Présentée en projection spéciale à La Rochelle, Rivages s’annonce comme l’excellente surprise de ce début de saison.
C’est quoi Rivages ? A la suite du naufrage inexplicable d’un chalutier et de ses marins-pêcheurs qui demeurent introuvables, Abigail, océanographe, est envoyée par l’IFREMER en mission à Fécamp, sa ville natale, qu’elle a quittée quelques années plus tôt à la suite d’un drame familial. Alors que ses recherches progressent, de nouveaux phénomènes mystérieux se produisent en mer, rendant impossible l’activité des pêcheurs, pourtant essentielle à la vie locale. Abigail va comprendre que ces catastrophes pourraient avoir pour origine une présence sous-marine à même de bouleverser le fragile équilibre entre l’homme et la nature… Et si la cause des perturbations ne correspondait à rien de connu ?
PROJECTION SPÉCIALE – FESTIVAL DE LA FICTION TV
Un high concept attendu
Dans sa forme comme dans son fond, Rivages est une belle surprise qui tranche avec les propositions habituelles de nos chaînes de télévision. Disons le tout de suite : c’est sans doute l’une des propositions très audacieuses de France Télévisions, comme Zone Blanche en son temps.
La chaîne propose ici un high concept comme la télévision américaine aime à les produire (soit un concept fort qui façonne la série entière – comme Lost ou Prison Break), high concept débarrassé ici de toutes les imperfections habituelles du genre (notamment le fait de devoir durer dans le temps).
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La série pose un postulat de départ – l’apparition de quelque chose dans la baie de Fécamp – et le mystère devra être éclairci tout en permettant aux personnages de trouver une forme de rédemption. Pas ou peu de grand complot ici, mais un grand mystère pour parler de l’humain, tel est le point de départ de cette nouvelle mini série.
Ecrite par Jonathan Rio et Monica Rattazzi, la série est réalisée par David Hourrègue (Germinal) et l’excellente Audrey Ismaël à la composition musicale. La distribution de la série est assurée par Fleur Geffrier, Guillaume Labbé, Thierry Godard ou encore Lucia Passaniti et Jean-Marc Barr.
Rivages : une pépite comme on en fait trop peu
Si il ne fait aucun doute que Rivages va s’inscrire parmi les très belles réussites de la chaîne, c’est plus largement une véritable pépite qui ne laissera personne indifférent.
Une de ces grandes séries où l’humanité transpire à chaque instant, provoquant d’intenses émotions. Et si l’humanité est à ce point présente, c’est que les auteurs ont parfaitement réussi l’appropriation du « concept ». Sans négliger le postulat de départ très fort, ils l’ont toujours raconté à hauteur d’hommes et de femmes. Les personnages sont autant importants que le grand mystère, le point d’équilibre étant particulièrement difficile à atteindre. A aucun moment ici notre attention ne lâche les personnages et ce malgré leur nombre et le nombre d’épisodes réduits pour, a priori, tous les satisfaire. Ils trouvent tous de quoi jouer et de quoi nous émouvoir.
De plus, l’écriture est ambitieuse mais pas gourmande. Ambitieuse car elle est très généreuse dans ce qu’elle raconte ; mais pas gourmande car elle ne cherche jamais à trop en dire pour rassasier le spectateur. Si on filait la métaphore culinaire, on dirait qu’il a largement assez pour combler sa faim, sans jamais oublier de savourer le plat déguster.
Mais si l’écriture soigne son histoire, la série se montre sublime tant dans la mise en image et en musique que dans l’interprétation de ces artistes qui tous, principaux ou plus en retrait, semblent pleinement conscients du cadeau qu’on leur fait avec cette série. La réalisation puissante et enlevée de David Hourrègue magnifie littéralement chaque plan de Rivages, accompagnant les personnages et le spectateur à regarder vers l’océan qu’on ne peut s’empêcher de quitter des yeux (un peu comme la caméra de Nolan semblait nous dire de regarder vers l’espace dans Interstellar). Le rapprochement avec ce grand film de SF n’est pas gratuit car dans les deux cas, « la grande aventure » vécue par les personnages permet surtout de régler quelque chose enfoui au cœur du personnage central. Et pour parfaire ce rapprochement, la partition absolument bouleversante d’Audrey Ismaël est teintée des sonorités utilisées par Zimmer dans Interstellar (le lyrisme de la musique appelant à l’aventure mais la grande émotion véhiculée par chaque note entraîne un recentrage sur soi-même). Une telle maîtrise de tous les instants rend l’expérience de visionnage de la série inoubliable.
David Hourrègue transforme Rivages en une expérience sensorielle tellement forte qu’elle fait naître en nous des sentiments que l’on ne maîtrise pas. Le réalisateur soigne chacun de ses plans avec un savoir faire redoutable (à l’image de cette veillée sur la jetée) et le travail effectué sur la lumière, les couleurs, les jeux d’ombre est véritablement remarquable (le bleu de l’océan pénètre en nous comme la lumière rose de la créature nous éblouie). On est là et on savoure tout ce qui nous parvient !
La cerise sur le gâteau vient tout simplement de la prestation délivrée par un casting brillamment choisi et où chacun tient parfaitement la place qui est la sienne. Jean-Marc Barr est vraiment touchant dans son rôle de sauveteur rongé par la culpabilité ; Thierry Godard est bluffant dans son rôle de patron d’une société de pêcheurs obligé de prendre des décisions difficiles, mais aussi dans son rôle de papa protégeant une fille qui lui a tellement manqué. Mais la véritable démonstration revient à Fleur Geffrier, incroyable et bouleversante de bout en bout dans cette série. Si David Hourrègue fait d’elle une héroïne crédible et superbe, la comédienne nous impressionne par sa présence, son jeu tout en retenue et en subtilité ; elle nous retourne littéralement en mère brisée qui peine à se reconstruire et son couple avec Guillaume Labbé est simplement juste en tout point. Il nous faudra plus que les doigts d’une seule main pour dénombrer les moments de bravoure artistique que Fleur Geffrier nous délivre, à l’image de ce moment qui nous fait lâcher prise quand dans un flashback, elle s’effondre dans cette mer qu’elle aime tant quand elle comprend ce qu’elle vient de perdre. Il y aura un avant et un après Rivages dans la carrière de Fleur Geffrier car c’est une immense actrice qui sort des flots avec cette série.
Il reste un personnage que l’on a oublié et qui est pourtant central ! Un personnage que David Hourrègue filme pourtant avec un profond respect et c’est l’océan lui même. Il le montre sous toutes les coutures, aucun autre personnage si ce n’est Abigail n’est présenté sous une palette de couleurs aussi différente. Qu’il soit attirant, inquiétant ou encore protecteur, l’océan est si bien mis en image que ça ne peut entraîner qu’une chose : un profond respect et une envie de le protéger. Et c’est sans doute l’une des plus belles réussites de la série : sans jouer sur un militantisme tellement appuyé qu’il paraîtrait lourd, Rivages réussit à délivrer le plus essentiel des messages : il faut le protéger. Que le message passe « seulement » par la force des personnages qui aiment cet océan et par la manière dont son réalisateur le met en images, c’est bien la preuve que sous des aspects de pur divertissement, Rivages est aussi une série intelligente. Et ça fait vraiment du bien !