Sur Netflix, Maid dessine le portrait émouvant d’une jeune mère qui tente d’échapper au cercle vicieux de la violence et de la pauvreté.
C’est quoi, Maid ? Alex (Margaret Qualley), une jeune femme de 25 ans, part en pleine nuit avec sa fille Maddie : elle quitte la maison qu’elle occupe avec son compagnon Sean (Nick Robinson), un homme alcoolique, car elle craint pour leur sécurité. Sans argent, sans point de chute, elle ne peut compter sur personne– même pas sur sa mère (Andie MacDowell), une artiste hippie instable atteinte de troubles bipolaires. Alex essaie donc de se débrouiller seule. Si elle décroche un travail précaire de femme de ménage, ce n’est pas suffisant pour subvenir à ses besoins et surtout à ceux de Maddie, et elle découvre que les services sociaux sont incapables de l’aider. La situation s’aggrave lorsque Sean l’attaque en justice pour obtenir la garde de leur fille…
Dans la première scène, Alex quitte au milieu de la nuit le lit qu’elle partage avec son partenaire Sean. Elle attrape un sac à dos, son manteau, emmène sa fille âgée de deux ans et part. Nous ne savons pas où elle va et elle non plus, d’ailleurs. Elle n’a pas de projet, pas de point de chute, personne pour la soutenir et seulement 18 dollars en poche. Après une nuit passée à dormir dans sa voiture, elle se tourne vers les services sociaux pour trouver un toit mais elle s’enferre dans une bureaucratie labyrinthique et paradoxale où il faut avoir un travail pour avoir un logement, et un logement pour avoir un travail. Avec le peu d’argent qu’elle gagne lorsqu’elle obtient un emploi de femme de ménage, Alex peine à subvenir aux besoins basiques de sa fille.
Tirée des mémoires de Stephanie Land, Maid trace en dix épisodes un portrait touchant et réaliste : celui d’une mère isolée qui doit gagner sa vie et s’occuper de sa fille dans des conditions socio-économiques précaires doublées d’un environnement toxique. Une mini-série coproduite par l’actrice Margot Robbie (la Harley Quinn de Birds of prey) et adaptée par Molly Smith Metzler et le réalisateur John Wells. Le duo a déjà œuvré ensemble sur Shameless et ce n’est pas anecdotique puisque, même si le ton était radicalement différent, les Gallagher faisaient partie des marginaux et des exclus d’un rêve américain si souvent vanté. Un rêve qui apparaît dans ces deux séries comme une chimère : il ne suffit pas d’être déterminé pour le réaliser, surtout lorsqu’on doit sortir d’une situation de pauvreté économique, sociale et affective.
Présentée ainsi, Maid semble extrêmement sombre et triste. Or, ce n’est pas tout à fait le cas. L’histoire est évidemment très dure, mais le ton empreint d’une bonne dose d’humour la rend un peu plus légère. La série utilise entre autres des procédés qui permettent de mettre le drama à distance en nous plongeant dans la tête de son héroïne à des moments incongrus : on voit à l’écran s’inscrire la maigre somme contenue dans son porte-monnaie alors qu’elle fond au fur et à mesure des achats indispensables, on plonge dans ses rêves lorsqu’elle nettoie une propriété cossue, on entend « juridique juridique juridique » lorsqu’elle est perdue devant les discours tenus par les avocats, on partage ses fantasmes vis-à-vis d’un ami qui pourrait être un peu plus.
Maid échappe ainsi au pathos, et c’est tant mieux car sur le fond elle nous raconte l’histoire d’une jeune femme qui tente de survivre à la maltraitance (notamment psychologique, celle qui ne laisse pas de marques visibles sur la peau), aux traumatismes du passé dont elle prend conscience dans des flash-back, aux incuries du système, à l’isolement social. Alex est empêtrée dans la violence, la pauvreté, les rouages de l’administration ; ses difficultés sont déterminées par les conditions socio-économiques du foyer dans lequel elle a grandi entre une mère bipolaire et un père alcoolique et violent. Un cycle de traumatisme intergénérationnel qu’elle a reproduit, vingt ans plus tard, avec le père de sa fille. Et ce, même s’il est à noter que Sean est un salaud violent et abusif, le personnage est suffisamment travaillée pour qu’on comprenne jusqu’à un certain tournant, l’ambiguïté d’Alex à son égard.
Dans le rôle principal, Margaret Qualley livre une performance extrêmement émouvante. L’actrice nous guide à travers les émotions de l’héroïne – joie, tristesse, peur, tendresse – avec simplicité et naturel. Avec ses grands yeux, elle nous captive dès la première scène et porte le poids de toute la série comme Alex porte sa fille dans ses bras – et quand Alex est avec Maddie, c’est un amour inconditionnel qui irradie à l’écran. Signalons aussi une surprenante Andie MacDowell dans le rôle de Paula, la mère d’Alex – et l’actrice est du reste la mère de Margaret Qualley.
Maid montre aussi comment une suite de circonstances peut faire basculer les plus fragiles dans la pauvreté. Le système patine et n’offre pas toujours un filet de sécurité, les obstacles s’accumulent et le désespoir augmente, le moindre imprévu peut avoir des conséquences dramatiques. Alex s’en sortira parce que c’est une battante… mais aussi parce qu’elle va pouvoir s’appuyer sur un réseau de soutien. C’est grâce à l’aide de bénévoles, d’amis croisés en chemin que la jeune femme a l’espoir de sortir de la spirale de la misère dans toutes ces dimensions. Parce que la pauvreté économique est encore plus insurmontable quand elle s’accompagne d’un isolement social et affectif.
Maid, c’est le parcours du combattant d’une femme victime de violences conjugale, familiale, économique, administrative et psychologique. C’est aussi histoire d’amour, celle d’une mère qui ferait n’importe quoi pour son enfant. Et c’est une histoire puissante de résilience, celle d’une femme déterminée qui va de l’avant, qui garde la tête haute et se relève après chaque chute. On souffre avec Alex mais on comprend vite qu’elle est assez forte pour s’en sortir. Qu’en est-il des autres, déclassés et exclus de la société ?
Maid
10 épisodes de 55′ environ.
Disponible sur Netflix.