La série dérivée de Penny Dreadful s’enracine dans le folklore mexicain, avec en toile de fond le contexte socio-politique des États-Unis à la fin des années 1930.
C’est quoi, Penny Dreadful : City of angels ? Los Angeles, 1938. Tiago Vega (Daniel Zovatto) est le premier chicano a rejoindre la police de Los Angeles en tant qu’inspecteur. Avec son partenaire Lewis Micherner (Nathan Lane), il est appelé sur sa première scène de crime : les corps de jeunes blancs ont été découverts dans une mise en scène macabre évoquant le folklore mexicain. Pendant ce temps, son frère Raul (Adam Rodriguez) tente d’empêcher la construction d’une autoroute en plein quartier latino et Peter Craft (Rory Kinnear), un médecin d’origine allemande, milite au sein d’une association de nazis américains. Derrière tous ces événements se cachent la sombre et mystérieuse Magda (Natalie Dormer) et sa sœur, la Santa Muerte (Lorenza Izzo).
C’est en 2014 que débutait sur nos écrans Penny Dreadful, série d’horreur gothique créée par John Logan. Dans la Londres victorienne, les destins de personnages inédits (dont l’envoûtante Vanessa Ives, jouée par la sublime Eva Green) et de héros de la littérature (Frankenstein ou Dorian Gray) se croisaient sur fond de malédictions, vampires, exorcismes, spiritisme et démons. Aujourd’hui, Penny Dreadful revient sous une autre forme (en France sur Canal Plus en US+24), une déclinaison sous-titrée City of angels dans laquelle John Logan troque le brouillard londonien du XIXème siècle contre le soleil de Los Angeles en 1938, et la terreur gothique traditionnelle contre le folklore mexicain.
Le pilote de City of Angels est riche de plusieurs intrigues qui convergent de manière convaincante. Tiago Vega, jeune inspecteur chicano, est appelé à enquêter sur un meurtre macabre reprenant des éléments du folklore mexicain ; son frère Raul milite contre une décision du conseil municipal concernant la destruction des maisons du quartier latino pour y construire une autoroute ; enfin, nous faisons la connaissance du docteur Peter Craft, médecin d’origine allemande et leader d’un groupuscule nazi.
Dans une ambiance vintage des années 1930, ces intrigues qui pourraient ne rien avoir de surnaturel lorgnent du côté du polar noir social tel qu’aurait pu l’écrire James Ellroy, avec la présence des nazis sur le sol américain, le racisme et l’antisémitisme, les conséquences du développement du tissu urbain sur les communautés immigrées, la corruption financière et idéologique des élites. On sait que le contexte de la fin des années 1930 intéresse les auteurs de fiction car il se prête à des parallèles effrayants avec notre époque. Dans les séries récentes, Watchmen, The Terror: Infamy ou The plot against America ont évoqué la montée du fascisme aux États-Unis, le racisme et la violence urbaine pour évoquer en creux la situation actuelle, et c’est aussi ce que fait Penny Dreadful: City of Angels.
Mais l’aspect paranormal et spirituel est évidemment essentiel, et il s’intègre parfaitement à l’ensemble sur le plan narratif. D’une part, on devine que l’intrigue criminelle va prendre une direction différente à mesure que Vega devra concilier les croyances de sa culture et la rationalité du monde dans lequel il souhaite s’intégrer. D’autre part, tous les éléments apparemment déconnectés les uns des autres vont se heurter de plein fouet et engendrer un engrenage fatal car en réalité, tous les personnages sont des pions au mains du personnage-clé de City of Angels : Magda.
Jouée par Natalie Dormer, Magda prend différentes apparences féminines pour pousser les protagonistes vers leur côté le plus obscur – conseillère d’un élu de Los Angeles dont elle entretient l’orgueil et les accointances nazis ou mère d’un jeune patient du docteur Craft. Qu’elle interprète une créature surnaturelle en cuir noir ou une secrétaire en tailleur strict, l’actrice est excellente : elle apporte un côté malicieusement pervers à ses avatars et une gravité solennelle à son entité première (que seul le spectateur peut voir.) Le contexte social devient alors essentiel puisqu’il permet à Madga d’agir au mieux de ses projets : manipuler les hommes, jouer sur leurs peurs et leurs émotions, les pousser à commettre le pire, les précipiter dans un destin inéluctable. Et réaliser une prophétie qui parle clairement de la Seconde Guerre mondiale et qui nous promet des torrents de sang et de larmes.
Ce qui semble se dessiner, c’est peut-être bien une lutte entre les deux sœurs : aux cotés d’une Magda toute vêtue de noir apparaît la Santa Muerte sous un voile blanc immaculé. Sorte d’ange de la mort en charge de l’âme des défunts, elle est clairement inspirée de la Vierge de la Macarena (de l’aveu même du réalisateur espagnol Paco Cabezas) et ses desseins ne sont pas clairs…
Les deux sœurs sont en outre au cœur des scènes d’ouverture et de fermeture de ce pilote, des séquences fantastiques dans tous les sens du terme : surnaturelles dans le propos, éblouissantes dans leur mise en scène, spectaculaires et lyriques avec l’utilisation du ralenti et de la musique. Ce sont peut-être les deux scènes les plus sublimes qu’on ait vues depuis longtemps, et la démonstration claire de ce que City of Angels est capable d’offrir. Soit un récit qui s’éloigne radicalement de la série d’origine mais néanmoins susceptible d’assouvir notre soif de macabre et d’horreur esthétique.
Dans Penny Dreadful: City of Angels, pas de personnages littéraires comme Victor Frankenstein ou Dorian Gray, pas d’ambiance gothique victorienne, pas de Vanessa Ives. Et c’est tant mieux, car la série offre une galerie de personnages originaux bien qu’encore à étoffer, une mythologie graphique et riche puisée dans le folklore mexicain, et une Natalie Dormer qui semble avoir l’étoffe pour incarner une figure aussi sombre et perverse que celle de Magda. Et en prenant pour cadre le contexte de tensions raciales et politiques de l’époque, City of Angels semble s’attacher à un autre type de monstres, bien plus terrifiants que les démons et les vampires : les humains, dans ce qu’ils peuvent avoir de pire…