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On a vu pour vous… The good lord bird, western abolitionniste décapant

Avec un Ethan Hawke déchaîné, The Good lord bird, western déjanté s’attache à la vie de John Brown et résonne avec l’actualité. 

C’est quoi, The good lord bird ? Au milieu du XIXème siècle, Henry (Joshua Caleb Johnson) est un jeune esclave dont le père vient d’être tué lors d’une altercation entre son maître (David Morse) et un certain John Brown (Ethan Hawke), abolitionniste illuminé à la tête d’une petite armée. Pris à tort pour une fille , rebaptisé Henrietta et surnommé Onion, l’adolescent rejoint la petite troupe  et va désormais accompagner Brown dans sa croisade contre l’esclavage, entre actions militaires et discours enfiévrés pour  déclencher une révolte.

The good lord bird (série de Showtime désormais disponible sur MyCanal) est aussi enthousiasmante qu’étonnante : c’est un western qui frôle la comédie dans la manière dont il met en scène son sujet et surtout en raison du traitement de son personnage principal. Producteur, acteur principal et scénariste, Ethan Hawke s’est totalement impliqué dans le projet avec l’aide de James BcBride (auteur du roman éponyme dont est tirée la série) et de Mark Richard (notamment scénariste de Hell on wheels.)

La série est (très) librement inspirée de la vie de John Brown, personnage historique célèbre aux États-Unis mais qui nécessite sans doute une brève présentation pour les spectateurs non-américains. Au milieu du XIXe siècle, ce leader abolitionniste autoproclamé était déterminé à libérer les esclaves, quitte à recourir à la lutte armée et à tuer quiconque se mettrait en travers de sa route. Pendu en 1859, il n’a pas pu mener à terme une lutte qui allait pourtant jouer un rôle déterminant par la suite… 

La série commence par la fin : la pendaison de Brown, exécuté sous les yeux de Henry. Après ce bref flashforward, on revient en arrière jusqu’au moment où les vies des deux personnages se croisent pour la première fois. Après la mort de son père au cours d’une bagarre impliquant Brown, Henry est livré à lui-même ; il rejoint alors la petite armée du leader abolitionniste qui, le prenant pour une fille, l’accueille afin de le (la) protéger. Surnommé Onion et affublé d’une robe, chargé des tâches traditionnellement dévolues aux femmes, le pauvre  Henry est contraint de cacher sa véritable identité, et il suit Brown et sa petite troupe à travers le Sud du pays, à la recherche d’alliés ou au cours d’opérations militaires.

Henry alias Onion accompagne John Brown

C’est Henry / Henrietta / Onion (formidable Joshua Caleb Johnson) qui relate et explique cette histoire en voix off. On ne quitte jamais ce personnage, qui raconte le parcours de Brown, les contradictions de la société de l’époque et la situation des États-Unis à la veille de la guerre civile. Témoin naïf qui ne comprend pas toujours ce qui se joue sous ses yeux, il nous offre un regard subjectif et immersif. L’idée d’adopter le point de cet adolescent fictif face à un  véritable personnage historique est une ressource intelligente qui permet une distanciation vis-à-vis des faits mais aussi le recours à  un ton original et plein d’humour.

Car c’est sans doute l’une des caractéristiques les plus marquantes de la série : l’omniprésence d’un humour irrévérencieux qui force le trait,  de scènes légères et drôles qui compensent considérablement les nombreuses séquences beaucoup plus tragiques et la gravité du sujet (l’esclavage et le conflit civil et militaire qui s’annonce). Les sept épisodes se déroulent à un rythme infernal, nous emmènent des champs de bataille aux petites églises, des sentiers rocheux aux saloons, des camps militaires aux salons huppés. Ils regorgent de gags, de situations ridicules découlant du quiproquo sur le sexe de Onion, de répliques délirantes, de commentaires ironiques du narrateur, de personnages outranciers (par exemple le personnage historique de Frederick Douglass, l’un des premiers militants noirs pour l’abolition de l’esclavage, présenté comme un dandy vaniteux). C’est un mélange explosif, une épopée picaresque entre le western classique à la Sam Peckinpah, la violence pop d’un Tarantino et la comédie des frères Coen voire des Monty Pythons. 

L’autre élément déterminant qui fait de The good lord bird une série à part, c’est le personnage de Brown. A la tête de sa petite troupe hétéroclite où ses propres enfants se mêlent aux anciens esclaves et à des partisans qui ne savent pas vraiment dans quoi ils s’engagent, Brown parcourt le Sud des États-Unis, tente de libérer les esclaves et prêche pour recruter de nouveaux soldats, cherche des appuis politiques, organise des attaques armées sans aucune stratégie autre que l’impulsion du moment. 

Ethan Hawke, un John Brown phénoménal et déjanté

Sous les traits d’un Ethan Hawke déchaîné, Brown est quelque part entre le prophète illuminé et le fanatique fou furieux : il hurle et tempête, revolver dans une main et  Bible dans l’autre, persuadé d’être investi d’une mission divine et de devoir mettre fin à l’esclavage par la lutte armée. Un alibi religieux et une interprétation très personnelle des Évangiles qu’il utilise pour se poser en juge, jury et bourreau de toutes les personnes qui croisent son chemin et ne sont pas d’accord avec lui. 

La série démythifie complètement le personnage, avec beaucoup d’humour mais aussi beaucoup d’audace. A un moment où le débat sur le racisme aux États-Unis est plus que jamais d’actualité, The good lord bird trace le portrait insolent et sans concession d’un  personnage historique (rappelons-le) qui a raison sur le fond, mais tort sur la forme. Mais dont les actions extrêmes et discutables se sont avérées déterminantes. Dans la dernière partie de la série, l’attaque désastreuse du dépôt militaire de Harper’s Ferry est considérée par beaucoup d’historiens comme le déclencheur de la guerre civile américaine, qui débuterait quelques mois après la mort de Brown. 

The good lord bird est à l’image du personnage qu’elle met en scène : comme son John Brown, elle est déroutante, flamboyante, outrancière, drôle et tragique à la fois.  Dans un mélange surprenant entre Histoire et fiction, entre western et pure comédie, c’est un formidable divertissement mais aussi un portrait féroce de l’époque, du racisme et de la lutte pour les droits des Noirs. Autant de thèmes qui, de toute évidence, sont loin d’être anecdotiques ou dépassés.  

The good lord bird (Showtime)
7 épisodes de 50′ environ.
7 Janvier – Disponible sur MyCanal. 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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