Valérie Lemercier revient derrière la caméra avec Marie-Francine où elle est magnifiquement entourée. Verdict d’un retour attendu
On avait laissé Valérie Lemercier réalisatrice sur le plantage de 100% cachemire qui nous avait laissé en bouche le goût amer du néant. 4 ans plus tard, après un détour couronné de succès par la case du théâtre du Châtelet, la voici de retour avec Marie-Francine, qui, sur la base de son pitch laissait circonspect avec ses faux airs de Retour chez ma mère, encore dans les mémoires, malgré son intérêt relatif. Qu’allait bien pouvoir apporter le regard de la cinéaste sur ce sujet ? Si le truchement de la comédie romantique mêlé au cynisme et à la causticité que Lemercier maîtrise parfaitement est un angle assumé, encore fallait t-il parvenir à ce que ce soit drôle et rythmé et que les personnages soient impeccablement caractérisés pour éviter le syndrome de la gaudriole sans substance, ni saveur. Que vaut donc Marie-Francine et Valérie Lemercier retrouve t-elle la bonne carburation?
Mais c’est quoi déjà… Marie-Francine ? Trop vieille pour son mari, de trop dans son boulot, Marie-Francine doit retourner vivre chez ses parents… … à 50 ans ! Infantilisée par eux, c’est pourtant dans la petite boutique de cigarettes électroniques qu’ils vont lui faire tenir, qu’elle va enfin rencontrer Miguel. Miguel, sans oser le lui avouer, est exactement dans la même situation qu’elle. Comment vont faire ces deux-là pour abriter leur nouvel amour sans maison, là est la question…
Pas de suspense de pacotille, ces impératifs sine qua non pour que le film fonctionne sont pour la plupart tenus. Ça ne fait pas de Marie-Francine un film parfait, ampoulé qu’il est ça et là par quelques scories qui lui nuisent, comme un rythme parfois sinusoïdale mais dans l’ensemble, Valérie Lemercier réussit sans doute son meilleur film, à la fois drôle et -plus inattendu- tendre, où des seconds rôles absolument impeccables réalisent des performances qui laissent presque Lemercier elle-même dans l’ombre, d’où elle ressort en quelques occasions, mais c’est parce qu’elle a su magnifiquement s’entourer, que du coup son personnage apparait comme en-dedans. Outre ces seconds rôles sur lesquels nous reviendrons, la grande force de Marie-Francine et ce qui contribue à sa réussite c’est que le film ne s’enlise pas dans des situations convenues et on pense plus à un Tanguy (Etienne Chatilliez – 2001) inversé qu’à Retour chez ma mère. Les dialogues incisifs, les répliques cyniques qui fusent, cette capacité à croquer les silhouettes de ses contemporains ainsi que leurs travers confèrent au film tout son mordant en même temps que la mélancolie et la tendresse qui imprègnent l’ensemble lui donne un doux parfum savoureux.
Co-écrit par Valérie Lemercier avec la comédienne Sabine Haudepin, le scénario de Marie-Francine trouve son prix dans son traitement, dans le sens de l’à-propos, l’acidité des dialogues, le cynisme, tout un ensemble qui irrigue le récit d’une drôlerie communicative. Pour faire passer tout cela il faut évidemment les interprètes idoines et comme on l’a dit plus haut, Valérie Lemercier s’est trouvé une distribution de premier ordre. D’abord le couple qui joue ses parents, les fantastiques Hélène Vincent et Philippe Laudenbach, caricatures de ces couples bourgeois du seizième arrondissement qui justement évitent la caricature et s’envolent sur des sommets de fantaisie avec un sérieux et une folie qui méritent le respect. Denis Podalydès qui ose tout, Nadège Beausson-Diagne à l’énergie communicative et renversante, l’apparition truculente du vétéran Pierre Vernier ou Valérie Lemercier qui joue aussi le rôle de la jumelle de Marie-Francine sur une tonalité très proche de sa Béa des Visiteurs premier du nom, les personnages secondaires existent comme trop rarement dans le cinéma français (comme dans le récent Jour J) ils ne sont pas juste réduits à jouer les utilités et ils entrainent le film sur des sommets à peine freinés par nos réserves évoquées plus haut. Mais surtout il y a Patrick Timsit. Rarement il a été aussi beau, aussi humble, aussi touchant, aussi souriant, aussi empli de bienveillance . Il est bouleversant de tendresse et d’humanité, on a l’impression de le redécouvrir complètement. On ne l’a sans doute jamais autant aimé.
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Avec Marie-Francine, Valérie Lemercier réussit une comédie roman(cri)tique sur son époque, drôle et incisive, où Patrick Timsit est formidable d’humanité.
Marie-Francine de Valérie Lemercier – En salles le 31 mai 2017