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On débriefe pour vous … Rwanda la couleur du sang, le doigt dans l’engrenage rwandais

Bientôt sur Arte, la mini-série Rwanda la couleur du sang suit une survivante du génocide rwandais confrontée à ses traumatismes lors du procès de criminels de guerre.

C’est quoi, Rwanda la couleur du sang ? Avocate britannique, Eve Ashby (Harriett Walter) accepte le poste de procureure  dans le procès intenté par le tribunal international de La Haye contre le général Simon Nyamoya (Danni Sapani), accusé de crimes de guerre lors du génocide rwandais en 1994. Secondée par son associé Michael Ennis (John Goodman), un Américain résidant à Londres, Eve entend bien obtenir une condamnation. Mais l’affaire bouleverse Kate (Michaela Coel), sa fille adoptive d’origine rwandaise, qu’elle a sauvée d’un massacre pendant la guerre. Enquêtrice auprès de sa mère, Kate tente de la faire changer d’avis. Les apparences sont pourtant trompeuses, et la réalité est bien plus complexe qu’il n’y paraît.

A lire aussi : 5 éléments pour comprendre… la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda

En 1994, un génocide ethnique décimait la population du Rwanda, faisant un million de victimes parmi les Hutus et les Tutsis. C’est de ce sujet délicat que s’empare Hugo Blick (créateur de The Honourable woman) ; d’abord diffusée sur BBC2 et désormais disponible sur Netflix. Sa nouvelle série, Rwanda la couleur du sang, relate l’enquête et les procès menés par la Cour pénale internationale de La Haye qui, vingt ans après les faits, poursuit les mercenaires et généraux accusés d’être responsables des massacres.

Série sombre (portée par un générique reprenant le sublime You want it darker de Lenonard Cohen), Rwanda la couleur du sang s’appuie sur deux axes : c’est à la fois un thriller politico-judiciaire et un drama psychologique, le deuxième aspect prenant progressivement de l’importance. Dans un premier temps, l’histoire se centre sur Eve, avocate qui accepte de se charger de l’accusation dans le procès contre le général tutsi Nyamoya (amalgame de plusieurs personnes ayant réellement existé), au TPI de La Haye. Appuyée par son associé Michael Ennis, elle se heurte à la farouche opposition de sa fille adoptive Kate, elle-même d’origine rwandaise et rescapée d’un massacre lorsqu’elle était enfant. Travaillant comme enquêtrice, Kate refuse de prendre part au procès et participe en revanche à la défense de la sœur du président rwandais, extradée en France et accusée du meurtre d’un prêtre pendant le génocide.

Kate Ashby, confrontée au traumatisme du génocide

Tout change à la fin du troisième épisode, avec un rebondissement inattendu qui impose un changement de cap radical dans l’histoire. Kate passe alors au premier plan et on suit ses investigations, ses avancées dans les deux dossiers à mesure qu’elle découvre des connexions financières et la complaisance de certains gouvernements envers les responsables du génocide. Une enquête qui met sa vie en danger, la précipite dans un complot aux ramifications multiples, et qui l’oblige aussi à replonger dans la tragédie de son enfance, à revivre des traumatismes refoulés et à envisager différemment son histoire personnelle.

D’abord chorale, la série adopte alors le regard de celle qui en devient l’héroïne pour illustrer le drame. Personnage complexe et ambigu, elle a tout oublié de la tragédie qu’elle a vécue et cette amnésie résonne pour un public qui, dans une écrasante majorité, a sans doute oublié les faits pour n’en garder que de vagues souvenirs des reportages des journaux télévisés de l’époque. Toutefois, et même si le choix est assumé, l’interprétation rigide de Michaela Coel (héroïne déjantée de l’excellente comédie Chewing Gum) rend Kate austère et même assez antipathique – au point de nuire à la portée de l’empathie et à la crédibilité de ses interactions avec les autres protagonistes. En particulier avec Michael, magnifiquement incarné par un John Goodman époustouflant, capable de donner beaucoup plus de nuances à son personnage.

John Goodman et Michaela Coel, le duo de Black Earth Rising

Le propos est passionnant, la série ambitieuse, et la démarche consistant à mettre en lumière par le biais de la fiction le génocide rwandais, tragédie historique que le temps contribue à occulter, apparaît comme une démarche mémorielle nécessaire. Mais on pourrait reprocher à Black Earth Rising d’être finalement plus intéressante dans son thème que dans le traitement de celui-ci. Centrée sur le fond politique parfois au détriment de la narration, la série perd progressivement de son souffle dramatique – avant de rebondir quelque peu lors des deux derniers épisodes. En outre, bien que maîtrisant de toute évidence le sujet (et peut-être est-ce justement le problème…), Hugo Blick l’aborde d’une manière un peu confuse et néglige certaines explications préalables sur le contexte géopolitique, de sorte qu’il peut être difficile de saisir tous les tenants et aboutissants du conflit, ses origines, sa dynamique ethnique ou ses répercussions actuelles.

Tout cela fait de Black Earth Rising une série qui peut paraître difficile à  aborder. Elle reste toutefois intéressante et dérangeante dans son propos. D’une part, parce qu’elle aborde frontalement l’un des pires génocides de l’Histoire, sans pour autant s’attacher à la violence physique. La série épargne au spectateur les scènes de guerre et préfère évoquer les massacres à travers des séquences animées sobres et suggestives en noir et blanc, à la manière du film Valse avec Bachir. D’autre part, le scénario soulève  un débat éminemment sensible en abordant la question du néo-colonialisme. Entre enjeux économiques, investissements des multinationales en Afrique, exploitations des ressources naturelles, Black Earth Rising s’interroge sur la complaisance de certains états ou de grandes entreprises envers les responsables du génocide – à l’époque et aujourd’hui.  Un regard qui nous concerne au premier plan, le rôle joué par la France (prégnant dans la série) faisant toujours l’objet de violentes controverses…

Thriller psychologique et géopolitique, Rwanda la couleur du sang se penche avec finesse sur le génocide rwandais. Si elle aurait gagné à expliciter davantage le contexte, la série parvient à illustrer une réalité historique complexe et la souffrance des victimes. Sans doute faut-il parfois s’accrocher pour ne pas perdre le fil, mais Rwanda la couleur du sang en vaut la peine, ne serait-ce que pour son ambition et la manière nuancée dont elle éclaire une des pires tragédies de l’Histoire récente.


Black earth rising (BBC2)
8 épisodes de 55′ environ.
Sur arte.tv du 20/04 au 25/05  
Sur ARTE jeudi 4 et 11 mai 2023 à 20h55 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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