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On débriefe pour vous … Succession saison 1 (HBO / OCS)

Plus complexe et plus riche que le drama familial auquel on peut être tenté de la résumer, Succession est une des bonnes surprises de cet été.

C’est quoi, Succession ?  Magnat de la presse, Logan Roy (Brian Cox) règne sur son empire médiatique et exerce sur ses quatre enfants une autorité de fer. A 80 ans, il s’apprête toutefois à prendre sa retraite, et son fils Kendall (Jeremy Strong) se prépare à prendre la relève. Mais Logan ne lui fait pas confiance. Le soir de son anniversaire, le patriarche réunit sa famille et annonce, à la surprise générale, qu’il a décidé de rester à la tête de l’entreprise. Cette décision bouleverse ses enfants et en particulier Kendall, qui n’accepte pas d’être écarté et entend bien prendre le contrôle du conglomérat.

Diffusé sur HBO en juin dernier, le premier épisode de Succession ne nous avait guère enthousiasmé. Malgré certaines réserves, nous étions toutefois prêts à laisser sa chance à la série créée par le britannique Jesse Armstrong – et nous avions raison. Car il y a un malentendu autour de cette série : présentée comme un drama où la lutte pour la succession du patriarche cristallise les tensions familiales, elle est beaucoup plus riche que ça et se dévoile au fil des épisodes.


A lire aussi : On a vu pour vous … le premier épisode de Succession, le nouveau drama familial de HBO


Réductrice, la définition n’est pas pour autant mensongère : Succession est bien une série dramatique centrée sur une famille. Et quelle famille !  Les Roy, ce sont à la fois les Ewing et les Lannister de Manhattan. Une famille dysfonctionnelle au possible, dont la dynamique est déjà suggérée par le générique, qui juxtapose vieux film de famille et images actuelles sur fond de musique lancinante.

Patriarche vieillissant à la santé chancelante, Logan (magnifique Brian Cox) mène ses affaires et sa famille d’une poigne de fer. Oisif, son fils Connor (Alan Ruck) a pour seule occupation un podcast sur l’époque napoléonienne ; Kendall  (Jeremy Strong) ambitionne de prendre la succession de son père à la tête de la société ; l’ambitieuse Shiv (Sarah Snook) se consacre à la politique et soutient un candidat en rupture avec les valeurs paternelles ; gamin gâté, le benjamin Roman (Kieran Culkin) multiplie les réparties cyniques et les excentricités. Le portrait de famille est complété par le fiancé de Shiv, Tom (Matthew Macfadyen), une espèce de clown passif-agressif qui a du mal à s’intégrer, et par le cousin Greg, grand naïf tout juste arrivé dans le clan.

La relation centrale reste toutefois celle de Logan et Kendall. Entre amour et haine, loyauté et rivalité, le second veut suivre les traces du premier ; sa vision des affaires est plus lucide et plus moderne, mais il n’a ni l’autorité ni le froideur meurtrière de son père. Malgré son instabilité mentale et ses décisions discutables, Logan est non seulement un chef d’entreprise avisé, mais aussi un tyran qui fait trembler son entourage et que très peu osent défier. Amer après avoir été écarté, Kendall va pourtant fomenter un putsch et chercher par tous les moyens à déposer son père.  La tension augmente, révélant toutes les problématiques inconscientes cachées par les enjeux financiers. Le fils peut-il sortir de l’ombre du père ? Jusqu’à quant le vieux Roi décadent va-t-il s’accrocher au pouvoir ?

Kendall et Logan Roy. Tuer le père – si possible sans y laisser sa peau

 

La phrase a quelque chose de cliché : Succession lorgne pourtant du côté du drame shakespearien – Brian Cox lui-même compare son personnage au Roi Lear. Pourtant, la série prend une autre dimension lorsqu’on comprend que derrière les relations entre un père et son fils se cache une comédie noire, satire des élites américaines WASP dominées par de riches hommes blancs (dans la série, seules deux femmes sont en position de jouer un rôle important, et il n’y a aucun afro-américain.)

En marge des problématiques familiales ou propres à chaque personnage, la série accorde une place de plus en plus importante à un humour sombre, sarcastique, parfois absurde. Tous les personnages sont antipathiques, égoïstes, déconnectés de la réalité, impossible à aimer – et ils n’en sont que plus fascinants lorsqu’ils entrent en conflit, dans une escalade vertigineuse. Le cynisme involontaire de Roman, la candeur idiote de Greg, les maladresses pathétiques de Tom, les échecs successifs de Kendall, la brutalité éhonté d’un Logan qui termine toujours ses phrases par un « fuck off », les dialogues brillants et mordants confèrent à Succession un humour noir qui, juxtaposé à la tragédie, suscite le sourire tout en engendrant un léger sentiment de malaise. Dans Succession, la comédie se cache dans le drame, et vice-versa.

Les jeunes s’élèvent quand les vieux tombent. Du moins, d’après Shakespeare…

 

Délicat, le mélange de saga familiale, thriller financier et satire est maîtrisé : si elle est assez irrégulière – certains épisodes sont tout simplement magistraux, d’autres carrément ennuyeux – la série ne se dépare jamais d’une fluidité remarquable. La politique, les affaires, les situations absurdes et les crises familiales se croisent, se mêlent et dégénèrent avec un naturel désarmant, sans qu’on ne sente jamais la manipulation des scénaristes, à l’œuvre en coulisses. Et ce, même lorsqu’ils ont recours à un rebondissement classique, dans le dernier épisode : inattendu mais cohérent avec les déconvenues de certaines familles puissantes (les Kennedy, entre autres), il ouvre en outre la voie à  une nouvelle intrigue pour la saison suivante, déjà commandée par HBO.

Attention : si vous vous prenez au jeu, Succession deviendra une obsession. Entre humour noir et drame familial classique, la série peut vite se révéler addictive. Bienvenue chez les Roy : une famille en proie aux mêmes tensions et aux mêmes problématiques que tout un chacun, mais dont les membres fortunés vivent en dehors de la réalité et ne font rien comme le commun des mortels. Parce qu’ils savent qu’ils ne sont pas communs et croient, comme Logan, qu’ils ne sont pas mortels.

Succession (HBO)
10 épisodes de 55′ environ.
Diffusée en France sur OCS City.

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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