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On a vu pour vous … Speakerine, la mini série événement de France 2

En novembre dernier, nous étions sur le tournage de la nouvelle série de France 2, Speakerine. La série débarque déjà, on l’a vu et on vous le dit : c’est une excellente surprise.

C’est quoi Speakerine ? 1962, Christine, célèbre speakerine, image de la femme parfaite, est mystérieusement agressée dans les studios de RTF. D’icône du petit écran très protégée, elle va devenir une femme traquée, confrontée à une violence à laquelle elle n’était pas préparée. Son destin est symbolique de l’évolution de la femme dans la société des années 1960 et d’un monde télévisé instrumentalisé par le pouvoir. Luttes, trahisons et jeux politique, rien ne lui sera épargné

Une plongée dans les années 60 toute sauf glamour

Initialement pensée comme une série, puis comme une mini série de 8 épisodes, Speakerine arrive dans un nouvel écrin, la mini série de 6 épisodes de 52 minutes.
Peinture amère des années 60, loin de la traditionnelle image des yéyés, la série se paye le luxe de parler de sujets lourds rarement évoqués dans nos fictions. Dans Speakerine, on parle sans détours de la place des femmes dans la société, d’égalité, d’avortements, mais aussi des harkis, de l’OAS, des liens entre journalisme et pouvoir politique, le tout avec un effet miroir avec notre société d’aujourd’hui. Rien n’est laissé de côté, les mots de vocabulaire crus sont employés sans se boucher le nez comme pour mieux appréhender toutes les problématiques de l’époque. Pour permettre une immersion totale dans cette France des années 60 (quelques 15 années après la fin de la seconde guerre mondiale et quelques mois seulement après la fin de la Guerre d’Algérie), il fallait une écriture fine, assez juste, une production value qui se voit (les décors sont particulièrement soignés, tout comme la bande son, jazzy à souhait), et une distribution réussie. En tête, Marie Gillain excelle en femme de son temps, incarnant une société en mutation (expliquant par exemple à sa fille qu’elle est libre de disposer de son corps) et que les conservatismes tentent de refréner, voire carrément de stopper. A ses côtés, Guillaume De Tonquédec joue avec une certaine classe et d’une manière très touchante cet ancien monde qui ne veut changer, tandis que Barbara Probst est troublante au possible. Mention spéciale à Anne-Sophie Soldaini (vue dans Profilage) qui incarne Colette la fille de Marie Gillain et dotée d’une grande sensibilité. La ressemblance avec la jeune Marie Gillain des débuts est réellement surprenante.

Speakerine, une série riche. Trop riche ?

Comme nous l’avons montré plus haut, Speakerine aborde de nombreux thèmes qui dépeignent au plus près la société française de 1962. Et c’est sans doute là la limite du format adopté qui peut pousser à vouloir précisément traiter le plus de sujets possible, quitte à parfois trop en traiter justement.
Ici c’est presque un « problème de riches » car chaque sujet est passionnant et réellement questionnant, mais on a parfois une sensation d’indigestion face à l’accélération de la narration dans les derniers épisodes. Une sensation qui aurait sans doute disparue si le format de départ (8 épisodes) avait été conservé, il manque clairement deux épisodes. L’intrigue policière est vraiment dispensable car elle a tendance à phagocyter artificiellement toute l’attention et n’apporte finalement pas grand chose à l’ensemble, d’autant plus qu’une autre intrigue vient s’y greffer rapidement.
La peinture de la société des années 60, les enjeux politiques via le prisme journalistique, et les enjeux économiques avec la « course à l’espace » (en pleine Guerre Froide) par le biais de la première mondovision France – Etats-Unis à Pleumeur Bodou (séquences tournées sur le vrai site de la mondovision), suffisaient à rendre l’intrigue passionnante. Comme si perdurait cette crainte de voir les spectateurs se désintéresser d’une intrigue sans trame policière.


A écouter aussi : La fin de Un village français | La loi des séries #147


Speakerine est une réussite, une série bien produite, écrite, réalisée et interprétée qui donne un coup de fouet à une fiction historique qui ne sait globalement regarder qu’en direction de la seconde guerre mondiale, oubliant trop souvent d’interroger d’autres périodes troubles de notre Histoire (comme l’a fait aussi Le rêve français, toujours sur France 2). La fiction historique sérielle comme vecteur pour parler d’aujourd’hui, c’est quelque chose qui nous manquait et que seul Un village français était parvenue à faire. 

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Rédacteur en chef du pôle séries, animateur de La loi des séries et spécialiste de la fiction française
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