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5 éléments pour comprendre… la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda

En ce 7 avril, date anniversaire du début du génocide des Tutsis au Rwanda, revenons sur cet évènement traumatisant qui a marqué l’Histoire. Ce génocide va durer 100 jours et, selon l’ONU, ce sont plus de 800 000 Tutsis qui seront assassinés par le pouvoir extrémiste Hutu. Aujourd’hui encore, le rôle de la France dans ce drame est controversé. Ce 26 mars 2021, le rapport Duclert pointait les « responsabilités accablantes » pour la France mais souligne l’absence de complicité de génocide.

1. Les rivalités entre Hutus et Tutsis

Rappelons d’abord le contexte : tout commence à l’époque de la colonisation belge, de 1918 à 1962. Au sein de la société Rwandaise on trouve des Hutus et des Tutsis. Un seul et même peuple, avec des places différentes dans la société. Les Tutsis sont plutôt des propriétaires et les Hutus des paysans. Les colons Belges attisent cette différence en s’appuyant sur les Tutsis pour gouverner, ce qui génère tensions et frustrations. 

En 1962, le Rwanda devient indépendant et les Hutus prennent le pouvoir. 10 000 Tutsis sont tués, 300 000 autres sont poussé à l’exil. Dans les décennies qui suivirent, certains  Tutsis revendiquent leur droit au retour et mènent des attaques régulières sur le territoire. En réponse les Tutsis servent de bouc émissaire et, pendant près de 30 ans, sont violemment réprimés par le pouvoir Hutu.  

L’histoire s’accélère en octobre 1990 ; une rébellion, menée par les réfugiés Tutsis, entre en force au nord du Rwanda. C’est le début de la guerre civile. C’est à ce moment-là que la politique de la France devient trouble. Vulnérable, le gouvernement de Kigali demande l’aide de la France. Paris lui fournit des armes et entraine l’armée régulière Rwandaise. Mais simultanément, la société Rwandaise se radicalise. Une frange extrémiste du pouvoir Hutu endoctrine militaires et civils avec comme but d’exterminer les Tutsis. Des massacres son commis et plusieurs témoins tirent la sonnette d’alarme la Fédération internationale pour les droits humains, puis une mission de l’ONU, alertent dès 1993.

Des alertes sont également émises par les services de l’État. Dès 1990, l’ambassadeur de France à Kigali rapporte un « risque d’élimination totale des Tutsis » En 1993, la DGSE informe l’Elysée d’un vaste programme de purification ethnique, dirigée contre les Tutsis. Malgré ces avertissements, Paris maintient son soutien au régime de Kigali. Pour la France, la priorité est d’obtenir des accords de paix entre son allié – le pouvoir – et les rebelles du Front patriotique rwandais (FPR). Des négociation finissent par avoir lieu. En août 1993, les accords d’Arusha prévoient le retour des exilés Tutsis ainsi que le partage du pouvoir. 

2. L’Assasinat du président Rwandais, Juvénal Habyarimana

Mais le 6 avril 1994 rien ne se passe comme prévu. Le président Rwandais Juvénal Habyarimana est assassiné. Son avion est abattu en plein ciel par deux missiles. Les extrémistes Hutus saisissent l’occasion pour s’emparer du pouvoir.

Le 7 avril 1994, le génocide des Tutsis commence aussitôt. Les premiers Tutsis sont assassinés, et avec eux, les opposants Hutus. Ces massacres sont commis par l’armée Rwandaise et ses milices mais aussi avec l’aide de la population.

Encore aujourd’hui, des zones d’ombre empêchent de comprendre comment les extrémistes ont pu s’emparer du pouvoir. D’abord, on se demande naturellement qui a tiré sur l’avion du président? Les circonstances de cette attentat demeurent très opaques. En 2014, une enquête a conclu que le tir venait probablement d’un camp militaire tenu par l’armée. Mais la boîte noire de l’appareil n’a jamais été retrouvée. On sait néanmoins que plusieurs militaires français se sont rendus sur les lieux du crash, dans les 15 minutes qui ont suivi. Plusieurs témoignages laissent penser qu’ils auraient récupéré la boîte noire. Étrange, le rapport de mission des militaires n’a jamais été rendue public. Pas même pour la mission parlementaire de 1998. 

3. La France reconnaît le nouveau gouvernement Hutu

La deuxième zone d’ombre réside dans la formation du gouvernement intérimaire, qui déclenche le génocide. Ce gouvernement ne sais pas formé n’importe où. Deux jours  à peine après l’attentat, les réunions des extrémistes Hutus se déroulent au sein même de l’ambassade de France, à Kigali. L’ambassadeur Belge émet des réserves, mais pas la France, qui reconnaît ce gouvernement et le présente comme conforme à la logique des accords d’Arusha. La France recevra même le nouveau ministre des affaires étrangères  Rwandais, Jerôme Bicamumpaka, quelques semaines plus tard, à l’Élysée, alors que les massacres sont en cours.

Troisième zone d’ombre : les livraisons d’armes pendant les massacres. Officiellement, des armes  sont fournies par Paris pour combattre les rebelles Tutsis du FPR. Mais le fait de livrer des armes à un gouvernement se livrant à des tueries de masse pause questions. Car tout du long, l’Élysée été informée de la situation à Kigali.

4. L’opération Turquoise

La France s’est finalement décidée à intervenir. Face au retrait de la communauté internationale, Paris décide d’agir seul. En juin 1194 est lancée l’opération turquoise. Officiellement, l’objectif est clair, c’est une opération humanitaire, avec conduite limitée dans le temps. Elle a pour mission de « mettre fin aux massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force».

Défendue par les uns comme une intervention humanitaire, elle a été vivement critiquée et fait toujours l’objet de polémiques concernant le rôle de la France dans son soutien au gouvernement intérimaire rwandais. Car ici encore, plusieurs éléments posent question. Il est légitime de se demander si l’opération était seulement humanitaire. D’anciens militaires présents sur place  affirment le contraire. C’est ce qu’a fait par exemple Guillaume Ancel, ancien officier déployé au Rwanda durant le génocide. Il témoigne que sa première mission était en réalité de soutenir le gouvernement en place à Kigali, et il lui aurait été également demandé de réaliser une frappe aérienne sur les Tutsis du FPR.

5. Les évènements de Bisesero

La dernière zone d’ombre concerne les événements de Bisesero, qui se sont déroulés en 1994 sur une chaîne de collines portant le nom de Bisesero à l’ouest du Rwanda. Le 27 juin, 2000 rescapés Tutsis y sont découverts par quelques militaires français. Blessé et affaiblis, ils sont toujours menacés de mort par les génocidaire. Des Rwandais et des journalistes français ont fait surgir en France une polémique à propos de la conduite que l’armée française aurait eue au début de l’opération Turquoise vis-à-vis des réfugiés Tutsi de Bisesero. Car en effet, il semblerait que ces militaires français ne soient pas venus en en aide, du moins pas à temps, aux Tutsis. Au lieu de les aider, ils auraient reçus l’ordre de les laisser. De leur coté, les responsables de l’armée françaises affirment ne pas avoir été alertés de la situation avant le 30 juin. Date à laquelle des militaires (re)découvrent ces réfugiés, qui seront finalement secourus. Entre temps, plus de la moitié d’entre eux ont été massacrés. Certains rescapés vont jusqu’à affirmer que l’armée française aurait pris part aux massacres.

À lire aussi : Petit Pays : portrait d’une jeunesse ébranlée par le génocide rwandais

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