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On a vu pour vous… Kamikaze, le deuil impossible et la fuite en avant d’une adolescente

Diffusée sur Canal +, la série danoise Kamikaze nous emporte dans la spirale autodestructrice d’une adolescente en deuil. 

C’est quoi, Kamikaze ? Julie (Marie Reuther) est une adolescente danoise qui a grandi, gâtée et choyée, dans un environnement extrêmement aisé. Auprès d’une famille aimante qui lui passe tous ses caprices, elle ne manque ni d’affection ni d’argent et elle passe son temps dans des fêtes extravagantes avec ses amis. Jusqu’au jour où la mort soudaine de ses parents et de son frère aîné dans un accident d’avion la plonge dans un vide existentiel brutal. Seule, perdue, incapable de faire son deuil, Julie se lance dans un voyage à travers le monde qui prend des airs d’errance auto-destructrice et d’opération suicide. 

Kamikaze a été l’une des sensations du festival Séries Mania 2021 : inspirée du roman Muleum de l’écrivain norvégien Erlend Loe, cette série danoise est désormais disponible sur MyCanal, et sur la chaîne à partir du 16 Mars. Comme on peut le pressentir en prenant connaissance du synopsis ci-dessus, Kamikaze est une série sombre qui raconte une histoire douloureuse ; elle est même déprimante voire oppressante. Malgré quelques touches d’humour noir, le recours occasionnel à l’animation ou au stop motion et des situations parfois surréalistes, la série suit pas à pas sa jeune héroïne à mesure qu’elle tente d’affronter la mort de toute sa famille. Ou plutôt qu’elle refuse de faire face au traumatisme, dans une fuite en avant effrénée. 

La scène d’ouverture pose immédiatement le fil conducteur de Kamikaze : le crâne rasé, les traits ravagés, Julie agonise en plein désert. Comment en est-elle arrivée là ? Et va-t-elle s’en sortir ?  Kamikaze revient régulièrement à cette situation du présent , lorsque la jeune femme est perdue au milieu de nulle part à côté de la carcasse d’un avion de tourisme et qu’elle va tenter de survivre… ou se laisser mourir. Tout le reste du récit se déroule en flash-back. 

Julie, avant le drame…

On découvre alors une Julie radicalement différente : jolie adolescente lumineuse aux longs cheveux blonds, cette jeune femme privilégiée s’épanouit au sein d’une famille extrêmement riche et très aimante. Frivole et insouciante, accro aux réseaux sociaux, elle se consacre à l’organisation d’une grande fête avec ses amis à l’occasion de ses 18 ans. C’est alors qu’elle reçoit un SMS de son père, le dernier qu’il enverra jamais : ses parents et son frère sont à bord d’un avion en perdition, ils vont s’écraser et mourir. Une fois le choc passé, la jeune femme se retrouve seule dans le manoir familial, avec des voitures de luxe, une garde-robe remplie de vêtements hors de prix et un patrimoine financier plus que confortable. Julie peut tout acheter, tout s’offrir, réaliser tous ses désirs. Tous… sauf celui qui lui tient le plus à cœur : ramener ses parents et son frère à la maison. 

Complètement perdue sans sa famille (et particulièrement sans son père, qui lui apparaît parfois sous forme de souvenir ou de fantasme), Julie se laisse envahir par la noirceur et la détresse la plus profonde.  Les séances avec son psy n’y font rien, l’abondance de biens matériels non plus : elle veut mettre fin à ses jours mais ne parvient pas à passer à l’acte. Du moins, pas directement… 

Le désespoir la pousse à tout quitter pour entamer un voyage sans but autour du monde, une course en avant frénétique et mouvementée depuis le Danemark jusqu’au Sahara en passant par Séoul, Londres, l’Espagne ou le Mexique. Avec un objectif en tête : trouver la mort au cours de son périple et rejoindre ses proches. Même si, à son grand désarroi, elle a appris que ses « chances » de mourir dans un accident d’avion comme sa famille sont pratiquement inexistantes. Dans son errance, Julie multiplie les excès et les dérives de pays en pays sans se soucier des dommages collatéraux, elle abandonne ses amis et fout en l’air la vie de ceux qui croisent son chemin. Son comportement est autodestructeur et – comme le dit bien le titre de la série – kamikaze.

… la même, méconnaissable, quelques mois plus tard

Le principal défaut de Kamikaze réside dans des personnages secondaires qui manquent d’épaisseur. Certainement à cause de l’écriture qui les résume à de grands stéréotypes, mais aussi parce qu’à la décharge des scénaristes, ils sont totalement éclipsés par Julie et par l’interprétation proprement phénoménale de la jeune actrice Marie Reuther. Elle prend à bras le corps ce rôle complexe qu’elle joue de manière déchirante, physiquement et émotionnellement, sans jamais tomber dans le mélodramatique même lorsqu’elle s’abandonne totalement à la destruction et à la catharsis éventuelle de son personnage. 

Kamikaze ne la juge pas, elle se contente de l’observer sans prendre parti.  Et il y a quelque chose de Euphoria ou de Trainspotting dans cette série – bien que dans un style différent. De Euphoria, elle a l’exubérance de certaines scènes, le portrait d’une jeune femme en perdition et la manière dont celle-ci partage avec nous en voix off sa solitude, ses fantasmes de mort et son désespoir. De Trainspotting (outre une reprise de Lust for life de Iggy Pop), elle emprunte la vision nihiliste du héros Renton (Ewan McGregor dans le film) qui refuse de choisir une carrière, une famille, un job (le monologue choose life) pour se laisser dériver dans la consommation d’héroïne. Julie suit le même chemin ; la différence c’est qu’elle se shoote à son propre désespoir.  

Kamikaze est une histoire de tristesse et de mort – ou peut-être de résilience. C’est ce que l’on découvrira au terme des 8 épisodes de 30 minutes que compte la série. Entre temps, il y a toutes les mauvaises décisions, tous les excès, toute la noirceur, toute la douleur qui accompagnent l’errance fantasque mais désespérée de Julie. Julie n’est pas une héroïne facile à aimer, c’est une jeune femme à la fois agaçante et bouleversante dans sa détresse. Et Kamikaze n’est pas une série facile à regarder : c’est une série forte et choquante, comme un coup de poing dans le ventre. 

Kamikaze
8 épisodes de 30′ environ.
Le 16 Mars sur Canal +.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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