S’il ne propose rien de vraiment nouveau, ce pilote de Stumptown est sympathique, efficace et rythmé, il donne le ton de la série.
C’est quoi, Stumptown ? Dex Parios (Cobie Smulders), ex-militaire, vit à Portland où elle s’occupe de son jeune frère Ansel (Cole Sibus), atteint du syndrome de Down. Elle est revenue du front avec un sérieux syndrome de stress post-traumatique, un goût un peu trop prononcé pour la bouteille et un penchant pour les jeux d’argent. Alors qu’elle a contractée une dette importante dans un casino, la patronne Sue Lynn Blackbird (Tantoo Cardinal) lui propose d’effacer l’ardoise si, en échange, elle retrouve sa petite-fille Nina (Blu Hunt) qui s’est enfuie avec son petit ami. Malgré un lourd passif avec la famille, Dex finit par accepter et part à la recherche de la jeune fille disparue. L’affaire va toutefois se révéler plus compliquée et plus dangereuse que prévu.
Basée sur le comic éponyme, adaptée à l’écran par son auteur (Greg Rucka), Stumptown est une des nouveautés de la chaîne ABC. Disons-le d’emblée : à en juger par le pilote, la série ne fait rien de neuf mais, dans son genre, elle le fait bien.
La première scène annonce la couleur : enfermée dans le coffre d’une voiture, Dex parvient à enfumer l’habitacle avec un extincteur ; les malfrats qui l’ont enlevée perdent le contrôle du véhicule qui se retrouve propulsé dans les airs. Mélange d’action et d’humour, la séquence introduit d’entrée de jeu son héroïne en nous la présentant comme une femme impulsive, ingénieuse, résiliente, et qui a tendance à se fourrer dans de mauvais pas… Pour les adeptes du genre, pas besoin d’autre chose pour vendre la série.
Le problème de ce premier épisode, c’est que Stumptown est contrainte de cocher toutes les cases requises par un pilote de network, en particulier lorsque son personnage principal a un lourd passé qui affecte son présent. C’est le cas ici, et l’histoire se focalise uniquement sur Dex, négligeant quelque peu les autres personnages. Après la scène d’ouverture, on revient en arrière, plusieurs heures auparavant, pour découvrir comment Dex s’est retrouvée dans cette situation, mais aussi sa personnalité, des bribes de son passé et les autres personnages qu’elle va côtoyer.
Stumptown (littéralement «la ville des souches») est l’un des surnoms donnés à Portland depuis le milieu du XIXe siècle, lorsque les habitants de la ville ont défriché le terrain pour la construire en laissant les souches des arbres. Ce titre situe donc l’action mais, d’une certaine manière, il s’applique aussi à Dex : une ancienne militaire qui ignore volontairement le syndrome de stress post-traumatique dont elle souffre et les violences psychologiques consécutives à son déploiement sur le front, qui sont pourtant les racines de son mal-être. Dex, c’est une sorte de Jessica Jones sans super pouvoirs: comme l’héroïne de Marvel, c’est une bad ass qui sait donner et encaisser des coups, et qui noie une expérience traumatisante dans l’alcool, le sexe et le travail (et le jeu, dans son cas).
Le charisme de Cobie Smulders est indéniable et la série sait en tirer parti pour nous montrer que Dex a de nombreux talents et les ressources nécessaires pour accomplir le travail dont elle est chargée, mais aussi une foule de problèmes personnels non résolus qui lui donnent un côté plus vulnérable. Au fil de ce pilote, nous faisons aussi la connaissance des autres protagonistes, notamment l’inspecteur Miles Hoffman (Michael Ealy – The Following) plus impressionné par les méthodes de Dex que sa supérieure et pas insensible à ses charmes, et Gray (Jake Johnson – New Girl) un barman ami de notre héroïne. Les relations restent à approfondir, et on ne doute pas qu’elles le seront au fil des épisodes.
Certes, c’est une introduction basique et pleine de clichés. On évoquait Jessica Jones; il est toutefois évident que Stumptown ne s’inscrit pas du tout dans le même registre. Moins sombre, moins dramatique, elle vise d’abord à être une série divertissante et accrocheuse, avec une ambiance pulp. Et le pilote est indéniablement plaisant à suivre, notamment grâce à un bon mélange de scènes d’action et d’humour. Les dialogues sont souvent drôles, et on peut y ajouter la voiture pourrie de Dex et son lecteur de cassettes (oui, de cassettes) providentiel qui, à chaque cahot de la route, démarre tout seul pour jouer une chanson qui correspond parfaitement à la scène en cours (à commencer par « Sweet Caroline ») mais en décalage avec l’ambiance.
L’inconnue réside dans la structure de la série – qui semble s’orienter vers des intrigues unitaires avec une histoire par épisode, et un léger arrière-plan feuilletonnant concernant l’évolution de son héroïne. Avec des scénarii solides et une réalisation pop et dynamique, cela peut porter ses fruits. Stumptown semble en tous cas avoir pas mal d’atouts à développer, des personnages intéressants à approfondir et la possibilité de proposer quelque chose de fun et sympathique.
Sans s’écarter des clichés du genre, Stumptown fait le job avec un pilote solide et efficace, dont le mélange d’humour et d’action peut séduire. Reste à savoir si cela suffira à moyen terme, si la série parviendra à étendre son récit tout en restant fidèle à son esprit et à son ton divertissant. Elle en a certainement le potentiel.