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On a vu pour vous… La foire aux vanités, belle fiction historique sans la profondeur du roman

La mini-série La foire aux vanités est agréable à suivre, bien qu’elle néglige la dimension satirique du classique de la littérature anglaise dont elle est tirée. 

C’est quoi, La foire aux vanités ? Londres, début du XIXème siècle. Orpheline d’origine pauvre, Becky Sharpe (Olivia Cooke) cache son extraction modeste et nourrit l’ambition de s’élever dans la société pour mener une vie de luxe et de confort. Renvoyée du pensionnat où elle enseignait et invitée à passer quelques semaines dans la famille de sa meilleure amie Amelia (Claudia Jessie), elle tente de séduire son frère Joseph (David Fynn). Mais son plan échoue, et Becky est alors engagée en tant que gouvernante chez Sir Pitt Crawley (Martin Clunes). Elle gagne rapidement la confiance de la famille, en particulier de la vieille et riche tante Matilda (Frances de la Tour) et de son neveu préféré,  le colonel Rawdon Crawley (Tom Bateman)… 

La télévision britannique a un goût prononcé pour les grandes œuvres littéraires et ne rechigne jamais à les adapter dans des séries en général somptueuses et à la reconstitution historique soignée. L’année dernière, ITV a porté son choix sur un classique de la littérature anglaise déjà maintes fois transposé à l’écran : La foire aux vanités. Et c’est Arte qui s’apprête à diffuser cette adaptation en sept épisodes du grand roman victorien de William Makepeace Thackeray, publié en 1848 

Située dans les années 1810-1820, l’histoire relate l’ascension sociale et la chute de plusieurs protagonistes, et en particulier de Becky Sharpe. Orpheline d’extraction modeste qui cache jalousement ses origines, c’est une femme déterminée à sortir de la pauvreté en usant de ses charmes, de son intelligence, mais aussi de duplicité et de calculs. Cherchant un riche mari, manipulant son entourage et intriguant pour gravir l’échelle sociale, elle parviendra à faire une entrée triomphale à la Cour du Roi George IV, tandis que se déroulent en toile de fond les dernières batailles napoléoniennes. Mais à voler trop haut, Becky risque bien de se brûler les ailes… Atteindra-t-elle le statut social dont elle rêve ? Et plus important encore, cela la rendra-t-il heureuse? Dans le même temps, son amie Amelia – douce, gentille, naïve et donc son exacte opposée –  connaît un parcours inverse lorsque sa famille, ruinée, est précipitée dans la déchéance. 

Becky Sharpe, Rastignac en jupons

Il n’est pas évident de rendre compte de cette adaptation, la perception changeant radicalement selon que l’on connaît ou pas le roman original. Pour qui ne l’a pas lu, la mini-série est indéniablement une fiction historique prenante, agréable à suivre et portée par un récit fluide en dépit du nombre important de personnages, de l’entrelacement des différentes intrigues et des multiples rebondissements. Puisque le roman a d’abord été publié sous forme de feuilleton dans la presse, sa structure même a été pensée pour tenir le lecteur en haleine d’une parution à l’autre, et l’effet est identique pour le spectateur, avec coups de théâtre et cliffhangers.

En outre, la série possède une ambiance délicieuse et un style visuel spectaculaire, entre reconstitution classique et scènes d’introduction et de conclusion presque pop. La lumière, les décors, les costumes, la photographie nous plongent dans un monde révolu, entre grandes villes et campagne, maisons bourgeoises et quartiers populaires, et jusque sur le champs de bataille de Waterloo. En revanche, la bande-son détonne puisqu’elle est composée de tubes contemporains dont les titres renvoient malicieusement à l’histoire de Becky : une reprise de All along the watchtower de Bob Dylan en guise de générique, Material Girl de Madonna, Love will tear us apart de Joy Division…  Ajoutons enfin que La foire aux vanités a l’idée savoureuse d’inclure Thackeray (interprété par Michael Palin des Monty Pythons) en tant que narrateur, puisque c’est lui qui ouvre chaque épisode par un « précédemment, dans Vanity Fair... » 

Les lecteurs de Thackeray, justement, émettront sûrement quelques réserves devant cette adaptation un peu lisse, qui fait l’impasse sur le sens profond du récit. L’auteur a en effet choisi deux sous-titres différents lors de la publication : Pen and Pencil Sketches of  English society lors de la sortie en feuilleton, et  A novel without a hero lors de la parution en roman. Les deux traduisent les idées directrices de l’œuvre, soit respectivement la satire sociale et la déconstruction des conventions littéraires avec son anti-héroïne. 

Becky et Rawdon, mariage d’amour ou d’ambition ?

Or, la série s’écarte de ces deux aspects, en négligeant le ton ironique et en se montrant bien généreuse envers Becky. Olivia Cooke, qui interprète le personnage avec charme, conviction et entrain, n’est pas en cause ; c’est la Becky de la série qui nous est présentée comme une jeune femme calculatrice et dévorée d’ambition, mais aussi malicieuse, séduisante et attachante et dont le degré d’amoralité et de duplicité n’atteint jamais celui du texte. Par exemple, les scénaristes oublient volontiers que Becky regrette son mariage avec Rawdon après le décès de sa tante Matilda, déplorant de ne pas avoir consacré ses efforts à épouser Pitt Crawley, héritier de la fortune familiale. Plus encore, la série (pourtant par ailleurs fidèle au livre) opère un changement radical à la fin, modifie la conclusion et supprime un passage où Becky agit de manière particulièrement ambiguë. 

En atténuant le portrait d’une héroïne narcissique, frivole et sournoise qui perd peu à peu l’influence si chèrement gagnée, la fiction historique perd, elle, de la puissance satirique de l’œuvre magistrale dont elle est tirée. Le récit, pour autant, reste riche et prenant. 

Cette nouvelle adaptation de La foire aux vanités n’est pas aussi critique et puissante que le récit imaginé par l’auteur. On peut toutefois largement s’en satisfaire, tant la mini-série s’avère séduisante avec ses décors spectaculaires, son histoire passionnante et les originalités de la mise en scène.  Que l’on ait lu ou non le roman, voilà une fiction historique qui ne manque pas de charme. 

La foire aux vanités (ITV)
7 épisodes de 45′ environ
Diffusion sur ARTE les 12 et 19 Décembre.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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