Warrior, la série imaginée par Bruce Lee raconte une histoire de mafia chinoise au XIXe siècle à San Francisco, entre kung-fu et western.
C’est quoi, Warrior ? A la fin du XIXème siècle, Ah Sahm (Andrew Koji) débarque à San Francisco à la recherche de sa sœur. Témoin de la violence et du racisme envers un de ses compatriotes, il prend sa défense, et sa maîtrise des arts martiaux retient l’attention de Young Ju (Jason Tobin). Fils du chef d’un puissant gang qui règne sur Chinatown, celui-ci l’enrôle comme homme de main. Dans une ville interlope entre rues poussiéreuses, maisons de jeux et bordels, Ah Sahm est rapidement emporté dans la rivalité entre tongs pour le trafic d’opium, et assiste aux affrontements entre la diaspora chinoise et la communauté irlandaise. Se faisant quelques alliés et de nombreux ennemis, le jeune homme va voir sa loyauté mise à rude épreuve lorsqu’il apprend que sa sœur a épousé le chef d’un gang rival de celui auquel il appartient désormais.
Lorsqu’on parle de films de kung-fu, on pense inévitablement à Bruce Lee, qui a révolutionné le genre dans les années 1970 grâce aux combats acrobatiques à la chorégraphie spectaculaire que lui permettait sa maîtrise des arts martiaux. L’acteur a tenté de développer une histoire de sa propre création: celle d’un voyou d’un gang tong parcourant le Far West pour venir en aide aux gens. Mais le succès concomitant de la série Kung-Fu avec David Carradine a mis un frein à l’idée de Bruce Lee. Abandonnée puis oubliée, elle est reprise aujourd’hui par Jonathan Tropper (showrunner de Banshee) avec Warrior, dont la première saison est disponible à la demande sur OCS.
Ah Sahm, Chinois dont le grand-père est américain, se rend à San Francisco dans le but de retrouver sa sœur et de la ramener en Chine ; à peine débarqué, il devient membre d’un puissant tong grâce à son don pour les arts martiaux. C’est une sorte de chevalier idéaliste qui n’hésite pas à défendre les faibles, comme lorsqu’il vient en aide à une jeune femme blanche et à son domestique chinois agressés par deux Irlandais ivres. La jeune femme en question n’est autre que Pénélope Blake (Johanna Vanderham), fille d’un puissant entrepreneur et épouse du maire, et va se nouer entre elle et Ah Sahm une liaison aussi torride que problématique… Avec sa vision du monde manichéenne et un peu naïve, notre héros va en outre se heurter à une réalité plus complexe et plus cruelle, devra faire des choix délicats. Dans une San Francisco en proie aux luttes entre communautés immigrées, où règnent la violence et la corruption policières et où les Chinois sont méprisés, victimes de préjugés racistes, il se retrouve également écartelé entre le tong qui l’a accueilli et celui que dirige désormais sa sœur…
Ah Sahm est donc le héros incontesté de Warrior, bien que la série s’appuie aussi sur une galerie de personnages secondaires bien campés. Sa sœur Mai Ling (Dianne Doan) est sans aucun doute l’une des figures les plus intrigantes : contrainte d’épouser le chef du Tong Long Zii, elle finit par prendre la tête de l’organisation et se lance dans le trafic d’opium, déclenchant une guerre entre les mafias chinoises. Autre personnage féminin fort et alliée de notre héros, Ah Toy (Olivia Cheng), gérante d’un bordel bénéficiant d’une certaine influence. Se démarque aussi Young Jun, fils du dirigeant du Tong Hop Wei pour lequel travaille Ah Sham, partagé entre fidélité à son père et désir de s’affranchir de son autorité mais aussi entre respect de la tradition et aspiration à la modernité. Citons également Bill O’Hara (Kieran Bue), policier d’origine irlandaise à Chinatown, endetté à cause de sa dépendance au jeu, ou Richard Lee (Tom Weston-Jones), seul flic intègre et sans préjugés racistes.
Certains de ces personnages ou certaines situations semblent convenus; sans originalité marquée, le scénario lui-même reste globalement assez prévisible. Et si Andrew Koji est extrêmement convaincant dans les scènes de combat, il lui manque un peu du charisme nécessaire pour incarner ce héros taciturne… Cependant, on se laisse facilement entraîner par Warrior. D’abord, parce que l »action progresse vite, sans temps mort, d’un épisode à l’autre. Ensuite, parce que l’ambiance est immersive et remarquable : on plonge véritablement dans les bas-fonds de San Francisco, entre quartiers populaires, maisons de passe, tripot, bars glauques, ghettos chinois et prisons surpeuplées – avec quelques incursions dans le commissariat ou les salons huppés des plus aisés. S’y superpose le contexte historique, avec notamment les préjugés et le racisme que subit une communauté d’immigrés chinois méprisés voire haïs, exploités par des employeurs qui les font trimer comme des esclaves pour un salaire de misère.
Et puis, évidemment, il y a les scènes de combats – certes parfois violentes, mais surtout élégantes, visuellement maîtrisées et à la chorégraphie soignée, dans le plus pur style des films de kung fu… à la Bruce Lee. Entre deux coups de poing et coups de pied circulaires, les affrontements (comme celui de l’avant-dernier épisode) prennent des allures de danse funeste. Et finalement, le plus séduisant dans Warrior est peut-être à chercher de ce côté-là : elle parvient à mélanger le contexte historique du far west avec la série d’arts martiaux, hybridant le western et le kung-fu. C’est particulièrement visible dans le formidable épisode The blood and the sh*t, ou même dans un excellent générique qui donne à lui seul un avant-goût marqué de ce que sera la série.
Quelque part entre Hell on wheels et Kung Fu, le mélange western / arts martiaux est aussi inattendu que réussi et Warrior est une bonne surprise. Un scénario simple mais bien écrit et plein de possibilités pour la suite, dix épisodes au rythme enlevé , des combats spectaculaires et pleins d’adrénaline, le contexte historique… Tout cela en fait une série intéressante et surtout divertissante. Au point que l’on sera au rendez-vous pour le second round.