Evénement de début 2023, la pièce Créanciers réunit Benjamin Baroche et Julie Debazac, deux figures des feuilletons quotidiens, auxquels s’ajoutent Philippe Calvario. Nous avons enfin pu aller la voir.
C’est qui Créanciers ? Dans une station balnéaire, deux hommes s’interrogent sur les relations complexes qu’entretiennent les hommes et les femmes. Leur amitié est récente. Gustaf propose à Adolf de lui révéler, grâce à un stratagème, la vraie nature de sa femme. Le mari accepte de se prêter à ce jeu cruel en ignorant que Gustaf est le premier époux de sa femme Tekla…
Une prouesse, une vraie démonstration
Assister à Créanciers, c’est un peu comme se rendre sur place pour la voir (au théâtre de l’épée de bois, à la Cartoucherie) : ça demande de la patience, de prendre son temps pour profiter et savourer, mais une fois qu’on y est, on en prend plein les yeux.
Tout d’abord le lieu ! Ce n’est pas dans un théâtre parisien classique dans lequel on entre simplement en métro. Situé à la Cartoucherie donc en plein bois de Vincennes, ce sublime théâtre est ceinturé des bois et d’un centre équestre, un lieu à part, unique et sublime. La salle où se joue la pièce est spacieuse, permettant aux acteurs de se mouvoir et aux spectateurs d’avoir le regard qui se pose partout, suivant les acteurs au pas. Et le lieu étant chaleureux, le spectateur ne peut que « baisser les armes » quand il s’y pose, se retrouvant ainsi à la merci du spectacle (et des acteurs) qui se joue devant lui.
Si au premier abord, le texte de Strindberg est ardu, la décharge d’émotion qu’il provoque chez le spectateur est d’une redoutable efficacité.
La pièce se déroule en 3 parties, comme autant de face à face (à face).
Dans la première partie, les deux hommes se livrent un duel « à mort » … sauf que seul l’un des deux sait qu’il distribue des coups. Les prestations sont magistrales ! On avait peu de doutes sur la puissance de jeu de Benjamin Baroche (dont le personnage Gus est un peu un cousin éloigné de Teyssier), mais on découvre et savoure le jeu tout en émotion et en fragilité de l’excellent Philippe Calvario.
Puis dans la seconde partie, la pièce change de nature et Benjamin Baroche se retire pour laisser place à Julie Debazac, dans ce rôle tout en nuance d’une femme moderne qui n’entend pas accepté d’être redevable à qui que ce soit de ce qu’elle est devenue. Mais c’est surtout le désespoir amoureux d’un homme qui se manifeste ici (et qui contribue à faire monter la pièce d’un cran supplémentaire sans qu’on ne le perçoive vraiment). Julie Debazac s’y montre d’une classe folle et déploie un jeu fulgurant qui ne manque pas de nous percuter. Non pas une découverte, mais une confirmation : quel plaisir de voir un tel portait de femme ; quel plaisir de voir un tel talent.
Et puis survient le face à face final, celui qui donne à la pièce une autre dimension et où chacun déploie ses armes, entre émotion et manipulation jusqu’à un final qui ne peut que scotcher une salle qui s’y était pas forcément préparer. Leur jeu, solide de bout en bout, rend grâce à la puissance du propos de la pièce, modernisé pour l’occasion par l’adaptation de Philippe Calvario et Marlène Da Rocha, brillante, et glaçante. Comme on le confiait à l’équipe à l’issue de la pièce, la trame, ses enjeux, sa construction évoquent en nous les très grands scénarios de Columbo (également une pièce de théâtre à l’origine), notamment les préludes où le criminel et sa victime se font face dans une longue mais souvent remarquable introduction.
Le petit plus : Après la pièce, l’équipe de la pièce permet au public de rester et d’échanger avec eux sur ce qu’ils ont vu, ressenti durant ces 90 minutes. Des échanges souvent passionnants, où le public se prête aux jeux des questions réponses sur la pièce (et pas uniquement sur le fait de rencontrer Teyssier) et où les acteurs se montrent disponibles pour rencontrer le public.
A regarder aussi : Anne Caillon (Bellefond) et Marie Denarnaud (Répercussions) | La loi des séries #739
EN RESUME …