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On a vu pour vous… No Man’s Land, voyage éprouvant au cœur du conflit Syrien

No man’s land diffusée sur ARTE nous plonge dans la guerre au Moyen-Orient à travers les yeux d’un jeune Français, et met en lumière la complexité de la situation sur place.  

C’est quoi, No man’s land ? En 2014, c’est par hasard que Antoine (Félix Moati) voit un reportage sur la guerre civile en Syrie. Le jeune homme croit y reconnaître sa sœur Anna (Mélanie Thierry), qu’il pensait morte dans un attentat au Caire des années plus tôt. Sans rien dire à sa compagne , il part au Moyen-Orient pour en avoir le cœur net. Passé en Syrie, il se retrouve en plein territoire dominé par l’État islamique et au cœur de la guerre civile, où sa route croise celle de l’YPJ, une unité de combattantes kurdes déterminées à lutter contre les islamistes, armes à la main. 

Sujet d’actualité prégnant, la guerre contre l’État islamique a fait l’objet de plusieurs séries, comme The state ou à Kalifat qui, toutes les deux, se focalisent sur les liens entre la situation au Moyen- Orient et les répercussions sur les pays occidentaux, avec l’endoctrinement de jeunes musulmans envoyés combattre au front ou perpétrer des attentats suicides en Europe. Écrite par Amit Cohen et Ron Lesham et réalisée par Oded Ruskin (Absentia) , No man’s land  s’empare elle aussi de ce conflit mais avec un regard légèrement différent. La série de ARTE, sélectionnée dans le cadre du festival de la Fiction TV, apporte un éclairage sur la situation chaotique en Syrie : combattants de l’État islamique, agents occidentaux infiltrés, volontaires étrangers dans les deux camps et milice kurde de l’YPJ majoritairement constituée de femmes : c’est dans ce bourbier  que se retrouve plongé le héros, Antoine.

Tout commence lorsque ce jeune parisien croit reconnaître sa sœur dans un reportage sur le conflit syrien. Une silhouette floue, de dos, qui apparaît aux côtés d’un groupe de combattants kurdes mais Antoine en est sûr : il s’agit de Anna, pourtant présumée morte dans un attentat au Caire. Malgré le scepticisme de sa compagne et  de ses parents, il prend contact avec un journaliste turc et, sur un coup de tête, passe la frontière syrienne pour retrouver la milice du reportage et découvrir la vérité. Le voilà piégé au cœur du conflit armé, en étau entre les troupes islamistes et les combattants kurdes. Ou plutôt les combattantes, puisqu’il est fait prisonnier par l’YPJ. 

Pour retrouver sa sœur, Antoine plonge au cœur du conflit syrien

Maria Feldman, co-créatrice de la série, a expliqué que l’idée lui était venue après avoir vu un reportage sur ces combattantes qui livrent une guerre sans merci aux islamistes. Une guerre concrète sur le terrain, puisque ces femmes surnommées les Lionnes ont pris les armes ; et aussi une guerre psychologique puisque les hommes de l’État islamique sont terrifiés à l’idée d’être tués par des femmes, ce qui les priverait notamment du paradis auquel ils aspirent en tant que martyrs. 

L’YPJ, dont le rôle est peu connu, occupe une part importante dans la série ; ce n’est toutefois qu’une des forces en présence. Des étrangers ont rejoint les deux camps, les Occidentaux protègent leurs intérêt avec l’aide d’agents infiltrés, le mystérieux Stanley (James Purefoy) tente de percer à jour les plans de Daesh sans qu’on sache exactement pour qui il travaille… Au fil des huit épisodes, leur passé, leurs motivations, les raisons pour lesquelles ils se retrouvent dans ce bourbier sont abordées dans des flash-back plus ou moins longs (une séquence, quelques scènes, voire l’intégralité du formidable sixième épisode). Dans un récit haletant et magnifiquement construit, No Man’s land montre autant la violence des combats dans des scènes immersives, réalistes et impressionnantes que ce qui se joue en arrière-plan. 

Mélanie Thierry, fascinante dans le rôle de Anna

Avec Antoine, on voit les colonnes de réfugiés, on traverse les camps à la frontière, on vit les affrontements entre les deux camps, les fusillades et les longs trajets sur les routes désertes et poussiéreuses. Comme lui au départ, on ne connaît cette guerre qu’à travers les journaux télévisés, qui ne font qu’effleurer l’horreur de la réalité, et on accomplit avec lui cette odyssée cauchemardesque qui – et c’est une des grandes qualités de la série – est totalement crédible. 

Pour Antoine, il s’agit avant tout d’une recherche personnelle puisqu’il est obsédé à l’idée de retrouver Anna. S’il prend tous les risques, sa motivation est toutefois plus profonde qu’il n’y paraît : au fil des retours en arrière qui entrecoupent les épisodes, on comprend qu’il souffre d’un sentiment de culpabilité envers sa sœur. Félix Moati est excellent : on s’attache immédiatement à ce personnage, avec son mélange de détermination et de peur, et on comprend sa démarche. A ses côtés, les autres acteurs ne déméritent pas  – notamment Souheila Yacoub dans le rôle d’une des meneuses de l’YPJ, et surtout une Mélanie Thierry magnétique et intense qui prend le personnage de Anna à bras le corps. 

L’un des aspects les plus intéressants de la série, c’est certainement la mise en lumière de l’existence même de l’YPJ et la démarche de ces femmes fortes et redoutables qui combattent pour leur liberté : elles tirent au mortier sur les convois de l’EI, les attaquent au fusil d’assaut, sabotent les infrastructures… Et c’est aussi ce qui donne au titre son double sens : la zone que traverse Antoine est un territoire hostile entre les lignes ennemies, il la parcourt principalement aux côtés de femmes, soldates et chefs de guerre. Et bon sang, quelles femmes ! 

En suivant Antoine dans sa recherche au cœur du conflit syrien, No Man’s Land offre huit épisodes intenses, pleins d’action, d’émotions et de suspense, sans aucun temps mort. Entre scènes de guerre et thriller d’espionnage, la série est prenante dans son déroulement, efficace dans sa réalisation, pleine de personnages solidement écrits et interprétés. Et elle est aussi passionnante dans la vision, brutale mais nuancée et réaliste, qu’elle offre sur les événements tragiques qui se déroulent en Syrie. 

No Man’s Land (ARTE)
8 épisodes de 45′ environ.  
Disponible jusqu’au 30 mai 2021 sur Arte.TV
Diffusion sur Arte dès le 26 novembre 2020

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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