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On débriefe pour vous … Pose (FX), saison 1 – émouvante et flamboyante

Pose est sans conteste l’un des joyaux de cette saison estivale : un hommage bouleversant à la communauté LGBT, doublé d’un message universel.

C’est quoi, Pose ? New York, 1987. La nuit venue, c’est toute une culture alternative qui s’exprime dans des clubs où, réunis en « maisons », des participants costumés s’affrontent dans des compétitions – les balls. Parmi eux, Elektra (Dominique Jackson) dirige d’une main de fer la maison Abundance. Lorsque Blanca (MJ Rodriguez) décide d’en partir pour fonder sa propre maison, la rivalité éclate entre les deux femmes. Sous le regard des protégés de Blanca, Damon (Ryan Jamaal Swain) et Angel (Indya Moore), et de Pray (Billy Porter) qui anime les compétitions, chacune est déterminée à s’imposer sur la scène du Ballroom. A l’extérieur de ce microcosme, tous doivent affronter les préjugés et la discrimination, tandis que le virus du Sida fait des ravages.

Créée par Steven Canals (qui a inspiré certains personnages de la série) associé aux prolifiques Brad Falchuk et Ryan Murphy, Pose vient d’être renouvelée pour une deuxième saison. On ne peut que s’en réjouir : série courageuse et nécessaire, elle donne la parole à une communauté longtemps ignorée et ostracisée. Et c’est aussi une série magistrale et maîtrisée : si ce n’est pas toujours le cas des autres fictions imaginées par le duo, ce sont des histoires passionnantes, des portraits émouvants et des messages puissants mais subtils qui s’entremêlent ici.

Dès son pilote de 80 minutes, Pose nous fait entrer dans un pan de la culture LGBT new-yorkaise des années 1980 –  celui de la ball culture – et présente une galerie de personnages spectaculaires. Dans une des premières scènes, digne de Baz Luhrmann, un petit groupe s’introduit de nuit dans un musée, pour y dérober une collection de vêtements royaux et participer à un concours de danse – de vogueing, plus précisément. Ambiance électrique, spots braqués sur nos protagonistes, tenues somptueuses, glamour et paillettes, poses affectées, musique tonitruante, ovations d’un public aiguillonné par un animateur hystérique… C’est toute  l’atmosphère enfiévrée de ces Balls, que l’on retrouve tout au long de la saison dans des scènes similaires et magnifiques introduites par l’exorde exaltée de Pray : The category is…

Strike a pose

 

Mais derrière l’éclat outrancier de cet univers, la série s’attache aussi et surtout à ses personnages, en majorité des afro-américains appartenant à la communauté LGBT. La sublime Elektra est la mère autoritaire de la Maison d’Abundance : homme dans un corps de femme, elle est prête à accomplir sa transformation définitive malgré les réticences de son amant. En conflit avec elle, sa protégée Blanca (exceptionnelle Mj Rodriguez) apprend qu’elle est atteinte du VIH et prend conscience de son besoin d’accomplissement personnel ; elle fonde la maison Evangelista, endossant à son tour le rôle de mentor pour des jeunes gens en rupture. Elle accueille ainsi Damon, jeune danseur gay chassé du domicile familial qu’elle introduit dans l’univers des Ballrooms, et l’évanescente Angel, travesti qui se prostitue pour vivre. Lors de ses passes, celle-ci fait la connaissance de Stan, un homme d’affaires marié attiré par les transgenres, avec qui elle va vivre une passion contrariée.

The house of Evangelista : Angel, Damon et leur « mère », Blanca

 

En arrière-plan, Pose intègre progressivement les éléments sociaux de l’époque en illustrant le rejet dont son victimes les homosexuels  mais aussi les transgenres (ce qui, du reste, est encore le cas aujourd’hui). Dans le deuxième épisode, par exemple, Blanca prend des airs de Rosa Parks lorsque, dans un bar qui lui refuse l’entrée, elle se bat pour y avoir sa place.  Deux épisodes plus tard, on découvre des centres esthétiques illégaux, où un personnage, humilié en raison du manque de féminité de son corps, subit une intervention dangereuse en dehors de tout contrôle sanitaire. De son côté, Stan joue les mâles alpha virils et hétérosexuels, reniant ses sentiments par crainte du jugement de son épouse (Kate Mara) et de son supérieur hiérarchique (James Van Der Beek en ersatz de Donald Trump.) Quant à Elektra, elle met en lumière toutes les difficultés – physiques, financières et surtout psychologiques – qui jalonnent le chemin vers un changement de sexe définitif.

Derrière les paillettes, la tragédie du SIDA

 

Évidemment, Pose aborde aussi avec délicatesse le thème du Sida, quand l’épidémie se déclenche, en particulier au sein de la communauté gay qu’elle semble frapper comme un châtiment divin. Blanca garde le secret sur une maladie qu’elle vit comme une épée de Damoclès, et le choc du diagnostic la pousse à réaliser quelque chose pour laisser une empreinte, trouver un sens à sa vie. Pray Tell (Billy Porter est génial) vit le drame différemment, dans sa chair et dans son cœur, avec la perte dévastatrice de l’homme qu’il aime. Magnifique épisode, Love is the message est à la fois un cri de détresse et d’espoir, qui montre comment le groupe dévasté par le fléau du VIH parvient à se relever, pour continuer à vivre en célébrant ceux qui ont succombé.

Si Pose marque un tournant dans la représentation des LGBT, c’est d’abord par son casting, qui compte pléthore d’actrices transgenres (dont c’est souvent la première expérience à l’écran) ; mais c’est aussi  parce que sans jamais occulter l’identité ou l’orientation sexuelles de ses héros, elle ne les y enferme jamais. Ce sont des personnages universels, et leurs fragilités, leurs sentiments et leur combat sont ceux de tous. Dans une Amérique prospère et cynique où un Trump encore homme d’affaires fait figure de modèle de réussite, ces marginaux magnifiques sont des outsiders ;  gays et afro-américains militant pour leurs droits, le mouvement qu’ils lancent fait progresser l’ensemble de la société sur le chemin de l’humanisme et de l’affectif. Love, indeed, is the message.

En huit petits épisodes, Ryan Murphy rend un sublime hommage à la communauté LGBT new-yorkaise des années 1980, à ceux qui ont lutté en créant leur propre monde, en marge d’une société hostile. Brillante, émouvante, subtile, outrancière, drôle, mélancolique, optimiste : Pose respire l’amour et la sincérité.  Avec son esthétique incroyable et ses personnages dont il est impossible de ne pas tomber amoureux, Pose a trouvé sa catégorie : celle des chefs d’œuvre. Et ça vaut bien un 10/10.

Pose (FX)
8 épisodes

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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