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On regarde ou pas ? Les saisons, romance contemplative de Nicolas Maury

Avec Les saisons, Nicolas Maury livre le récit sensible et fragmenté d’un triangle amoureux sur plusieurs décennies.

C’est quoi, Les saisons ? A l’été 1991, Camille est en vacances avec son frère et ses parents (Géraldine Pailhas et Nicolas Maury) dans la maison de sa grand-mère aux Sables D’Olonne. Sur la plage, elle fait la connaissance d’une bande d’amis, parmi lesquels Alexandre et Martin. L’adolescente, partagée entre son affection et son attirance pour les deux garçons, ne sait pas encore que cet été sera déterminant et impactera le reste de sa vie. D’une décennie à l’autre, au fil de quatre saisons, leurs relations ne vont cesser de s’entremêler tandis qu’autour d’eux, la vie et le monde poursuivent leur cours. 

Il y a des séries simples d’accès, qui se regardent sans effort particulier. D’autres demandent un engagement, sollicitent le spectateur en refusant de lui rendre les choses faciles. Les Saisons fait partie de celles-ci. Présentée en avant-première au festival de La Rochelle et prochainement diffusée sur Arte, Les saisons a été imaginée et créée par Nicolas Maury (avec Hélène Duchateau), que l’on connaît en tant qu’acteur notamment pour son rôle dans Dix pour cent.  C’est sa première série mais pas sa première création, puisqu’on lui doit déjà entre autres Garçon chiffon, film partiellement autobiographique sorti en 2020. 

Triangle amoureux sur trente ans

Les quatre épisodes nous emmènent d’une saison à l’autre sur une période de trente ans, chacun séparés d’environ dix ans. L’histoire commence à l’été 1991, aux Sables d’Olonne, lorsque la jeune Camille rencontre deux garçons : Alexandre et Martin. Tous les trois ont l’insouciance de leurs 15 ans, passent les vacances d’été entre la plage, le bar du père d’un de leurs amis, les soirées entre potes… Entre Martin et Alexandre, les deux amis inséparables, le cœur de Camille balance. Mais cet été-là, il ne se passe rien ou pas grand-chose, juste les élans du cœur et les promesses d’un futur éventuel. 

Automne 2001, on assiste au mariage de Camille, qui a finalement fait un choix entre les deux garçons devenus des hommes. A l’hiver 2010, son couple se détériore, la poussant à remettre en question la décision qu’elle a prise dix ans auparavant. De nos jours au Printemps, nos trois protagonistes dressent le bilan de leurs vies, tandis que Camille est confrontée à des difficultés relationnelles transgénérationnelles, avec sa grand-mère malade, sa mère et sa propre fille adolescente. 

Le jeu de la frustration

Le point de départ  – triangle amoureux, répercussions sur toute une vie – rappelle L’été où je suis devenue jolie, Jules et Jim, Normal People. Mais passées les prémices du scénario, la construction du récit permet à la série de se démarquer des comparaisons. Avec ses ellipses, ses sous-entendus, ses zones d’ombre et de non-dits, Les saisons fait le choix d’une histoire parcellaire qui montre autant qu’elle cache.

Au moment de la narration, les choses sont dites clairement : la naissance des sentiments entre Camille / Martin / Alexandre, le mariage de Camille, la détérioration de son couple, les conséquences des choix de chacun. En revanche, tout ce qui se passe pendant les ellipses entre les épisodes sont implicites voire non dévoilées. Il faut interpréter les mots, les silences, les sous-entendus, voire purement et simplement imaginer. Car on ignore ce qui s’est passé, ce qu’ont vécu nos personnages. 

A lire aussi : On a vu pour vous…. Normal people, la romance extraordinaire de personnages ordinaires | VL Média

C’est parfois stimulant, souvent frustrant. Stimulant, parce que quand la plupart des séries appuient le propos sans laisser place à l’interprétation, Les saisons sollicite l’imagination du spectateur ; frustrant, parce qu’on n’est jamais sûr d’être dans le vrai, de comprendre ce qui s’est passé entre temps, entre les personnages. On a parfois une sensation de lacune ; l’histoire a quelque chose de chaotique et d’éthéré, comme si l’idée de jouer sur les omissions volontaires était poussée un peu trop loin.  

Trente ans de petits et grands événements

Au fil des épisodes, nos trois protagonistes (et dans une moindre mesure, leurs proches) vont traverser des moments de joie, d’espoir, d’hésitations, de tristesse, de regrets, des deuils, des difficultés familiales ou matérielles… La force de Les saisons, c’est de nous permettre de nous identifier, de comprendre toutes ces émotions – parce que nous les avons vécues ou nous pouvons nous projeter. 

A fortiori grâce à des acteurs excellents : Stéphane Caillard, Lucas Bravo et Abraham Wapler transmettent le maelstrom de sentiments de leurs personnages respectifs à l’âge adulte, avec finesse et sensibilité. Ajoutons le couple des parents de Camille, joués par Géraldine Pailhas et Nicolas Maury lui-même qui s’est octroyé un rôle de père de famille touchant mais un peu beauf, très éloigné des personnages auxquels il nous a habitués. 

L’autre atout de la série tient à la reconstitution des époques. A travers les vêtements, les décors (un simple papier peint peut faire la différence), les références culturelles, la musique (mention spéciale à l’utilisation de la chanson de Laurent Voulzy Désir Désir), l’actualité (la guerre du Golfe, les attentats du 11 Septembre, la tempête Xynthia…) :  la maison familiale des Sables d’olonne, est un point d’ancrage qui change au fil du temps. 

Les saisons
© Windy Production

L’un dans l’autre, il y a quelque chose d’intrigant dans ce récit au long cours, plein d’ellipses et de non-dits qui saisit quelque chose d’intime, par essence indéfinissable. Une histoire d’amour, d’existences ballottées par les événements petits ou grands, qui surprend et émeut.  

Avec Les Saisons, Nicolas Maury n’a pas choisi la facilité. Toute en nuances et en sensibilité, ce triangle amoureux est rempli d’ellipses, de « trous » qu’il laisse le soin au spectateur de combler. Et la romance, au centre de la série, finit par laisser la place à quelque chose de plus universel : un regard sur des personnages malmenés par la vie, confrontés aux choix qu’ils ont faits, depuis leur adolescence pleine de promesses jusqu’à l’heure des bilans à l’âge adulte. Une série à part, qui a parfois le souffle délicat de la brise océane des côtes vendéennes, et parfois la violence des tempêtes de l’océan.

Les Saisons
4 X 45′ environ
Sur ARTE jeudi 18 décembre 2025 à 20h55

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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