Avec Une si longue nuit, TF1 propose une adaptation convaincante de la série britannique Criminal Justice.
C’est quoi, Une si longue nuit ? Sami (Sayyid El Alami), un étudiant qui habite près de Marseille avec ses parents, emprunte le taxi de son père pour se rendre à une fête. En cours de route, il rencontre Gloria (Liv del Estal) et passe avec elle une soirée chargée d’alcool, de drogue et de sexe. A son réveil le lendemain, Gloria est morte assassinée. Sami n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé mais les preuves l’accablent et il est arrêté. Et tandis que Jeff (Jean-Pierre Darroussin), l’enquêteur chargé de l’affaire, voit en lui un coupable évident, c’est Isabelle (Mathilde Seigner), avocate pénaliste controversée, qui assure sa défense. Sami attend son procès, incarcéré dans des conditions auxquelles il n’est pas préparé.
L’histoire de Une si longue nuit vous rappelle peut-être quelque chose. Et pour cause : il s’agit d’une adaptation de la série britannique Criminal Justice qui a déjà donné lieu en 2016 à une version américaine, The Night Of. Comme avec toutes les adaptations, il est tentant de jouer au jeu des ressemblances et des différences. En l’occurrence, le postulat de départ est évidemment le même, l’histoire suit peu ou prou le même déroulement et on retrouve de nombreux éléments et caractéristiques de la série originale, parfois au plan près.
On préférera néanmoins résister à la tentation de la comparaison, a fortiori parce que Clothilde Jamin et Nicolas Clément (scénaristes, entre autres, de Balthazar) apportent des modifications, une fin différente et un regard un peu différent – parfois par nécessité (en raison des divergences du système pénal par exemple), parfois par choix (comme avec le personnage d’Isabelle ici jouée par Mathilde Seigner, alors qu’il s’agissait d’un homme au tempérament bien différent dans les deux autres versions).
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Le premier épisode nous met tout de suite en situation : Sami, 19 ans, a grandi près de Marseille au sein d’une famille modeste issue de l’immigration. Au lendemain d’une nuit d’excès passée avec une inconnue, il se réveille à côté de son cadavre et affirme n’avoir aucun souvenir de ce qui s’est passé. Arrêté par hasard par la police, il devient le principal suspect du meurtre lorsqu’on retrouve sur lui l’arme du crime et que tous les indices démontrent sa culpabilité. C’est en tous cas la certitude de Jeff, le chef d’enquête déterminé à obtenir des aveux. Pour assurer sa défense, Sami choisit Isabelle, une avocate pénaliste sans grande renommée et ex de Jeff. Et alors que Sami est placé en détention préventive, les investigations et la procédure judiciaire avancent implacablement.
Une petite erreur qui conduit à un enchaînement d’événements et de mauvaises décisions, et c’est toute une vie qui bascule. C’est exactement ce qui arrive à Sami. Son parcours, raconté avec sobriété et réalisme, n’en est que plus frappant. La question de son innocence ou de sa culpabilité plane sur la majeure parte de la série, même si l’on comprend vite qu’elle est finalement secondaire. Car, thriller criminel et judiciaire prenant, l’histoire de Une si longue nuit repose sur avant tout sur un autre élément crucial : les défaillances du système – qu’il soit policier, judiciaire ou carcéral.
Une fois qu’il a posé le pied dans le commissariat, Sami est foutu ; la machine se met en marche, implacable. Une enquête menée à charge par un flic proche de la retraite convaincu de sa culpabilité et qui fait pression pour obtenir des aveux, qui n’a rien d’un monstre mais qui interprète les indices de la manière a priori la plus logique. Un système pénal inique où, faute de pouvoir s’offrir les services d’un ténor du barreau, Sami se tourne vers Isabelle, avocate idéaliste et grande gueule cantonnée à de modestes affaires. Un processus judiciaire coûteux, long et éprouvant pour l’accusé et ses parents (Samira Lachhab et Zinedine Soualem). Un emballement médiatique qui envenime la situation de la famille. Un accusé qui crie son innocence mais ne parvient pas à se faire entendre. Un système carcéral où ce jeune homme sans antécédent judiciaire est précipité dans la violence, confronté au boss de la prison (Karis), poussé à des extrémités pour supporter l’enfermement ou simplement pour survivre jusqu’au procès. Autant d’éléments qui vont transformer Sami, métamorphoser le jeune homme timide et tranquille aux boucles brunes en drogué tatoué au crane rasé.
Tous les acteurs sont excellents (notamment Mathilde Seigner dans un rôle qui lui va parfaitement, Jean-Pierre Darrousin et un surprenant Antoine Duléry en vieux taulard) mais il y a un nom à retenir : celui de Sayyid el Alami. Le jeune comédien qui incarne Sami, (et que l’on verra prochainement dans la mini-série consacrée à l’affaire Malik Oussekine) est très bon, dans le rôle pourtant délicat de ce jeune héros d’abord timide, puis désenchanté, puis en perdition. De sorte que, même si l’évolution du personnage est sans doute un peu précipitée, on s’attache à lui et l’on suit sa lente descente aux enfers avec un mélange d’empathie et de frisson. Jusqu’au procès et son dénouement, surprenant.
S’il faut en revenir à la comparaison, Une si longue nuit n’est probablement pas aussi édifiante ou aussi marquante en terme d’ambiance que ne l’était The night of, précédente adaptation de Criminal Justice. Mais forte du scénario original signé Steven Moffat, des aménagements judicieux apportés par les scénaristes français, des excellentes prestations des acteurs, et avec les spécificités d’un système aussi faillible que ses équivalents britannique ou américain, Une si longue nuit offre un polar efficace, une adaptation réussie malgré quelques légers défauts , une histoire qui parvient à nous entraîner dans le sillage de Sami, ce jeune homme lambda broyé par la marche inexorable des événements.
Une si longue nuit
6 épisodes de 50′ environ.
Sur TF1 à partir du 20 Janvier, disponible sur Salto.