Seven Seconds met en scène l’enquête sur un fait divers pour analyser les tensions raciales et les failles du système aux États-Unis.
C’est quoi, Seven Seconds ? Roulant sur une route du New Jersey, le policier Peter Jablonski (Beau Knapp) renverse accidentellement un jeune afro-américain. Sur les conseils de son supérieur, Mike Diangelo (David Lyons), il fuit les lieux et laisse la victime se vider de son sang. Déterminée à résoudre l’affaire, l’adjointe du procureur KJ Harper (Clare-Hope Ashitey) collabore avec l’inspecteur Joe Rinaldi (Michael Mosley), chargé de l’enquête. De leur côté, les parents du jeune garçon, Latrice et Isahia Butler (Regina King et Russell Hornsby) tentent de faire leur deuil en obtenant des réponses. A mesure que la vérité se fait jour, les tensions raciales s’exacerbent, bouleversant la ville de Jersey City.
Lorsqu’il renverse accidentellement un adolescent afro-américain sur une route déserte, le policier Peter Jablonski panique et appelle son supérieur. Celui-ci l’exhorte à partir sans avertir les secours, craignant notamment les répercussions de la mort d’un jeune noir, tué par un policier blanc. « They are going to fuck you for Ferguson, Chicago, Baltimore », lui lance-t-il, faisant référence aux bavures qui ont engendré de violentes tensions entre communautés. Ce délit de fuite marque le point de départ d’un engrenage dramatique, grâce auquel la série s’empare de la question raciale aux États-Unis et explore les relations complexes et les tensions entre les groupes ethniques (principalement caucasiens et afro-américains). Voilà le thème central de cette première saison ; la série devrait ensuite se décliner sous forme d’anthologie avec à chaque fois une intrigue indépendante.
Par bien des aspects, Seven Seconds rappelle The Killing (l’autre série de sa créatrice Venna Sud.), The missing ou Broadchurch : un crime et l’enquête consécutive servent de base à un propos plus vaste. Ici, une analyse qui embrasse de nombreuses thématiques, et d’abord les questions politiques, judiciaires et sociales qui agitent une Amérique multiethnique. Les tensions raciales sous-jacentes et la discrimination sont révélées par les incidents, bavures, meurtres survenus ses dernières années ; confrontant en général policiers blancs et victimes noires, ils ont eu un fort retentissement médiatique et social, donnant notamment naissance au mouvement Black lives matter. Mais Seven Seconds se penche aussi sur des questions plus intimes : comment faire face au drame familial, à la perte d’un enfant ? Comment vivre avec le remords ? Quel impact une telle tragédie peut-elle avoir sur tous ceux qu’elle concerne de près ou de loin ? Seven Seconds suit ainsi en parallèle l’enquête de Harper et Rinaldi, et les répercussions de l’affaire sur la famille de la victime.
Dans Seven Seconds, le suspense ne réside pas dans l’identité du meurtrier, connue dès le début, mais sur le déroulement de l’enquête que tentent d’entraver les policiers impliqués et de surcroît corrompus. Il s’agit de voir s’ils vont être punis pour leur crime, et comment ils tentent de couvrir leurs traces et de trafiquer le système, quitte à mettre en péril le fragile équilibre social que le moindre incident peut faire vaciller. La saison s’achève sur le procès, mettant en lumière les failles du système judiciaire et la manière dont la défense (en la personne d’une féroce avocate, incarnée par la superbe Gretchen Mol) remet en question la personnalité de la victime, accusée d’appartenir à un gang en raison de sa couleur de peau.
Au fil de l’enquête, on plonge aussi au cœur de la petite criminalité, celle où les gangs et les dealers de drogue bénéficient de l’appui de flics ripoux. Ils ne sont pas toujours animés de mauvaises intentions, leur complaisance ou complicité se justifiant souvent à leurs yeux comme un mal nécessaire pour maintenir un semblant de statu quo dans les rues qu’ils sont censés protéger. On pense alors à d’autres séries, comme The Wire et surtout The Shield – la dynamique entre Jablonski et DiAngelo rappelle le duo Shane Vendrell / Vic Mackey, tandis que l’agent Osorio (Raul Castillo) est le Lemansky de la bande…
C’est du reste le principal défaut des personnages, qu’on a l’impression d’avoir déjà vus maintes fois auparavant. A l’exception, peut-être, de Rinaldi (excellent Michael Mosley) qui prend davantage d’ampleur au fil des épisodes, en particulier dans la relation qu’il établit avec sa fille, une adolescente à problèmes. Cette dimension permet au personnage de se démarquer des autres protagonistes, plus plats et au comportement souvent difficile à comprendre. Leur manque de singularité et de cohérence ne les empêche toutefois pas d’être intéressants, principalement grâce à leurs excellents interprètes. Regina King est parfaite dans le rôle de la mère endeuillée, traduisant toute la souffrance de cette femme au bord de la folie, qui se raccroche à sa foi religieuse. Ashitey Clare-Hope parvient à exploiter les rares zones d’ombre et aspérités de Harper (à savoir, son alcoolisme et sa détermination). Enfin, même dans le rôle le plus stéréotypé (celui de DiAngelo), David Lyons reste convaincant.
Le récit souffre du même défaut, son manque d’originalité le rendant assez prévisible. Par ailleurs, certaines longueurs dispensables, les ruptures de rythme, un flottement dans les derniers épisodes et la redondance de plusieurs séquences ou dialogues rendent l’ensemble parfois monotone ; moins diffus, le scénario aurait sûrement gagné en intensité. Néanmoins, l’intrigue est pleine de suspense et accrochée à un fil rouge clair et cohérent. Elle est surtout sous-tendue par une radiographie pertinente de toutes les questions que nous avons déjà soulignées. Globalement, Seven Seconds est donc une série intéressante, avec un arrière-plan fort, malgré un air de déjà-vu.
Série policière et judiciaire doublée d’un drame social, Seven Seconds est d’autant plus intéressante qu’elle met à profit son récit pour aborder le sujet sensible des tensions raciales aux États-Unis. Il faut parfois s’accrocher, passer sur quelques longueurs et quelques poncifs, mais au final, l’effort vaut le coup : avec pertinence, sans angélisme ni cynisme, l’analyse est subtile et compense ces défauts.
Seven Seconds (Netflix)
10 épisodes de 60′ environ