Narcos : Mexico continue de raconter les rivalités entre narcotrafiquants et la guerre sans merci que leur livre la DEA dans une deuxième saison prenante.
C’est quoi, Narcos : Mexico (Saison 2) ? Après le meurtre brutal de Kiki Camarena (Michael Peña), son collègue et ami Walt Breslin (Scoot McNairy) prend la tête d’une cellule clandestine afin de le venger. En traquant tous ceux qui ont pris part à son assassinat, les agents de la DEA se rapprochent inexorablement du principal responsable : Miguel Angel Felix Gallardo (Diego Luna). Chef de la fédération des cartels, celui-ci est désormais l’homme fort du narcotrafic. Mais son ambition dévorante et sa soif de pouvoir menacent la coalition et entraînent des tensions grandissantes entre les plazas…
Après la Colombie, Narcos a mis le cap au Nord l’année dernière avec Narcos : Mexico pour raconter comment le Mexique est devenu une plaque tournante du narcotrafic. Un choix qui supposait de rester fidèle à l’esprit de la série d’origine tout en s’en éloignant pour se focaliser sur un nouveau contexte, de nouveaux personnages et de nouvelles intrigues – et sans la figure emblématique de Pablo Escobar. Ayant surmonté ces difficultés lors de la première saison, la série poursuit son récit avec dix nouveaux épisodes souvent spectaculaires, denses et haletants malgré quelques faiblesses.
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Ce qui frappe cette saison, c’est la multiplicité des intrigues qui ne cessent de se croiser et d’interférer. D’un côté, grâce à l’opération clandestine et controversée baptisée Leyenda, les États-Unis tentent de localiser les responsables du meurtre de Camarena. Menée par Breslin (qui fait toujours office de narrateur), cette mission montre des agents de la DEA avides de vengeance plutôt que de justice, qui ont recours à des méthodes brutales et douteuses (dont la torture) au point qu’ils se distinguent à peine des criminels qu’ils traquent.
Pendant ce temps, Gallardo veut étendre son empire de la drogue grâce à de nouveaux partenariats. Avide du respect et de la reconnaissance que l’argent lui procure, il se tourne vers de nouveaux associés qui ne sont pas forcément fiables. En outre, en exerçant un pouvoir sans partage à la tête de la fédération, il s’attire l’hostilité des différentes plazas. Progressivement, ses associés de Juarez, Sinaloa ou Tijuana caressent l’idée de s’affranchir de son autorité et de dominer les autres en s’associant directement aux Colombiens ; l’instabilité s’installe au gré des trahisons, retournements d’alliance, rivalités et inimitiés personnelles.
Cette saison est extrêmement prenante, bien qu’il ne soit pas toujours évident de s’y retrouver tant les intrigues sont nombreuses. Certaines sont palpitantes (celle dédiée à Pablo Acosta – interprété par Gerardo Taracena – chef de la Plaza de Juarez), d’autres plus décousues (la rivalité entre El Chapo et la famille Arellano Félix) mais toutes ont l’avantage de mettre en scène des personnages tristement célèbres et / ou charismatiques qui retiennent l’attention. Nous en connaissons déjà plusieurs, nous en rencontrons certains, nous en avons entraperçus quelques-uns dans la saison précédente… et nous savons que (si la série est renouvelée) nous en reverrons la plupart.
L’aspect le plus réussi reste le récit consacré à Félix Gallardo. Interprété par un fantastique Diego Luna, Gallardo est la clé de l’histoire puisque ce sont ses actions qui provoquent les réactions des autres personnages et que toutes les intrigues finissent par avoir un impact sur lui et réciproquement. Sans jamais le présenter sous un aspect positif ni sympathique, Narcos : Mexico parvient pourtant à l’humaniser, à en faire un être de chair et de sang en revenant brièvement sur son passé, en le plaçant au centre de dilemmes personnels, en montrant ce qui motive l’ambition et la cruauté de cet homme seul au pouvoir et dont l’orgueil va précipiter la chute.
A contrario, l’agent Breslin fait à bien des égards figure de maillon faible dans cette nouvelle saison. Le talent de Scoot McNairy, qui joue avec conviction et autant de subtilité que possible ce rôle essentiel, n’est aucunement en cause ; le problème vient du personnage en lui-même. Son caractère, ses motivations, ses scrupules empruntent aux clichés du genre, et il paraît beaucoup plus basique que ne l’étaient Steve Murphy (Boyd Holbrook) puis Javier Peña (Pedro Pascal) dans Narcos, ou Kiki Camarena dans la première saison de Narcos : Mexico. Ce n »est peut-être pas un hasard si, contrairement à ses prédécesseurs, Breslin est un personnage entièrement fictionnel.
Il y a toutefois un aspect saisissant, dans ces épisodes. La série assume totalement ce mélange entre fiction et fidélité aux faits et, sur ce plan, elle fustige volontiers la complaisance et la corruption des autorités et de la police locale. Or cette fois, lorsque Gallardo use de son influence pour truquer les élections présidentielles de 1988, la critique ne touche pas seulement au passé. Elle frappe directement et violemment le PRI – parti de l’ex-président Nieto, qui fait actuellement l’objet d’une enquête pour corruption et a été mis en cause dans le procès de El Chapo. A mesure que l’on tend vers la contemporanéité entre le temps du récit et la situation actuelle, Narcos : Mexico prend ainsi une autre dimension, plus politique. Et même perturbante, pour quiconque s’intéresse à l’actualité du Mexique, encore et toujours affligé par les mêmes maux.
Avec cette deuxième saison, Narcos: Mexico tourne une page en scellant le sort de Félix Gallardo. Heureusement pour la série et malheureusement pour le Mexique, nous savons que la lutte contre le narcotrafic et la guerre sanglante entre cartels sont loin d’être terminées. On ignore encore si elles se poursuivront sur Netflix ; dans ce cas, il semble que la voie soit libre pour Amado Carrillo Fuentes, alias El Señor de los cielos, leader du redoutable cartel de Juarez.