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Schitt’s Creek, la comédie sacrée aux Emmy Awards

Schitt’s Creek a tout raflé lors des derniers Emmy Awards : une consécration méritée pour une comédie méconnue.

C’est quoi, Schitt’s Creek ? Johnny et Moira Rose (Eugene Levy, Catherine O’Hara) ont fait fortune dans la location de vidéos cassettes. Aujourd’hui, ils sont ruinés : le gouvernement a saisi leur manoir et tout ce qu’ils possèdent. La seule chose qui leur reste, c’est Schitt’s Creek, une petite ville paumée où ils emménagent avec leurs enfants David (Dan Levy) et Alexis (Annie Murphy). Installés dans un motel vétuste, les membres de la famille vont devoir s’adapter à cette nouvelle vie, loin de l’opulence et du statut social auxquels ils sont habitués et aux côtés des habitants qu’ils considèrent comme des ploucs idiots.

Schitt’s Creek, c’est une histoire de famille, à l’écran et en coulisses : père et fils à la ville comme dans la série, Eugene Levy (M. Levenstein dans American Pie) et Dan Levy l’ont imaginée ensemble. Passée inaperçue pendant longtemps, voilà que Schitt’s Creek accède à la consécration, quelques mois après la diffusion de l’ultime saison : c’est même un record historique, la petite série canadienne ayant reçu neuf Emmy Awards en réalisant le grand chelem dans la catégorie des comédies. 

L’histoire de famille à l’écran, c’est celle des Rose. Le père, Johnny, est un magnat de la finance qui a fait fortune dans la location de cassettes vidéo. Sa femme Moira, ancienne star de soap opera, joue les dames de la haute société corsetée dans des tailleurs Chanel. Les deux enfants sont de jeunes adultes immatures et pourris-gâtés : David est un hypocondriaque pansexuel snobinard, et Alexis, jolie blonde frivole et idiote, a un don inné pour jeter l’argent de la famille par les fenêtres.

Faillite et nouvelle vie pour la famille Rose

Mais voilà : leur conseiller financier les a arnaqués et a « oublié » de payer leurs impôts. Ruinés du jour au lendemain, les Rose voient leur somptueuse demeure et tous leurs biens saisis. La seule solution qui s’offre à eux consiste à déménager dans l’unique propriété que leur laisse le fisc, parce qu’elle ne vaut rien : Schitt’s Creek. Une petite localité rurale et isolée que Johnny a offerte à son fils en manière de plaisanterie, en raison de la malheureuse homonymie du lieu avec le mot Shit. Les membres de la famille quittent le manoir de Toronto où ils ne se croisaient pratiquement jamais pour s’installer dans deux chambres contiguës dans un motel, au cœur de ce trou perdu au milieu des marécages. Inutile de dire que la transition s’annonce rude. 

Le point de départ n’est pas particulièrement original, la télévision regorgeant de comédies avec des personnages placés dans un environnement qui leur est étranger. Ici, les riches citadins atterrissent dans la cambrousse, très loin du style de vie et du cercle mondain auxquels ils sont habitués. C’est le premier ressort de la série, comme le montre cette scène où la famille entre pour la première fois dans l’unique restaurant local. 

La première saison est certes très sympathique, mais elle fait office d’échauffement ; il faut attendre un peu  pour que la série trouve son ton et son rythme. Dans un premier temps, les Rose sont incapables de s’adapter à leur nouvelle situation : ils se disputent les uns avec les autres et snobent ouvertement les autochtones, qu’ils perçoivent comme des ploucs mal dégrossis. C’est paradoxalement lorsque la famille accepte son sort et cesse de vouloir quitter Schitt’s Creek que la série prend son essor ; les Rose commencent à s’intégrer dans cet endroit qui représente tout ce qu’ils méprisaient et ils changent au contact des habitants. Le maire Roland Schitt et son épouse Jocelyn (Chris Elliott et Jennifer Robertson), Stevie (Emily Hampshire) qui gère le motel et va se lier d’amitié avec David, ou la serveuse Twyla (jouée par Sarah Levy, fille de Eugene et soeur de Dan) font partie des membres hauts en couleur de cette communauté, qui n’est pas sans rappeler celle de Stars Hollow (Gilmore Girls) par exemple. 

Si tous les acteurs sont remarquables,  il faut dire qu’ils sont servis par des scenarii et des personnages extrêmement bien écrits, plus fins que ce qu’on pouvait supposer . David, par exemple, est ouvertement pansexuel mais ce n’est pas un expédient comique : ce n’est que l’une de ses caractéristiques et ses relations sont traitées de la même manière que celles de sa sœur Alexis. Au départ, celle-ci est la caricature de la blonde superficielle et stupide, mais elle évolue de manière crédible sans pour autant perdre les grandes lignes de sa personnalité. Quant aux parents, ils sont simplement hallucinants : ce couple incroyable doit beaucoup aux performances hilarantes de Levy et surtout de O’Hara, magnifiquement folle dans le rôle de l’inénarrable matriarche du clan. 

Du manoir au motel, changement de décor radical

Schitt’s Creek reste une comédie au sens classique du terme. Elle ne fait certainement rien de neuf, mais elle le fait admirablement bien. Les répliques hilarantes fusent, les situations rocambolesques s’enchaînent, les personnages interagissent de manière formidable, les aspects les plus ridicules sont contrebalancés par un léger cynisme, l’opposition entre  les classes sociales (les Rose d’un côté, les habitants de Schitt’s Creek de l’autre) est construite de telle façon que la série ne ridiculise jamais ses personnages mais les traite au contraire avec empathie. De sorte que les épisodes de 22 minutes filent sans qu’on s’en aperçoive. Reste un problème, et non des moindres : Schitt’s Creek n’est pas diffusée en France. Du moins, pas encore ; après la cérémonie des Emmy Awards, on se prend à espérer…

Avec ses excellents acteurs, ses répliques souvent irrésistibles et sa succession de gags, Schitt’s Creek est une comédie classique, simple et efficace. Mais avouons-le, c’est une série dont bon nombre d’entre nous ignoraient jusqu’à l’existence ! La multitude de prix reçus lors des derniers Emmy Awards a changé la donne. Même si Schitt’s Creek s’est achevée il y a plusieurs mois, au terme de la sixième saison, il est encore temps de  découvrir cette petite série sans prétention, restée dans l’ombre pendant des années.

Schitt’s Creek (Pop TV)
6 saisons – épisodes de 22′ environ.
Inédite en France.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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