House of cards saison 6. Un Underwood chasse l’autre : Claire remplace Frank derrière le bureau ovale, dans une conclusion en demi-teinte sur laquelle plane l’ombre de l’ancien président.
C’est quoi, House of cards saison 6 ? Désormais, Claire Underwood (Robin Wright) est présidente des États-Unis. Après la mort de son mari et prédécesseur Frank, elle est toutefois plus isolée que jamais. Certains opposants la menacent de mort, les médias s’acharnent contre elle et ses rivaux tentent d’exercer des pressions ou de la manipuler. Mais ce que personne ne semble comprendre, c’est que Claire a pris part aux manigances de Frank, et qu’elle est au moins aussi impitoyable qu’il l’a été. Personne, ou presque : dans l’ombre, Doug Stamper (Michael Kelly) est déterminé à anéantir Claire, laver le nom de Frank et préserver son héritage.
Avant même son lancement en 2013, House of Cards avait fait couler beaucoup d’encre. Adaptation de la série britannique du même nom (elle-même tirée d’un livre), il s’agissait de la première série originale signée Netflix dont la première saison était d’emblée disponible en intégralité. Elle comptait en outre la présence d’un acteur de la trempe de Kevin Spacey dans le rôle principal et de David Fincher à la réalisation des deux premiers épisodes. Thriller cynique et brutal sondant les bas-fonds de la politique américaine, House of Cards a certes perdu en qualité au fil des saisons, tout en restant divertissante et servie par des acteurs remarquables– Spacey et Robin Wright en premier lieu. Les huit derniers épisodes ont la lourde tache de clore l’histoire. Sans Kevin Spacey.
« My turn ! », lançait Claire Underwood à la fin de la saison précédente – s’adressant au passage directement au spectateur, comme Frank avant elle. Une phrase quasi-prophétique, puisque suite aux scandales sexuels ayant frappé Kevin Spacey, House of cards continue sans lui et avec Robin Wright dans le rôle principal. Frank est donc « éliminé » dans des circonstances mystérieuses, qui ne seront clarifiées que dans la dernière scène.
Alors qu’elle exerce désormais la présidence, Claire est totalement isolée. Entre menaces de mort, tensions avec son vice-président, négociations avec la Russie, militantisme féministe et climat politique bipolarisé, une atmosphère de doute et de paranoïa s’insinue partout dans la Maison Blanche. Dans cette ambiance délétère, tous poursuivent des objectifs flous pour le spectateur, en tentant de faire pression sur la présidente voire de l’écarter du pouvoir. Ainsi, les Shepherd, puissante famille exerçant son influence dans l’économie et les médias : Bill (Greg Kinnear) utilise les accords conclus avec Frank contre la présidente, tandis que sa sœur Annette (Diane Lane), ancienne camarade de classe de Claire, mise sur leur relation pour s’ingérer dans sa politique. Dans l’ombre, un Doug Stamper décrédibilisé cherche à préserver l’image de Frank en se confrontant à sa veuve, quitte à sortir des cadavres du placard (littéralement ou presque). Au milieu des intrigues et manipulations dont la série est coutumière, cette saison précipite tous ses personnages – Claire, Stamper, l’irréductible journaliste Tom Hammerschmidt, Catherine Durant, Thomas Yates et les autres – vers une issue fatale.
Inutile de le nier : le fantôme de Kevin Spacey / Frank Underwood hante toute cette saison. House of Cards a même des airs de métafiction, tant la situation de Claire semble faire écho à celle de son interprète : toutes deux doivent s’imposer et démontrer qu’elles sont capables de prendre la place de leur ancien partenaire. Indéniablement, Robin Wright relève le défi : magnétique, elle donne à son personnage un mélange d’orgueil, de froideur et de machiavélisme qui la rendent fascinante. Et en se montrant peut-être pire que son mari, en utilisant le féminisme comme une arme de propagande, elle impose une perspective subversive mais intéressante – l’égalité des sexes signifie que les femmes peuvent être aussi retorses que les hommes.
Malgré tout, cela ne suffit pas à combler le vide. Physiquement absent de cette saison, Frank y est pourtant omniprésent. Il ne se passe pas 10 minutes sans que son nom ne soit cité, ses actes conditionnent les décisions de tous les personnages. En un sens, les scénaristes ont le même problème que Claire : ils ne parviennent pas à faire le deuil de Frank. Or, en son absence, personne ne vient occuper la place d’âme damnée, rôle qu’il aurait dû jouer auprès de Claire (et qu’elle-même tenait auprès de lui auparavant). Sans cette dynamique, House of Cards perd beaucoup de sa force.
Il serait commode d’imputer les défauts de cette ultime saison à la seule absence de Frank ; malheureusement, celle-ci ne fait que précipiter le déclin amorcé avant son départ, avec un scénario confus et mal équilibré. La saison culmine avec la passionnante confrontation entre Claire et le président russe Petrov, puis elle bascule dans des rebondissements peu crédibles (le complot ourdi par les Shepherd) voire des expédients dignes d’un soap opera (dans l’épisode 71), entrecoupés d’ellipses de plusieurs mois. Les relations internationales, rapports avec la presse, machinations et négociations sous la table amorcent autant d’intrigues potentiellement intéressantes, mais souvent résolues de manière expéditive quand elles ne sont pas laissées sans réelle conclusion narrative. Jusqu’au dénouement de la saison (et de la série), précipité et incohérent. House of cards méritait mieux. Claire Underwood méritait mieux.
Ainsi s’effondre le château de cartes, au terme d’une route sinueuse et parfois chaotique. Restent de House of Cards deux premières saisons excellentes et une poignée de scènes marquantes – comme celle où Francis frappe du poing sur le bureau présidentiel après avoir triomphé de ses adversaires. Et une impression dérangeante de préfiguration : cynique, brutal et pernicieux sous la présidence Obama, Frank Underwood n’apparaît peut-être plus aussi subversif aujourd’hui, au regard de l’actuel locataire de la Maison Blanche…
House of cards (Netflix)
Saison 6 – 8 épisodes de 55′ environ.