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On débriefe pour vous… Mrs. America, l’histoire vraie d’une femme contre le féminisme

Cate Blanchett incarne la leader du mouvement anti-féministe des années 70 dans Mrs. America, dans cette histoire basée sur des événements réels.

C’est quoi, Mrs America ? Dans les années 1970, les mouvements féministes tentent de faire adopter par le Congrès américain l’Equal Rights Amendment (ERA) , un amendement à la constitution portant sur  l’égalité des droits entre les sexes.  Betty Friedan (Tracey Ullman), Gloria Steinem (Rose Byrne), Bella Azbug (Margo Martindale) et Shirley Chisholm (Udo Azuba) sont les fers de lance de ce combat. Alors que la ratification semble acquise, Phyllis Schlafly (Cate Blanchett) prend la tête de l’opposition. Soutenue par son mari Fred (John Slattery), cette mère au foyer ultra-conservatrice va s’efforcer de faire obstacle à cet amendement en lançant un mouvement pro-famille, anti-avortement et anti-féminisme. 

Créée par Dahvi Waller (Mad Men, Halt and Catch Fire), Mrs America raconte une histoire vraie et nous plonge au cœur des années 1970 aux États-Unis, en plein débat sur la ratification d’un amendement à la constitution portant sur l’égalité des droits entre hommes et femmes.  Le casting a déjà de quoi allécher, avec des noms tels que Rosie Byrne , Sarah Paulson, Margo Martindale, Jane Triplehorn, James Marsden ou John Slattery. Mais c’est avant tout Cate Blanchett qui porte la série, en incarnant magnifiquement Phyllis Schlafly. Car pour retracer cette étape fondamentale dans l’Histoire du féminisme américain, la série a choisi de se focaliser non pas (du moins, pas uniquement) sur celles qui ont porté ce combat ; au contraire, elle se centre en grande partie sur le parcours de leur opposante principale.

La meilleure manière de présenter Phyllis Schlafy, l’héroïne (ou anti-héroïne) de Mrs America, c’est peut-être de la comparer à Serena Waterford de The Handmaid’s Tale. Phyllis Schlafly était une femme au foyer mère de deux enfants, avocate constitutionnaliste, journaliste, écrivaine et femme politique, et surtout activiste républicaine. Ses prises de position sociales et politiques étaient fermement conservatrices, elle se qualifiait elle-même de « anti-féministe » et elle a mené de nombreuses campagnes contre le communisme,  l’homosexualité ou l’avortement. Dans les années 1970, elle a pris la tête de la campagne contre la ratification de l’ERA , face aux mouvements qui se battaient bec et ongles pour le faire adopter. 

Cate Blanchett incarne Phyllis Schlafly, militante anti-féministe

Cette femme brillante, qui sera diplômée (entre autres) de l’université de Harvard et de l’Université de doit de Washington,  n’est pourtant jamais totalement prise au sérieux. Elle est sans cesse en butte au mansplainning, lorsque des hommes moins informés ou moins qualifiés qu’elle lui indiquent quoi dire ou comment se comporter : un présentateur télé lui suggère de sourire à la caméra alors qu’elle est invitée à parler des armes nucléaires ; conviée à une réunion où elle est apparemment celle qui maîtrise le mieux le sujet, elle est cantonnée au rôle de secrétaire. 

Mais on l’a dit : Phyllis est intelligente. Non seulement elle s’accommode du sexisme auquel elle est confrontée, mais elle en fait même une force. Elle comprend que, non pas malgré les circonstances mais justement pour cette raison, elle a devant elle un espace dans lequel se faufiler pour faire entendre sa voix. Pour briser le plafond de verre. L’ironie de l’histoire, c’est qu’elle le fait en s’opposant aux mouvements féministes : en luttant contre le mouvement de libération des femmes, elle trouve l’occasion de s’exprimer et d’acquérir une importance politique. 

Sous son égide va se former un mouvement réunissant des femmes au foyer de la classe moyenne supérieure, qui s’organisent et font campagne. Elles se rendent au Congrès et font un travail de lobbying auprès des élus… en distribuant du pain et de la confiture maison, ou se rassemblent sous des banderoles portant le message «Mon mari m’a donné la permission de protester».  Elles suivent Phyllis, défenseure de la famille traditionnelle américaine et gardienne de la morale, dont l’action donnera naissance à la « majorité morale », une organisation politique chrétienne ultra-conservatrice qui bouleversera la société américaine. 

Face à Schlafly, les féministes ont combat difficile à mener

C’est une femme aux prises de position qui ont de quoi donner de l’urticaire à certain.e.s., mais dont on ne peut qu’admirer la détermination, l’intelligence et le charisme. Le premier épisode est intitulé Phyllis, et celle-ci occupe indéniablement une place centrale dans la série ; la force de Mrs America est de s’emparer de cette femme pour en faire – à juste titre – l’héroïne de sa propre histoire. Se faisant, la série donne non seulement de l’épaisseur à son personnage, mais elle évite aussi de tomber dans une diabolisation de cette figure majeure de la scène politique de l’époque aux États-Unis.

Mrs America donne aussi la parole à ses opposantes, qui prêtent leurs prénoms respectifs aux titres des épisodes suivants. A travers elles, on plonge au cœur de ce mouvement de libération des femmes, entre idéalisme et pragmatisme, mais dont on découvre aussi les excès et les divergences d’opinion. Les militantes se divisent, en raison du fossé générationnel mais aussi des questions raciales et des débats sur les droits des homosexuel.le.s. Faut-il inclure ces combats dans celui pour l’égalité des sexes ? Se concentrer sur les droits des femmes ?  Des questions qui divisaient les mouvements féministes à l’époque, et qui continuent de susciter bien des polémiques et des débats aujourd’hui. 

En neuf épisodes, Mrs America explore les luttes de pouvoir, les rivalités, la guerre socio-culturelle que se sont livrée féministes et ultra-conservatrices dans les années 1970, à l’occasion du vote de l’ERA. Elle le fait à travers toutes celles qui ont joué un rôle important – tant les militantes qui l’ont défendu que celles qui se sont battues contre. En montrant les luttes de pouvoir, les débats, l’instrumentalisation des médias et du public,  mais aussi les tensions et divergences d’opinion internes,  la série éclaire le contexte socio-politique de l’époque et agit aussi comme un miroir des controverses actuelles qui agitent la sphère féministe. Mrs America est donc une mini-série très politique, aussi passionnante que stimulante, qui mérite largement d’être vue. 

Mrs America (Hulu)
9 épisodes de 40′ environ.
Disponible en France sur MyCanal.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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