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On débriefe pour vous … Au fil des jours / One day at a time (Netflix), remake réussi à la sauce cubaine

Adaptée d’un classique de la télévision américaine des années 1970, One day at a timeAu fil des jours est une excellente sitcom qui s’inscrit en plein dans l’actualité.

C’est quoi, Au fil des jours / One day at a time ?  D’origine cubaine, Penelope Álvarez (Justina Machado) a divorcé et vit à Los Angeles avec ses deux enfants adolescents, Elena (Isabelle Gomez) et Alex (Marcel Ruiz), et sa mère Lydia (Rita Moreno). Ancienne infirmière militaire, elle a été déployée en Afghanistan pendant plusieurs années, et souffre de dépression et de stress post-traumatique. Travaillant désormais dans un cabinet privé, elle tente de conjuguer sa carrière et son rêve de devenir médecin avec sa vie familiale.

Depuis quelques années, les remakes et reboots abondent sur les écrans américains, les chaînes tentant de renouveler le succès que ces séries avaient connu à l’époque, surfant notamment sur la nostalgie des spectateurs. Et c’est justement le principal problème : la société, le contexte, le public ont changé . Il ne s’agit pas seulement de recycler un vieux concept, il faut souvent l’actualiser, le moderniser pour coller aux préoccupations, aux références socio-culturelles du public, et / ou au format des séries actuelles. C’est là toute l’intelligence de Au fil des jours (One Day at a Time), qui réinvente brillamment une sitcom extrêmement populaire dans les années 1970 / 1980 aux États-Unis (et diffusée chez nous sur Antenne 2 à partir de 1988.)

One day at a time, version 1975

 

Lancée en 1975, la première version a été développée par Norman Lear – qui est aussi à l’origine du remake. Producteur de nombreuses sitcoms, Lear s’est toujours attaché à créer des comédies subtilement irrévérencieuses, propres à susciter le débat en abordant des thèmes d’actualité sensibles. One day at a time ne fait pas autre chose. A l’époque, c’était par exemple l’une des premières sitcoms qui ne se focalisait pas sur une famille unie et traditionnelle, mais dont l’héroïne était une mère divorcée, qui se débrouillait au quotidien sans l’aide d’un homme.  Si la nouvelle version respecte les bases de la série originale, elle en infléchit légèrement certains éléments, pour actualiser autant les personnages que les problématiques abordées.

One day at a time, version 2017

 

Ainsi,  Penelope est toujours une mère divorcée ; mais son statut de vétéran de l’armée permet de montrer  les difficultés de sa réintégration dans la vie civile et les conséquences psychologiques de son déploiement sur le front. Mère de deux adolescentes dans la première version, elle élève cette fois un fils et une fille. Alex (Marcel Ruiz), peu conscient des difficultés économiques rencontrées par la famille, est un ado choyé et surprotégé.  Militante féministe et passionnée, Elena affirme progressivement son homosexualité, au risque d’être confrontée à une homophobie latente et rejetée par certains de ses proches. Isabelle Gomez est merveilleuse dans ce rôle délicat : elle construit avec subtilité un personnage à la fois drôle et émouvant, en outre susceptible de faire figure de modèle pour les adolescentes dans la même situation, avec les mêmes doutes et les mêmes peurs.

Dernier membre du foyer, et non des moindres : Lydia, la grand-mère. Une veuve pétillante, nostalgique de sa vie à Cuba et qui rappelle sans cesse les origines familiales à travers la musique, la langue, les références culturelles ou les anecdotes de ses jeunes années. Le rôle va comme un gant à la merveilleuse Rita Moreno, inoubliable Anita de West Side Story qui illumine chaque scène de son talent, avec son accent cubain, son dynamisme et sa coquetterie théâtrale.

L’irrésistible Rita Moreno, dans le rôle de Lydia

 

Des personnages sympathiques, dynamiques et bourrés d’entrain, auxquels s’ajoutent le voisin envahissant Schneider (Todd Grinnell) et l’excentrique Dr. Berkowitz (Stephen Tobolowsky), patron de Penelope et petit ami de sa mère.

A partir de cette galerie de personnages emblématiques sans être caricaturaux, One day at a time s’appuie sur une construction mixte. En fil rouge, on suit l’évolution des personnages, leurs histoires et leurs situations respectives ; dans le même temps, chaque épisode développe une intrigue indépendante. C’est surtout en s’appuyant sur ces petites histoires anecdotiques que le scénario introduit subtilement des problématiques sociales. Discrimination positive, sexisme, racisme, situation politique à Cuba (Che Guevara étant égratigné au passage), immigration clandestine, sexualité : des questions omniprésentes, traitées sans frivolité mais intégrées à des histoires plus légères, drôles et pleines d’humour. Ce mélange délicat entre drama et comédie est l’une des grandes réussites de la série, qui pose avec fluidité des scènes émouvantes et des sujets importants (la dépression ou l’homophobie, par exemple) au milieu de séquences hilarantes.   

Enfin, l’un des atouts de One day at a time reste indéniablement son rythme, sa bonne humeur et son ambiance latino, entraînante et irrésistible. Mélangeant Anglais, Espagnol et argot cubain, les personnages ne cessent de chanter et de danser, dans des épisodes toujours teintés d’allusions à la culture latino-américaine. L’ensemble apparaît pourtant naturel et sans rien d’affecté, à l’instar des dialogues, compréhensibles même pour qui n’a pas fait Espagnol en LV2. Une identité forte affirmée dès le générique : une succession de séquences juxtapose les personnages à des images d’archives des immigrants cubains. En fond sonore, la chanson de la série originale (remaniée par Emilio Estefan et interprétée par sa femme Gloria) impose un rythme de salsa trépidant, annonçant le ton enlevé et enthousiasmant de la série.

Au premier abord, One day at a time est une petite comédie sans prétention. Une série feel-good, à l’humour léger plein de répliques amusantes, avec des personnages charmants et superbement interprétés, un rythme entraînant et une atmosphère latino réjouissante.  Pourtant, sans rien perdre de sa légèreté et de son ton comique, c’est une série honnête et profonde, où le rire n’empêche pas la réflexion sur des sujets importants. Relativement confidentielle, One day at a time n’a pas le succès qu’elle mérite : il ne tient pourtant qu’à vous d’entrer dans la danse.

One day at a time – Netflix
2 saisons – 2 X 13 épisodes de 30′.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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