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On a vu pour vous … Tu ferais pareil, polar et dilemme éthique

Un triple meurtre, des témoins qui ne disent peut-être pas la vérité : dans Tu ferais pareil, l’enquête plonge dans les zones grises de la morale.

C’est quoi, Tu ferais pareil ? En pleine nuit, un bus effectuant le trajet depuis l’aéroport vers le centre de Barcelone devient le théâtre d’un triple meurtre : les corps de trois braqueurs gisent au sol, tués par balles. Les passagers témoins de la scène racontent la même version : un homme avec un sweat à capuche et dont personne n’a vu le visage a tué les trois criminels avant de s’enfuir et de disparaître dans l’obscurité. Surnommé par les médias le justicier du bus, le coupable suscite la sympathie de l’opinion publique sur les réseaux sociaux, grâce au hashtag #TuTambienLoHarias (Tu ferais pareil). Tandis que la police se lance à sa recherche pour l’arrêter, des doutes surgissent sur ce qui s’est réellement passé. 

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Créée par David Victori (co-réalisateur de Sky Rojo) et disponible sur Apple TV+, la série espagnole Tu ferais pareil est d’abord un polar. Une enquête sur un triple meurtre où chaque  épisode dévoile de nouveaux éléments, de nouvelles informations, de nouvelles pièces d’un puzzle qui ne s’assemble qu’à la toute fin. Et si l’intrigue en elle-même est déjà suffisamment bien construite pour tenir en haleine, une grande partie de l’intérêt de la série réside dans la réflexion qu’elle propose. Le tout avec un casting de haute volée, dont Pablo Molinero,  Ana Polvorosa,  Michelle Jenner ou Paco Tous, pour ne citer que les rôles principaux ou les visages les plus connus du public français. 

Un polar addictif

Le point de départ de la série est fort. En pleine nuit, un appel à la police envoie les enquêteurs sur le bord d’une autoroute près de Barcelone, où est stationné un bus venant de l’aéroport. A l’intérieur, il y a trois morts : trois braqueurs qui s’apprêtaient à dévaliser les usagers. Sous le choc, amenés au commissariat, ceux-ci racontent la même chose : un passager a abattu les agresseurs avant de descendre du bus et de prendre la fuite. Toutefois, les agents Fran Garza et Rebeca Quirós ne sont pas convaincus. Les six témoins affirment ne pas avoir vu le visage de l’assassin… mais leur version est trop unanime. Ne cherchent-ils pas à protéger le fugitif qui les a sauvés ? L’affaire se complique encore lorsque la presse et l’opinion publique se retournent contre la police, surnommant le tueur « le justicier » et estimant qu’il mérite une médaille plutôt qu’un séjour en prison.

Six témoins, six versions un peu trop semblables

En tant qu’ intrigue policière, la série est très bien faite. Avec des épisodes d’à peine une trentaine de minutes,  le rythme est soutenu et on termine à chaque fois sur un cliffhanger qui donne envie de voir la suite. Si dès le départ, on partage les doutes des policiers sur la version racontée par les passagers, ce n’est que petit à petit que sont dévoilés des indices, des incohérences qui mettent à mal leur histoire et laissent entrevoir la vérité. Dans Tu ferais pareil, rien n’est jamais vraiment conforme aux apparences, il ne faut se fier à rien ni personne. Et surtout pas aux déclarations des personnages, par définition peu fiables. On plonge peu à peu dans un labyrinthe et on s’y perd, entre mensonges, secrets, manipulations, rebondissements et soupçons. Et ce, malgré quelques facilités ou maladresses narratives au cours du récit. 

Un débat éthique actuel

La remise en question de la version racontée par les passagers est le catalyseur qui permet de construire un jeu de dupes ; elle est aussi la porte d’entrée vers les thèmes qui sont au cœur de l’histoire et permet de soulever un bon nombre de questions éthiques. La justice institutionnelle contre la justice « morale », l’émotion contre la raison, les institutions face à l’opinion publique, le poids des médias, le bien et le mal avec toutes les zones de gris qui existent entre les deux. 

La série est ambitieuse dans son analyse, intelligente dans le choix de son postulat de départ. Elle fait appel à l’un des sentiment le plus primitif de l’être humain, qui nous affecte autant individuellement que collectivement : le besoin de préserver notre intégrité, physique et morale. Face à l’insécurité, à un sentiment d’injustice, à l’impuissance des institutions, le désir de se faire justice soi-même est un débat moral (et politique) qui imprègne l’ensemble de la société. Pour le dire autrement, un meurtrier en est-il un s’il agit en état de légitime défense ? Commettre un acte répréhensible légalement peut-il être justifié moralement ? L’homme mystère du bus est-il un criminel ou un héros, un tueur de sang froid ou un justicier ? Ou tout ça à la fois ? 

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Les enquêteurs remettent en question le récit des témoins

Si ces interrogations sont passionnantes, Tu ferais pareil ne parvient jamais tout à fait à les embrasser dans toute leur complexité. On a souligné l’avantage que représentait un petit nombre d ‘épisodes courts  et la manière dont cette décision bénéficiait au rythme de la narration. Mais c’est aussi le défaut de la série, qui n’a pas le temps de tout approfondir, et en particulier la psychologie de ses personnages. Il y a une intention claire et réussie d’impliquer le spectateur, mais  l’analyse reste un peu trop superficielle, moins puissante que ce qu’elle aurait pu être. Cette simplification du débat influence alors notre réponse à la question posée dans le titre : et moi, est-ce que j’aurais fait pareil ? 

Entre thriller et polar, rythmée et pleine de rebondissements, Tu ferais pareil tient en haleine du début à la fin. Malgré quelques maladresses et un débat éthique pas aussi abouti qu’il aurait pu l’être, c’est une série efficace et prenante, qui joue avec le spectateur pour l’entraîner dans un labyrinthe de doutes, de mensonges, de faux-semblants. Avec un dénouement surprenant, qui ne vous décevra pas. 

Tu ferais pareil
8X30′ environ
Le 30 Octobre sur Apple TV+.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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