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On débriefe pour vous … The Idol, la frontière entre subversion et trivialité

The Idol, la nouvelle série du créateur de Euphoria tombe dans le piège de la vulgarité et de la provoc’ facile, en dépit d’une histoire intrigante.

C’est quoi, The Idol ? Star de la pop adulée, Jocelyn (Lily Rose Depp) traverse une période difficile : durement touchée par la mort de sa mère, elle a annulé sa tournée et a été soignée dans un institut suite à une dépression. Poussée par son entourage et sa maison de disques, elle compte bien reconquérir son trône de reine de la pop avec son nouveau single et le clip super sexy qui l’accompagne. Mais frappée par un scandale sexuel sur les réseaux sociaux et encore fragile, Jocelyn risque à nouveau de perdre pied. C’est alors qu’elle rencontre Tedros (The Weeknd), avec qui elle entame une relation trouble. Car Tedros n’est pas seulement un propriétaire de boîte de nuit accro à la cocaïne et au sexe, il est aussi à la tête d’un culte étrange aux allures de secte. 

Une série produite par HBO,  imaginée par Sam Levinson (Euphoria), avec Lily Rose Depp (fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis) et The Weekend au casting ? C’est  The Idol, disponible en France sur Amazon Prime (via le pass Warner) en US+24. Avec de tels noms, il n’en fallait pas davantage pour lancer la hype. Mais après la présentation en avant-première au dernier festival de Cannes, c’était un peu la douche froide : les premières critiques fustigeaient au mieux un soft-porno vulgaire, et au pire parlaient d’une histoire voyeuriste mettant complaisamment en scène des abus psychologiques et sexuels. Après avoir vu les trois premiers épisodes, on se dit qu’on est malheureusement quelque part entre les deux.

Globalement, The idol est loin d’être inintéressante. Dès le premier épisode, il est clair que à travers son héroïne, la série entend mettre en lumière certaines dynamiques du show-business, où l’attention est focalisée sur la logique du marché et le profit, l’exploitation du corps et la sexualisation. Le premier épisode commence ainsi par une séance photo et une répétition de danse, Jocelyn étant complètement au centre de l’attention. Mais il est aussi évident que son entourage professionnel la considère comme un produit marketing dont l’image doit être construite, gérée, protégée ou exacerbée, selon les circonstances. La vraie Jocelyn est noyée dans une série d’expressions simulées, de mimiques, de masques :  sa véritable identité n’intéresse personne, et surtout pas la galerie de ses collaborateurs dont son manager (Hank Azaria), son responsable des relations publiques (Dan Levy) et la représentante de sa maison de disques (Jane Adams)…

Jocelyn, reine de la pop et sex symbol

Avec la performance sensuelle de Lily-Rose Depp, Jocelyn a une présence forte : c’est une jeune femme qui  se veut transgressive et indépendante mais qui est en réalité manipulée par son entourage qui lui dit comment se comporter, tente d’instrumentaliser le traumatisme de la mort de sa mère, décide de faire d’elle une héroïne féministe lorsqu’un cliché intime fuite sur le web. Même le rapprochement de Jocelyn et Tedros suit la même logique :  on comprend tout de suite que la « liberté » que ressent Jocelyn est illusoire,  que sa fragilité fait d’elle la cible parfaite de Tedros et leur relation est tout de suite malsaine et – littéralement – asphyxiante. 

Mais cette deuxième partie du premier épisode concentre en elle-même tout ce qu’on peut reprocher à la série, et notamment cette inclinaison vers le soft porn teinté de sadomasochisme à la Fifty Shades of Grey. Ce n’est pas une question de pruderie, mais bien de mise en œuvre. Car on veut bien du soft-porn… mais du bon soft porn. Et ce n’est pas le cas ici. L’histoire perd considérablement de sa force narrative dès qu’elle s’appesantit sur la relation entre Jocelyn et Tedros.

D’une part, il faut bien avouer que The Weeknd (par ailleurs co-créateur de la série) n’a pas les talents d’acteur nécessaires pour convaincre, surtout dans le rôle de ce personnage qui devrait être fascinant, mystérieux et charismatique. Mais il y a surtout le choix de Levinson de sexualiser à outrance chaque scène dans une démarche que l’on suppose vouloir être subversive. Or, avec des dialogues qu’on croirait écrit par un ado de 15 ans obsédé par sa b…, du sexe brut sans contexte et des plans complaisants principalement sur les corps féminins, on bascule dans la provoc’ facile et gratuite.

La relation entre Tedros et Jocelyn va prendre un tour sordide

Il n’est sans doute pas inutile de signaler les problèmes survenus lors du tournage et de la production. Amy Seimetz, showrunneuse à l’origine, a quitté le projet en Avril 2012 en raison de « différends créatifs », cédant la place à Levinson (co créateur de la série). Dans les mois qui ont suivi, le magazine Rolling Stones a publié une enquête dans laquelle une dizaine de sources anonymes ont dénoncé  sur le plateau un climat « toxique et non professionnel », parlant même de « torture psychologique » et de « scènes porno gratuites ». 

C’est finalement symptomatique de la pente dangereuse que prend The Idol, jusqu’à se perdre dans sa propre ambiguïté.  Lily-Rose Depp – par ailleurs absolument excellente dans le rôle  – n’a cessé de répéter qu’elle ne s’était jamais sentie mal à l’aise sur le plateau de la série. Pourtant son corps est ici exhibé et manipulé (au sens littéral du terme) exactement comme celui de son homologue fictif. Presque comme si The Idol était précisément ce qu’elle voulait critiquer, ce qui rend l’ensemble plus gênant que subversif. 

Si The Idol veut raconter la chute d’une star et l’instrumentalisation notamment sexuelle dont elle est victime, la série ne peut pas se contenter d’une histoire érotique qui accumule les scènes hard. Au point que le message que Levinson entend véhiculer est flou, comme si  la volonté d’être explicite et choquant à tout prix sur la forme rendait inintelligible le fond. Et si The Idol est une déception, c’est bien parce que la série gâche des prémices extrêmement intéressantes et potentiellement fortes sur le plan narratif, en privilégiant la provocation à la substance. 

The Idol.
6 épisodes de 50′ environ.
Disponible sur Amazon Prime (Pass Warner) 

About author

Traductrice et chroniqueuse, fille spirituelle de Tony Soprano et de Gemma Teller, Fanny Lombard Allegra a développé une addiction quasi-pathologique aux séries. Maîtrisant le maniement du glaive (grâce à Rome), capable de diagnostiquer un lupus (merci Dr House) et de combattre toutes les créatures surnaturelles (vive les frères Winchester), elle n'a toujours rien compris à la fin de Lost et souffre d'un syndrome de stress post-Breaking Bad
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