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On regarde ou pas ? Börü / The Protector, l’action made in Turquie

Alors que Canneséries et son lot de séries internationales approchent de la fin, nous mettons en avant des séries turques dont la série d’action Börü et l’histoire du super-héros The Protector.

Depuis quelques années, l’offre ne cesse de s’étoffer en matière de séries. D’une part, en raison du nombre toujours croissant de fictions proposées au public, mais aussi parce que celui-ci a désormais accès à des productions venues de tous les pays, notamment grâce aux services en ligne tels que Netflix. C’est justement Netflix qui a récemment mis à disposition de ses spectateurs deux séries turques, toutes deux renouvelées pour une deuxième saison : Börü et The Protector. La première a été produite et diffusée par la chaîne Starz dans son pays d’origine, tandis que la seconde est une création originale pour la plate-forme.

Börü (Wolf) : l’unité d’élite antiterroriste de l’armée turque

C’est quoi, Börü ? Au printemps 2014, la Turquie doit faire face à de nombreuses menaces à la frontière syrienne. Mais le danger vient aussi de l’intérieur, où sévissent des groupes terroristes étrangers et où des membres de l’armée tentent de renverser le régime. L’unité d’élite des forces spéciales connue sous le nom de Börü (« Loup ») est le dernier rempart protégeant la République turque. Ce sont ses membres, héros prêts à se sacrifier pour leur mission, que nous suivons au cours de plusieurs opérations musclées – inspirées de faits réels.

Mini-série la plus chère de l’histoire de la télévision turque, Börü est une série de guerre, bourrée d’action. Avec une durée de 90 minutes, chacun des six épisodes fonctionne sur le même schéma : une scène d’action au début, une scène d’action à la fin, et la vie personnelle des membres de l’unité entre les deux. Liés par un fort sentiment de solidarité et de fraternité, tous sont traumatisés à des degrés divers par ce qu’ils ont vécu sur le champ de bataille. On assiste à une succession de missions à haut risque (une par épisode), qui donnent lieu à des séquences violentes, spectaculaires et tonitruantes, immersives et bien réalisées où on n’économise ni les balles, ni les explosions. Par contre, lorsque la série esquisse la vie privée des membres de l’unité, elle devient plus ennuyeuse, car très conventionnelle et alourdie par des dialogues grandiloquents qui n’apportent pas grand-chose à l’histoire. C’est un peu Seal Team version turque.

Mais le plus intéressant – et le plus dérangeant – dans Börü, c’est le point de vue adopté. Notons d’abord que la série entretient un discours empreint d’une ambiguïté étudiée. Les scénaristes abordent les questions politiques sans jamais faire explicitement référence au pouvoir actuel, préférant ne jamais prononcer le nom de Erdogan pour se focaliser sur Kemal Ataturk (le générique s’achève même sur son portrait), père de la Turquie moderne et artisan de la laïcité dans les années 1920. Pour autant, Börü s’inspire d’événements survenus en 2014 : d’une part, la menace des « ennemis » massés à la frontière ou agissant à l’intérieur du pays (les kurdes, la Syrie et l’état islamique) et d’autre part, le coup d’état fomenté par des militaires dissidents et la purge qui en a résulté. Dans les deux cas, on reste centré uniquement sur le vécu de ces militaires dévoués au régime ; les ennemis sont sans nuance, des entités impersonnelles et sans visage concret qu’il faut éliminer et dont les motivations ne sont jamais évoquées.

La série est donc extrêmement orientée (Le nom même de la brigade rappelle celui du parti turc ultra-nationaliste, les Loups gris) et sans concession. Si elle a connu un immense succès en Turquie, au point que le dernier épisode a été diffusé dans les salles de cinéma, elle a provoqué une réelle controverse dans d’autres pays, notamment en Allemagne. Stricto sensu, Börü est une série militaire susceptible de séduire les amateurs d’action ; encore faut-il avoir conscience de la teneur du discours.

The Protector (Hakan, Mirhazir) : le super-héros d’Istanbul

C’est quoi, The Protector ? Hakan (Çağatay Ulusoy ) est un jeune homme qui travaille avec son oncle dans un petit magasin d’antiquités du  Bazar d’Istanbul. Un jour, il découvre par hasard qu’il est le dernier des Protecteurs, héritier d’une sorte de dynastie mythique de super-héros qui protègent depuis des temps immémoriaux la ville d’Istanbul des démons. Ses nouveaux pouvoirs se manifestent lorsqu’il endosse une tunique magique, et il va devoir apprendre à les contrôler avec l’aide de Kemal (Yiurdaer Okul) et de sa fille Zeynep (Çağatay Ulusoy), qui attendaient depuis des années l’apparition du nouveau protecteur.

Créée par Binnur Karaevli, la première série turque produite par Netflix est un mélange surprenant : une histoire classique de super-héros avec tout ce qu’on peut s’attendre à y trouver, et un fond de mythologie ottomane dans une Istanbul de carte postale. D’une certaine manière, cette première saison sert surtout à poser le contexte et les personnages. Les dix épisodes racontent l’évolution de Hakan, qui passe par tous les stades auxquels sont confrontés les super-héros en devenir : incrédulité initiale, refus d’assumer un destin qui le dépasse, apprentissage de ses nouveaux pouvoirs (invincibilité et des capacités surhumaines), et enfin confrontation avec les Immortels, créatures démoniaques qui tentent de prendre le contrôle de la ville. S’ajoute un triangle amoureux, lorsque le cœur d’ Hakan balance entre Zeynep et Leyla, employée d’un multimillionnaire aux intentions troubles dont il est le garde du corps.

Il faut bien l’avouer : si The Protector avait été une série américaine, elle n’aurait probablement pas retenu notre attention. Non qu’elle soit mauvaise. Plutôt plaisante à suivre, elle reste toutefois très convenue – voire même assez risible au départ, lorsqu’elle semble parfois flirter avec la parodie… Heureusement, la série monte en puissance au fil des épisodes, devient plus prenante lorsqu’on entre au cœur de l’action. Fidèle à son idée de départ et en reprenant les grands codes du genre, The Protector développe surtout une mythologie cohérente et complexe, empreinte d’un exotisme séduisant pour un public occidental.  Le résultat final, sorte de Arrow mâtiné de fantastique et de folklore ottoman, n’a rien d’exceptionnel ; plutôt efficace, la série reste sympathique et agréable à suivre.

Börü et The Protector : deux séries turques disponibles en France via Netflix. Si toutes deux souffrent d’une certaine irrégularité  et de maladresses dans le développement de l’histoire, elles s’avèrent intéressantes, chacune à leur niveau. A travers son discours nationaliste, Börü illustre un certain contexte et une réalité politique prégnante en Turquie ; histoire de super-héros sur fond de mythologie orientale, The Protector offre une déclinaison originale sur le sujet.   


Börü  (Turkish Starz)
7 épisodes de 90′ environ.
Disponible sur Netflix.

The Protector (Netflix)
10 épisodes de 40′ environ.
Disponible sur Netflix.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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