
Le tatoueur d’Auschwitz raconte l’histoire d’un survivant de la Shoah, ancien prisonnier chargé de tatouer les numéros sur les bras de milliers de déportés.
C’est quoi, Le tatoueur d’Auschwitz ? Jeune slovaque juif, Lale Sokolov (Jonah Hauer-King) a 26 ans lorsqu’il est déporté dans le camp d’extermination d’Auschwitz en Pologne. Pour survivre, en échange de conditions moins éprouvantes, il accepte de travailler sous les ordres du SS Rottenführer Baretzki (Jonas Nay) en tant que tatoueur, chargé d’inscrire les numéros indélébiles sur les bras des prisonniers arrivant dans le camp. Au milieu de l’horreur et des atrocités, lorsqu’il tatoue le bras de la jolie Gita (Anna Próchniak), c’est un coup de foudre réciproque. Aujourd’hui, à 87 ans, Lale (Harvey Keitel) décide de raconter son histoire à Heather (Melanie Lynskey) afin qu’elle rédige ses mémoires. Le vieil homme revit alors les traumatismes qu’il a subis, son sentiment de culpabilité mais aussi son amour inébranlable pour Gita.
Basée sur le roman éponyme de Heather Morris paru en 2018, Le tatoueur d’Auschwitz est une mini-série en six épisodes qui raconte l’histoire de Lale Sokolov, survivant de l’Holocauste déporté dans le camp de Auschwitz-Birkenau où il était chargé de tatouer les numéros d’identification sur les nouveaux arrivants. Diffusée sur M6 à partir du 22 Janvier dans le cadre d’une soirée spéciale commémorant les 80 ans de la libération du camp d’Auschwitz, c’est une œuvre partiellement romancée mais largement inspirée des souvenirs du vrai Lale Sokolov.
À la fois récit sur la Shoah éprouvant à regarder et histoire d’amour inattendue derrière les murs de Auschwitz, la série illustre l’horreur des camps de concentration, la complexité de la culpabilité du survivant liée à l’Holocauste mais aussi l’histoire d’un couple juif qui tombe amoureux dans le camp d’extermination.
Le traumatisme, entre passé et présent
La série se développe sur deux lignes temporelles, faisant des allers-retours permanents entre les deux. D’une part dans le présent à Melbourne, un vieux Sokolov hanté par ses souvenirs et les fantômes du passé décide de raconter son histoire à Heather qui prend des notes pour écrire ses mémoires plus tard. Leurs discussions, dans le cadre paisible de l’appartement du héros ou au bord de l’océan, adoucissent un peu le récit très éprouvant de ce que nous voyons à Auschwitz. Car d’autre part en 1942, un jeune Lale de 26 ans retourne auprès de ses parents dans un petit village slovaque, fuyant le harcèlement que les nazis exercent sur les juifs à Bratislava ; lorsque chaque famille doit envoyer un de ses membres en camp de travail en Pologne, Lale se porte volontaire. Il ignore qu’il va être transféré au camp de concentration d’Auschwitz, destination sans retour pour la grande majorité des gens.
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Par hasard, il finit par devenir l’un des tatoueurs du camp en échange de conditions de vie relativement moins éprouvantes, qui n’excluent toutefois ni les violences ni les humiliations. Un jour, alors qu’il tatoue des prisonnières nouvellement déportées, il tombe amoureux de la jolie Gita. Elle devient sa principale raison de survivre, et il va tenter de la protéger afin de lui éviter d’être envoyée dans les chambres à gaz – quitte à accepter des compromissions douloureuses.
Une série éprouvante mais nécessaire
Le tatoueur d’Auschwitz est une histoire très dure et pas du tout complaisante qui frappe comme un coup de poing dans le ventre à plusieurs reprises, faisant de nous les témoins des horreurs et des massacres commis par les nazis. A la lourdeur évidente de l’atmosphère où tout le monde est conscient que la mort est imminente s’ajoutent des scènes d’une brutalité barbare. On voit les prisonniers de divers groupes (juifs, polonais, tsiganes…) frappés, martyrisés, abattus, humiliés, affamés, exécutés, convoyés dans les fours crématoires ; on voit les amoncellements de cadavres décharnés, les fumées s’échappant des bâtiments, les charniers… L’incroyable dureté de l’histoire va au-delà de possibles considérations « esthétiques » : c’est une série véritablement dévastatrice, qui montre les horreurs subies par les déportés à Auschwitz et leur désespoir. Un récit nécessaire mais très dur.
La construction entre présent et passé souligne le talent des deux acteurs incarnant Sokolov. Harvey Keitel traduit tous les tourments d’un homme en proie au syndrome du survivant qu’il porte encore dans sa vieillesse et qu’il tente d’apaiser par la rédaction de ses mémoires. Jonah Hauer-King (Un monde en feu) parvient à exprimer la succession de peur, de panique, de résignation et de désenchantement du jeune Sokolov, face à l’incertitude de l’avenir et la mort qui plane sur lui et sur Gita.

Celle-ci est incarnée par la magnifique Anna Próchniak, qui lui donne un mélange de luminosité, de détresse et de détermination édifiant. Citons aussi Melanie Lynskey (Yellowjackets) qui découvre, abasourdie, les atrocités vécues par Sokolov ; et enfin Jonas Nay (Deutschland 83) terrifiant en officier allemand sadique qu’il joue avec beaucoup de cruauté et de dureté (l’acteur a expliqué qu’il avait dû suivre une thérapie pour se libérer des troubles psychologiques qu’avait engendré le fait d’incarner un tel monstre.)
Derrière le récit des horreurs des camps, Le tatoueur d’Auschwitz est aussi – comme le précise lui-même Sokolov dans les premières minutes – une histoire d’amour. Et le fait de plaquer une romance sur fond de brutalité d’Auschwitz-Birkenau a suscité une certaine controverse. De fait, on peut être décontenancé par l’histoire de Lale et Gita, qui peut sembler incongrue compte tenu de ce qui se passe autour d’eux ; mais elle apporte aussi une lueur d’espoir et un vestige d’humanité, dans cette noirceur presque insoutenable.
Racontant les horreurs vécues à Auschwitz par son héros, le sentiment de culpabilité qui l’étreint encore soixante ans après, les sacrifices et compromissions qu’il a dû accepter pour survivre, mais aussi son histoire d’amour avec la femme de sa vie entre les murs du camp, Le tatoueur d’Auschwitz est une mini-série d’une violence et d’une dureté peu commune. Mais elle est nécessaire, rappelant la barbarie et les millions de victimes d’une période dont il ne reste désormais que peu de témoins.