez OCS !