
Après sa présentation au Festival CreaTVty, la série Joseph créée et incarnée par Lucien Jean-Baptiste arrive sur TF1.
Quand on rencontre Joseph (Lucien JEAN-BAPTISTE) pour la première fois, c’est tout simplement impossible de se méfier de lui. Un enthousiasme communicatif, une sympathie naturelle, une vie privée chaotique qu’il convoque à tout bout de champ, le tout allié à certains clichés inévitablement attachés à sa couleur de peau, lui donnent un aspect absolument inoffensif. C’est particulièrement utile quand, comme Joseph, on est chargé d’élucider des meurtres…
SELECTION AU FESTIVAL CREATVTY 2024
L’essentiel
La gamme de héros et héroïnes de TF1 commence à sérieusement se renforcer et contenir de très nombreuses marques. Si les séries semblent épouser des formes assez proches (jamais le binôme de héros ne s’est aussi bien porté), chacune a semble-t-il réussi à se forger une identité propre. C’est de nouveau le cas avec Joseph, une série écrite, réalisée et incarnée par Lucien Jean-Baptiste qui s’est offert pour l’occasion un écrin de choix.
« Alors que je bossais sur Munch, TF1 est venu me voir pour me demander si je n’avais pas une idée de série. Et je leur dis si : Columbo ! Ma gabardine et ma couleur de peau » nous confie Lucien Jean-Baptiste. « Ce petit mec qui va arriver chez les riches ! Tout part d’un plaisir, de l’admiration pour un héros d’enfance. Mais je n’allais pas faire un copier-coller de Columbo, ce serait se tirer une balle dans le pied, Columbo est tout en haut. Mais j’ai voulu m’en inspirer. Par exemple, Columbo parle tout le temps de sa femme et on la voit jamais, moi j’ai ma femme et ma mère et on les voit tout le temps. J’ai pris l’ADN du héros – le coupable connu dès le début / le flic a priori inoffensif et David contre Goliath – et j’ai fais ma propre série.«
Reprenant donc en l’assumant le modèle de Columbo, la série commence par un crime du point de vue du tueur que l’on connaît donc dès le début (incarné comme dans Columbo par un guest), suivi du duel qui oppose Joseph au criminel avec cette question : comment le fera-t-il ou elle tomber ?
L’épisode 1 est avec Dounia Coesens, Jean-Marc BARR (épisode 2), Alice TAGLIONI (épisode 3), Alice Pol (épisode 4), Mathieu SPINOSI (épisode 5), et Hippolyte GIRARDOT (épisode 6).
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On aime
Joseph ne sera pas la première série à vouloir « rendre hommage » à Columbo. La série avec Peter Falk est un peu le modèle parfait de séries policières, portées par un acteur brillant face à des coupables aussi redoutables que reconnus. Rien que Capitaine Marleau a fait toute sa carrière sur cet héritage (bien que Josée Dayan s’en défende). Ou encore Crimes parfaits sur France 3.
Dans son domaine (et sur la base de ce que l’on a pu voir), Joseph est une série classe avec un grand soin apporté à la réalisation (ainsi qu’à la photographie) comme à la partition musicale très soignée de Erwann Kermorvant (qui rend un bel hommage aux années 70 avec une musique très jazzy à souhait, rappelant des compositeurs comme Lalo Schifrin, et qui convient à merveille aux ambiances feutrées et riches des « coupables »). Comme nous le raconte franchement Lucien Jean-Baptiste : « Je voulais faire un produit télé de qualité, offrir un vrai kiff aux spectateurs et pas seulement faire un produit pour coller de la pub« … et honnêtement ça se voit à l’image !
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Comme dans Columbo, la série évolue dans des milieux favorisés, des gens puissants ou du moins en vu qui jettent un regard méprisant sur ce petit policier Joseph que personne ne voit venir. Et c’est là que réside l’intelligence de la série. En effet, si dans Columbo, l’apparence du lieutenant suffisait à le ranger dans une catégorie sociale qui le rend « invisible » aux yeux des coupables, dans le cas de Joseph c’est très différent. En jouant sur les « mêmes types de codes », la série a l’intelligence d’évoquer sans appuyer dessus le racisme ordinaire, celui qui est encré mais que les gens n’ont pas conscience de pratiquer. Car sous son air jovial et toujours de bonne humeur, Joseph ne suscite pas la méfiance, on ne voit pas en lui un bon flic sans doute parce qu’il est noir. Cette manière de dénoncer le racisme ordinaire est un des aspects particulièrement intelligents de la série (et du travail depuis des années de Lucien Jean-Baptiste). « C’est exactement ça !« , confirme Lucien Jean-Baptiste. « Mais ça je n’en parle jamais, je laisse les autres en parler, je laisse les autres voir ce qu’ils ont à y voir. Je ne veux pas appuyer dessus car je ne veux pas que ça ait l’air revendicatif. Mais il est certains qu’avec l’humour, on peut tout faire passer comme message« .
Au milieu de ces éléments multiples, l’intrigue se montre particulièrement efficace et maîtrisée, l’opposition entre le ou la suspect(e) fonctionne parfaitement bien dans un face à face endiablé jusqu’à la l’ultime confrontation. Si les guests sont particulièrement bien castés, les seconds rôles sont également réussis à l’image de la toujours délicate Firmine Richard.

On aime moins ?
Dans Columbo, tout est fait pour qu’on ne voit pas la preuve qui apportera la culpabilité de l’assassin. Dans Joseph, on insiste beaucoup sur deux éléments qui peuvent faire basculer l’enquête. Avec Columbo, on devait attendre la fin pour comprendre quel élément dans la mise en scène entraîne la chute ; ici que ce soit un plat signature ou une broche, l’élément central qui fera tomber le coupable est montré très tôt, un peu lourdement même. Ce qui est un vrai problème. Comme s’il fallait aider le public à mieux comprendre comment Joseph va confondre. Mais c’est encore plus parlant dans l’épisode 4. Joseph tique sur une broche retrouvée sur les lieux du crime quand il est au mariage. Or, quand on regarde la scène survenue quelques minutes plus tôt, Joseph n’était plus à côté des policiers quand l’un d’eux trouve la broche (on le voit en arrière plan, il est même en train de s’éloigner). Moralité : il n’aurait pas dû tiquer dessus (or c’est l’élément qui oriente l’enquête vers la coupable). Le vrai soucis tient dans la structure de la série, les épisodes sont trop courts et ça, Lucien Jean-Baptiste le reconnaît volontiers : « C’est exactement ça, il faut être plus didactique, plus bavard car je n’ai que 52 minutes pour tout faire. C’est ce que plus largement je reprocherais à ma série, la partie d’échecs est trop rapide et ils se tournent autour de manière un peu trop rapide. Il faut aussi rappeler que Columbo n’avait pas toute la partie « vie privée » que moi j’ai et au bout d’un moment je suis coincé.«