
La série Carême raconte l’ascension du célèbre cuisinier de l’époque napoléonienne, sur fond d’intrigues politiques.
C’est quoi, Carême ? Au début de XIXème siècle, sous le Consulat, le talent exceptionnel du jeune cuisinier Antonin Carême (Benjamin Voisin) lui vaut d’être remarqué par certains des personnages les plus puissants de Paris. Lorsque son père adoptif est arrêté sous de fausses accusations par les hommes de Fouché (Micha Lescot), Carême est déterminé à le faire libérer. Quitte à s’allier à l’ennemi juré du Ministre de la police, le Ministre des relations extérieures Talleyrand (Jérémie Renier). Celui-ci l’emploie comme cuisinier mais lui demande aussi d’espionner pour son compte. Des cuisines aux couloirs des palais, entre ses ambitions et son désir de vengeance, Carême se retrouve au cœur des jeux de pouvoir.
OUVERTURE SERIES MANIA 2025
Carême, roi des cuisiniers et cuisinier des rois
Présentée en ouverture du festival Séries Mania cette année, disponible sur Apple TV+ à partir du 30 avril, Carême est basée sur le livre Cooking for Kings: The Life of Antonin Carême, écrit par Ian Kelly qui a cocréée la série avec Davide Serino (M., il figlio del secolo). Derrière la caméra, on retrouve Martin Bourboulon (Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan) et Dominique Farrugia comme producteur ; à l’écran, la distribution est emmenée par Benjamin Voisin (Les Illusions perdues) et Jérémie Renier (Cloclo, Saint-Laurent.)
Héros éponyme de la série, Antonin Carême porte bien mal son nom. Issu d’un milieu très modeste, il est vite connu dans le tout-Paris du début du XIXème siècle jusqu’à devenir le cuisinier que s’arrachent les grandes personnalités de l’époque napoléonienne. Surnommé « le chef des rois et le roi des chefs » de son vivant, renommé dans l’Europe entière, il va hisser la cuisine au rang d’art, jetant les bases de la haute gastronomie française. Il est l’inventeur des petits fours, de l’éclair au chocolat, de la charlotte aux fraises – ce dont nous lui sommes infiniment reconnaissants – mais son talent va aussi le placer au cœur des intrigues politiques en tant que chantre d’une gastronomie « diplomatique » et chef attitré de Talleyrand.

Une série que n’aurait pas reniée Alexandre Dumas
Carême mélange un certain nombre d’ingrédients : série historique, biographie, intrigue politique, espionnage, drama, scènes en cuisine, vengeance, romance… Mais loin d’être lourde, la recette est absolument délicieuse. La série dose parfaitement les proportions, sait lier ses intrigues avec fluidité et intelligence, de telle sorte que la sauce prend immédiatement, notamment grâce à une écriture brillante.
Vous êtes-vous déjà demandé ce que ferait Alexandre Dumas s’il vivait aujourd’hui ? Nous non plus. Mais le maître des romans-feuilletons mêlant Histoire et fiction aurait très bien pu devenir scénariste des séries, et dans ce cas il n’aurait probablement pas fait mieux que Carême. Dans un Paris superbement reconstitué, tournée dans les grands palais de l’époque comme le château de Valençay, avec des costumes incroyables, Carême s’appuie sur une période forte de l’Histoire de France (les débuts du consulat), invoque des personnages ayant réellement existé, des événements historiques et des faits réels.
Et à partir de là, l’intrigue est feuilletonnante mais chaque épisode comporte une trame précise, une intrigue spécifique pleine de tension et de suspense qui fait avancer l’ensemble. Sur une base historique, comme dans tout bon roman de Dumas, Carême ajoute des personnages fictifs, des intrigues crédibles mais inventées pour nous raconter le parcours de son héros, ce jeune chef brillant et ambitieux qui, dans les cuisines les plus prestigieuses de l’époque, va se retrouver emporté dans la tourmente de la politique nationale et internationale, jouer les espions pour Talleyrand, se confronter à Fouché, côtoyer Madame de Staël (Juliette Armanet), Louis Bonaparte (Arthur Mazet), Joséphine de Beauharnais (Maud Wyler). Et Napoléon Bonaparte que, de façon extrêmement drôle, la série montre à peine, et quasiment toujours de dos ! (une pensée pour l’acteur Franck Molinaro)
Un délice à la hauteur des recettes de son héros
Carême est servie par un casting brillant, à commencer par un Benjamin Voisin formidable dans le rôle-titre. Il fait de Carême un jeune homme ambitieux, un cuisinier aussi génial que orgueilleux, qui s’enlise dans des conflits intérieurs à mesure qu’il se fait manipuler par Talleyrand. Talleyrand, justement, est incarné par un Jérémie Renier parfait en diplomate cynique, retors et redoutable. Citons aussi Lyna Khoudri et Alice Da Luz, excellentes dans les rôles fictifs, et enfin Micha Lescot, irrésistible en Fouché tellement machiavélique que c’en est un plaisir de le détester.

Tout ce beau monde nous entraîne dans des scènes de cuisine dignes de The Bear, un épisode centré sur un concours culinaire à la Top chef, un triangle amoureux qui rappelle celui de Trois mousquetaires, des intrigues politiques, les missions d’espionnage confiées à Carême, un secret de famille stupéfiant… Rythmée et sans temps mort, avec un sens aiguisé du cliffhanger (dont celui de fin de saison, qui indique clairement l’orientation d’une suite éventuelle), Carême est tellement intelligente et plaisante que ça en serait presque ridicule.
Impossible de ne pas se laisser happer par cette série flamboyante, pleine de suspense, qui a l’audace d’ajouter dans son histoire des éléments totalement imaginés sans jamais basculer dans l’invraisemblable ou le too much. Car après tout, même si telle scène ne s’est certainement pas produite… ça aurait pu. Et s’il fallait une preuve de l’immense intelligence de la série, c’est qu’elle nous pousse à faire nos propres recherches pour démêler le vrai du faux, qu’on a envie d’en savoir plus sur ces grands noms que l’on connaît forcément mais parfois de manière superficielle (Fouché, Talleyrand et évidemment Carême) et dont elle nous a donné un avant-goût.
Série qui mélange Histoire et fiction, personnages réels et inventés, cuisine et espionnage, politique et drama, Carême est délicieuse du début à la fin. Portée par ses acteurs tous excellents et une réalisation soignée, elle bénéficie surtout d’une écriture redoutablement intelligente, à la fois intéressante sur le plan historique et stimulante sur le plan fictif. On a goûté à Carême, on a dévoré cette première saison, et on veut du rab. Un régal.