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On a vu : L’exposition « Encore un jour banane pour le poisson-rêve » au Palais de Tokyo

Le centre de création contemporaine inscrit son exposition dans une saison dédiée à l’enfance, et invite les visiteurs à errer dans un conte, où s’alternent émerveillement et angoisses des premières années. Insolite.

« Saviez-vous que l’enfance est le seul moment dans nos vies où la folie n’est pas seulement permise, mais ce que l’on attend de vous ? » peut-on ainsi lire dans La Mandoline du capitaine Corelli, du romancier britannique Louis de Bernières. Qui en effet n’a jamais songé à ses frasques juvéniles, sourire au coin, en imaginant les conséquences qu’elles auraient pu avoir âgé de quelques années en plus ?

En bousculant le titre de la nouvelle de Salinger, Un jour rêvé pour le poisson-banane, l’exposition souhaite renverser les archétypes liés à l’enfance et révèle ce qu’elle n’est pas : la synthèse de fantasmes universellement partagés. En partant du postulat que chaque enfance est unique, et de surcroît qu’elles sont les fruits hybrides d’éléments biologiques, sociaux, culturels et historiques, l’exposition se présente comme une traversée dans les stéréotypes qui les façonnent, et offre ainsi une multitude de niveaux de lecture.

Organisé à la manière d’un récit initiatique, le parcours proposé est jalonné d’étapes inévitables dans la reconstruction de l’enfant qui sommeille en chacun. Ouvert et digressif, les nombreuses œuvres qui le composent -sculptures, vidéos ou encore installations- stimulent l’imaginaire et ravivent des souvenirs enfouis, qu’ils soient amers ou exquis. Tour d’horizon.

La confusion

Sculptures miniatures dans un espace gigantesque, l’artiste Tomoaki Suzuki joue des changements d’échelles pour décontenancer les visiteurs. Hyperréalistes, celles-ci représentent la jeunesse londonienne qu’il croise dans les rues de la ville. Dispersées comme des personnes isolées, elles invitent les visiteurs, tels des géants, à s’abaisser pour établir une confrontation silencieuse. Au fond, un immense portrait d’enfant en mosaïque imaginé par Clément Cogitore est aveuglé par des carrés de pixels. Les visiteurs, cette fois minuscules, n’ont alors d’autres choix que de s’avancer vers lui pour poursuivre leur chemin, inversant une nouvelle fois le rapport d’échelle.

La salle de classe

L’œuvre de Petrit Halilaj mêle son expérience personnelle à la mémoire collective liées aux tensions politiques et culturelles de son pays, le Kosovo. En reproduisant sous forme de papier peint les pages de son manuel de lecture où il apprit l’albanais comme tous les enfants de sa génération – à une époque où l’oppression de cette population par le gouvernement serbe était extrême -, l’artiste témoigne de la réalité qui entoure les enfants. A l’aide de fines tiges d’acier, il reproduit et agrandit alors les inscriptions laissées sur les bureaux par plusieurs générations d’écoliers, où se côtoient des images que l’on pourrait retrouver dans les classes du monde entier – des cœurs, des oiseaux, ou les noms de Messi et d’Eminem -, mais aussi un arsenal d’armes ou de noms de milices opérant au Kosovo.

La mélancolie

Une large pièce au plafond arc en ciel où gisent des corps inertes, accoutrés de vêtements colorés. Blancs et maquillés, ces visages dégagent une étrange mélancolie, où l’on perçoit les tourments de la condition humaine. Le titre de chaque sculpture renvoie alors à des gestes du quotidien- respirer, dormir, espérer, lire, marcher, rire ou aimer- et l’on comprend que ce vaste ensemble offre le portrait d’une identité fragmentée, comme une démultiplication d’une seule et même personne en quarante facettes. Réalisés par Ugo Rondinone, ces clowns, figures récurrentes du monde enfantin, inspirent alors une sérénité teintée d’effroi, et laissent place à l’introspection de l’individu.

La peur

Un son lancinant emplit l’espace, à mesure que les visiteurs descendent cet escalier fastueux, bordé par une lumière rouge. Sorti là encore de l’imagination de Clément Cogitore, celui-ci transforme une action somme toute banale en véritable descente aux enfers, les murs étant parsemés d’inscriptions noires et de figures effrayantes. Une atmosphère cauchemardesque s’y émane alors, et oblige les visiteurs à combattre leurs peurs infantiles. Il faut dire que l’entrée ne laissait guère présager un espace accueillant : un monumental rideau de scène s’ouvre et se referme mécaniquement dans un rythme asynchrone, paraissant alors hanté. Au bout, une étrange forme blanchâtre trône sur le tapis rouge.

Exposition du 22 juin au 9 septembre 2018. Palais de Tokyo, 13 avenue du Président Wilson – 75116 Paris. Ouverture de midi à minuit, tous les jours sauf le mardi.

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Étudiant en science politique, explore l'Art et joue le dimanche à ses heures perdues.
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