Après la télé-réalité et le Loft, c’est le phénomène boys band qui à l’honneur dans Culte avec une saison sur le groupe 2Be3.
Longjumeau, 1996. Filip, Adel et Frank, meilleurs amis de toujours, rêvent de franchir les murs de leur ville de banlieue. Partis de rien mais portés par une volonté hors normes et des corps de statues grecques, ils vont tordre le bras au destin pour devenir les 2Be3 : le tout premier boys band français, les héros d’une France trop heureuse de tomber amoureuse de ces trois garçons qui lui ressemblent. Fans en délire, concurrence ultra agressive, surexposition médiatique… Plongés dans le tourbillon du succès, ils vont aussi faire l’expérience d’une industrie impitoyable qui ne voit en eux qu’un produit jetable. Parviendront-ils à survivre à leur rêve et rester fidèles à leur amitié ?
L’essentiel
L’anthologie qui s’intéresse aux phénomènes de la pop culture « Culte » revient pour une deuxième saison centrée sur un pur produit des années 90 : les boys band à travers le parcours du groupe qui l’a initié en France, les 2Be3. Second projet à s’y intéresser en France après le biopic Filip sur TF1, on doutait fortement à l’annonce de cette série du potentiel narratif d’un tel sujet qui n’aurait pas grand chose à raconter. Mais en épousant une forme assez proche de la saison 1 – une femme seule contre tous qui veut imposer un concept / un groupe – Culte pourrait avoir trouvé un contrepied malin pour raconter non un parcours de candidats ou d’artistes, mais bien un système et la manière dont il presse ceux qui y entrent.
Pour y parvenir, l’excellente Yaël Langmann (Chair tendre) s’est emparée du sujet et l’a creusé sans oublier ses personnages qui nourrissent son histoire. Ne restait qu’à trouver le trio gagnant capable de donner vie aux 2Be3 : Antoine Simony, Namory Bakayoko, Marin Judas jouent Filip, Adel et Franck, tandis que Daphné Bürki est Solange qui se bât pour les imposer à un producteur qui ne veut qu’une chose : se débarrasser de celle qui ne lui rapporte plus assez.

On aime ?
Après la très réussie Culte- Lof Story, la pression était forte sur Yaël Langmann de parvenir à générer le même intérêt fictionnel sur 6 épisodes que Louis Farge ne l’avait fait en saison 1. Tout en reprenant la « forme » de Culte 1, la saison 2 parvient à se créer sa propre identité, aidée en ça par le talent d’une autrice et réalisatrice qui sait parfaitement raconter celles et ceux que l’on voudrait laisser de côté (comme elle le fit avec Chair tendre).
Dans cette série, elle choisit de raconter comment la société peut le faire avec des gens selon leur origine sociale. Un vrai challenge de raconter ça par le prisme de l’histoire de « 3 beaux gosses » dont on ne s’imagine pas qu’ils puissent en souffrir. La plus belle phrase qui illustre ce point de vue revient au père d’Adel qui découvrant ce que fait son fils, lui dit : « Quand on parle de nous, c’est pour parler des délinquants, toi tu es devenu un modèle » … Des mots qui raisonnent et renforcent la place d’un jeune homme qui se cherche et veut réussir. C’est aussi ça qui permet de faire d’Adel le personnage le plus intéressant de la série. Et, de manière différente, c’est également ce qui anime Franck (soutenu par le « vrai Franck), qui veut réussir sans jamais s’oublier, là où Filip se laisse submerger par une réussite, un succès et qui, à l’inverse des deux autres, veut faire oublier qui il est et qui n’hésite pas à plonger dans « paradis artificiels » pour y parvenir.
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Comme ne saison 1 avec le milieu de la télévision, Culte 2 raconte comment le milieu musical va broyer aussi bien cette productrice qui a tout fait pour les imposer, comme ce groupe « d’amis pour la vie » comme ils le répètent alors mais plus comme un mantra qu’autre chose. C’est d’ailleurs ce qui perturbe un peu dans la série car on a du mal à ressentir l’amitié qui liait vraiment ces 3 garçons depuis leur rencontre à Longjumeau. Montrant parfaitement comment le groupe s’est battu pour ne jamais paraître pour un groupe fabriqué, la série ne cesse de montrer que leur amitié ne tiendrait plus qu’à un fil, rongée de l’intérieur notamment par Filip qui est avide de succès et il faut bien le dire, souvent présenté comme insupportable dans la série. Sauf que, sans le talent de Yaël Langmann, le propos aurait pu s’arrêter là sans doute, mais elle parvient toujours à montrer que sous cette apparence insupportable, il y a un jeune qui était sans doute brisé bien avant d’avoir commencé sa carrière musicale. Et c’est cette déchéance que la série parvient toujours à raconter avec beaucoup d’émotion.

« On a une date de péremption et vous le voyez pas »
Comme dans la saison 1, la saison 2 est réussie grâce au grand travail de recréation d’une époque qui a été opéré sur la série. Que ce soit dans le fait de réenregistrer des titres aujourd’hui pour coller aux voix des acteurs, que dans celui fait sur les chorégraphies qui redonnent à des moments que l’on a tous vécu. On apprécie aussi ces clins d’œil quand la série propose de redonner vie au Hit Machine ou à Fan 2, le jeu du « Qui est qui » fonctionne vraiment bien. Ou la présence dans la C.A de la maison de disques des 2Be3 de Chris, ancien membre du groupe G Squad.
Autre réussite, tout le travail sur les coulisses, sur un milieu, sa dureté même si à certains moments on est nettement moins dans la subtilité que ne l’était la saison 1, on force sans doute trop le trait : « J’ai eu la chance de discuter avec le directeur artistique de l’époque des 2Be3, qui était aussi le directeur artistique d’Étienne Daho, représentait donc l’élite musicale. J’ai aussi parlé avec des gens de l’industrie musicale d’aujourd’hui. Ensuite, j’ai essayé de créer des ponts. C’était une époque très « Jacques Séguéla » : très grande réussite, très gros postes à pouvoir ; on met les grosses montres, les vestes à épaulettes. Et surtout, on parle mal. Qu’est-ce qu’on parlait mal à l’époque ! C’est beaucoup revenu dans les témoignages » (comme le raconte la réalisatrice dans le dossier de presse).
