Portée par Neil Patrick Harris, A series of unfortunate events est une adaptation fidèle des romans éponymes – peut-être un peu trop…
C’est quoi, A series of unfortunate events ? Violet, Klaus et Sunny (Prunille dans la version française) Baudelaire sont trois enfants pleins de ressources : l’aînée est une inventrice ingénieuse, son frère est un rat de bibliothèque, et la petite dernière possède une dentition acérée qui lui permet de ronger tout ce qu’elle trouve… Lorsqu’un incendie coûte la vie à leurs parents et détruit tout ce qu’ils possèdent, les enfants se retrouvent orphelins et démunis face à leur nouveau tuteur, le Conte Olaf (Neil Patrick Harris). Acteur raté, cruel et machiavélique, celui-ci n’a qu’une idée en tête : mettre la main sur la fortune dont ils ont hérité. Et pour se faire, il est prêt à toutes les manigances et tous les crimes, poursuivant et persécutant les Baudelaire qui tentent de lui échapper. Ceux-ci sont loin de se douter de l’incroyable série de catastrophes qui vont les frapper…
Le générique, décalé et irrésistible, nous prévient d’emblée : pour notre bien-être et notre santé mentale, mieux vaut éteindre la télé ou regarder autre chose, parce que cette série est affligeante et va nous déprimer. Tirée des romans éponymes de Lemony Snicket (nom de plume de Daniel Handler) adaptés en film en 2004 avec Jim Carrey dans le rôle tenu ici par Neil Patrick Harris (How I Met Your Mother), la série de Netflix leur est en cela résolument fidèle. Cette première saison de 8 épisodes couvre l’équivalent des quatre premiers livres de la saga – 2 épisodes par roman – et parvient à recréer son atmosphère loufoque et son ton original.
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Effectivement, l’histoire en elle-même est sombre et anxiogène. Mort, misère, maltraitance, solitude : autant de thèmes récurrents, aussi terrifiants pour un jeune enfant que pour n’importe qui. Même les personnages les plus bienveillants font défaut aux orphelins, et leur incapacité à les croire ou les soutenir crée un fossé infranchissable entre le monde des adultes et celui des enfants. Ceux-ci sont finalement les seuls personnages positifs de cette triste histoire puisque, malgré leurs déconvenues perpétuelles, ils restent déterminés et gardent espoir. Dans cet univers sordide et déprimant, leur optimisme et l’amour qui les lie démentent le pessimisme ambiant et insufflent un peu de joie en laissant entrevoir une lumière – aussi ténue soit-elle – au bout du tunnel.
Mais ce qui sape le ton lugubre et la morosité ambiante réside avant tout dans les éléments directement puisés dans les livres : le ton caustique du narrateur, l’humour sous-jacent, l’ambiance surréaliste des décors et de l’interprétation, et l’accumulation des catastrophes invraisemblables qui frappent les pauvres orphelins engendrent une farce tragi-comique, illustration de l’expression selon laquelle il faut mieux en rire qu’en pleurer… En cela, et sur bien d’autres plans, la série est extrêmement fidèle aux romans. Le récit est assez bien mené, les bases étant rapidement posées tandis que la narration se développe plus lentement et recèle de subtils indices concernant le mystère de la mort des parents Baudelaire et l’organisation occulte à laquelle ils étaient apparemment liés.
On retrouve aussi les interventions régulières du narrateur, point fort de la série qui séduira un public plus mature. Brisant le fameux « quatrième mur » qui isole le spectateur, Lemony Snicket (incarné par Patrick Warburton) raconte la triste vie des enfants Baudelaire avec une ironie teintée de pessimisme. Reprenant l’astuce employée dans les romans, il anticipe les évènements et nous enjoint régulièrement d’arrêter de regarder cette série déprimante. Il explicite aussi certains termes avec un second degré réjouissant, en jouant sur le décalage entre sens propre et figuré, et la série lui emboîte le pas en dévoyant mots et expressions pour établir une complicité avec son spectateur.
Dans une ambiance presque steampunk (quoique pas toujours réussie), la série jouit d’une scénographie travaillée, faite de jeux d’ombres et de lumière et de décors fantasmagoriques propres aux contes de fées. Déstabilisante mais une fois encore fidèle aux livres, cette atmosphère séduit par son originalité ou rebute par la surcharge des décors et des effets spéciaux parfois risibles… On ne fait clairement pas dans la subtilité, mais c’est en adéquation avec un récit lui-même caricatural et extrême.
Il en va de même pour les dialogues parfois pesants et le jeu volontairement outrancier des acteurs – à commencer par Neil Patrick Harris dans la peau du Conte Olaf. C’est un méchant d’opérette dont le côté clownesque (notamment ses multiples déguisements) finit par éclipser les aspects les plus menaçants. La dérision atténue la violence des péripéties mais accentue en même temps l’impression de farce grotesque. Même chose avec les acolytes du Conte, tous dotés d’une « gueule » qui les rend aussi incongrus que surréalistes, ou avec l’interprétation excellente mais surjouée des autres acteurs (on citera notamment l’excellente Joan Cusack, K. Todd Freeman ou encore Aasif Mandvi). Ces grandes caractéristiques, directement puisées dans les textes, fonctionnent sur le papier ; elles sont un peu moins efficaces à l’écran. Le rythme languissant des romans ralentit parfois inutilement la série, tandis que les excentricités les plus attrayantes peuvent sembler artificielles et redondantes.
Entre conte pour enfants à l’univers baroque et surréaliste et récit décalé teinté d’ironie, A Series of Unfortunate Events est intrigante, déstabilisante, et sans doute clivante : on adore son atmosphère et son second degré, ou l’on décroche totalement dès lors qu’on n’adhère ni à l’ambiance, ni au ton sarcastique. Il est malgré tout indéniable que la série a parfaitement réussi à recréer l’univers des romans dont elle est tirée. Pour cette seule raison, on vous conseille de vous faire votre propre opinion et de désobéir à l’avertissement contenu dans le générique : don’t look away…
A series of unfortunate events – Netflix
8 épisodes de 50’ environ.