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On a vu pour vous… Bloodlands, le fantôme de l’IRA plane sur un crime

James Nesbitt remue le passé de son personnage et ceux de l’histoire récente de l’Irlande du nord dans Bloodlands, en enquêtant sur la disparition d’un homme d’affaires lié à l’IRA.

C’est quoi, Bloodlands ? Tom Brannick (James Nesbitt), inspecteur de police de Belfast, est appelé sur une scène de crime : une voiture a été abandonnée sur les docks, son propriétaire Pat Keenan ayant vraisemblablement été enlevé. Sur place, une carte postale semble établir un lien avec une série de meurtres perpétrés vingt ans plus tôt par un assassin de l’IRA connu sous le nom de Goliath. Parmi ses victimes présumées se trouve Emma, la femme de Brannick dont le corps n’a jamais été retrouvé. L’affaire est donc très personnelle pour l’inspecteur, qui va reprendre la traque du mystérieux Goliath malgré les réticences de sa hiérarchie.

Créée par Jed Mercurio, à qui l’on doit les excellentes Line of Duty et Bodyguard, la série Bloodlands arrive sur Canal + après avoir connu un grand succès outre-Manche, notamment en Irlande du Nord. Il faut dire que l’intrigue se déroule précisément dans cette région du Royaume-Uni et qu’elle s’inscrit dans un contexte sensible, a fortiori au vue des récentes résurgences des tensions suite au Brexit : celui des blessures jamais cicatrisées de la guerre civile irlandaise et de la situation de l’Irlande du Nord.

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De fait, avec ses quatre épisodes retraçant une enquête criminelle, Boodlands pourrait sembler banale sur le papier. Et ce, même si l’intrigue est solide, les comédiens convaincants et les rebondissements surprenants et bien amenés. Ce qui fait la différence entre Bloodlands et une autre série policière, c’est le contexte qui entoure l’enquête. L’histoire de l’Irlande du Nord, avec les traces laissées par les actions de l’IRA durant des décennies, imprègne toute la série. D’une part parce que l’intrigue est indissociable du passé du héros, l’inspecteur Brannick, dont la vie a volé en éclats après la disparition de sa femme vraisemblablement tuée pour des raisons politiques ; mais aussi parce qu’il ne s’agit pas seulement de retrouver la victime d’un enlèvement ou d’arrêter un tueur qui court depuis des décennies. Dans la traque de cet assassin de l’IRA passé sous les radars, notre enquêteur va remuer un passé douloureux, raviver les tensions et souffler sur les braises d’un incendie qui couve encore. 

Tom Brannick, surnommé The Black Irish, est un un flic coriace de la police de Belfast. Au cours de sa carrière dans les forces de l’ordre, il a donc connu au plus prêt le conflit entre catholiques et protestants qui s’est officiellement achevé en 1998, l’année de la fin du processus de paix entre les institutions et l’IRA.  Mais afin de préserver le processus de paix en question, les autorités ont étouffé certaines affaires sensibles qui auraient pu faire échouer les négociations. Et en particulier une série de meurtres attribués au mystérieux Goliath, membre dissident de l’IRA : quatre personnes ont été portées disparues et n’ont jamais été retrouvées, parmi lesquelles Emma, la femme de Brannick et accessoirement agent des renseignements britanniques. 

Brannick et sa jeune collègue remuent le passé

Vingt ans plus tard, Pat Keenan (Peter Ballance), un homme d’affaires lié à l’IRA est kidnappé ; un mystérieux message inscrit sur une carte postale est retrouvé dans sa voiture, et pour Brannick il ne fait aucun doute que l’affaire est liée à ce fameux Goliath. Secondé par l’inspectrice Niam McGovern (Charlene McKenna), Brannick prend l’enquête en charge malgré les mises en garde de son supérieur Jackie Twomey (Lorcan Cranitch): la paix est encore extrêmement fragile, fouiller dans le passé pourrait bien raviver les tensions. Qu’importe, Brannick est  déterminé à aller cette fois jusqu’au bout pour découvrir enfin l’identité de Goliath que, par le passé, on a soupçonné d’être un policier… 

Une grande partie de l’efficacité de la série repose sur les épaules de James Nesbitt. Dans de rares scènes, il en fait un peu trop mais globalement, il parvient à montrer que Brannick est un homme dur et déterminé, qui tente de faire le deuil de sa femme depuis plus de 20 ans tout en veillant sur sa fille adolescente. Mais sa froideur et son stoïcisme de façade commencent à se fissurer lorsqu’il se rend compte que l’histoire n’est pas encore terminée.

La série fonctionne de manière convaincante, à la fois dans la manière dont se déroule l’intrigue criminelle avec de nombreux rebondissements inattendus mais crédibles, dans son rythme enlevé, dans la construction des personnages tous bien caractérisés et interprétés, et dans la façon dont elle s’empare d’un schéma classique – le flic aguerri au passé trouble associé à une jeune enquêtrice intuitive – pour aller un peu plus loin. 

Les fantômes de l’IRA hantent encore la lande irlandaise.

Car au-delà de l’enquête elle-même, l’élément le plus intéressant de Bloodlands reste le contexte. L’investigation de Brannick pour découvrir l’identité de Goliath ravive les fantômes de son propre passé mais aussi ceux de tout un pays, elle rouvre les plaies béantes de toute une nation avec les conséquences, les tensions et les ressentiments qu’on peut imaginer. A ce titre, le premier épisode saisit instantanément et brillamment ce double niveau de lecture, en mettant en lumière toutes les possibles répercussions tant personnelles que politiques de l’affaire. 

Entre les rues de Belfast et les paysages grandioses de la lande, Bloodlands a toutefois choisi de ne pas enfermer l’Irlande du Nord dans sa situation politique et dans les traumatismes de son passé. Et son  dénouement, moins évident que ce que l’on pourrait penser, a divisé la critique outre-Manche : certains ont qualifié ce choix d’habile quand d’autres y ont vu une occasion manquée. Chacun se fera donc sa propre opinion au terme de cette saison… 

Bloodlands est une série policière efficace, un bon thriller policier aux rebondissements efficaces qui nous plonge dans une affaire fictive mais profondément enracinée dans l’histoire récente de l’Irlande du Nord. L’histoire est vite prenante et intrigante, jusqu’à un dénouement qui a toutefois fait débat bien qu’il reste cohérent. Cette conclusion aurait du reste pu constituer le point final de la série ; en l’occurrence, il fonctionne aussi très bien en tant que final de saison puisque Bloodlands a officiellement été renouvelée.

Bloodlands
4 épisodes de 50′ environ.
Sur Canal+ à partir du 3 Mai.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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