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On regarde ou pas ? Les feuilles mortes, prix du jury à Cannes

Tendre, triste et drôle, le réalisateur finlandais Kaurismäki, dresse un portrait touchant des classes populaires sans jamais tomber dans le misérabilisme

Les feuilles mortes c’est quoi ? « Deux personnes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki et chacun tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour. Mais la vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur. » Ce petit bijoux réalisé par le finlandais Aki Kaurismäki est à découvrir en salle le 20 septembre 2023.

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L’essentiel

Le film du réalisateur finlandais a cette fois-ci remporté le prix du Jury à Cannes, festival qu’il connait très bien, puisqu’il y a présenté pas moins de 4 films (Le Havre, L’homme sans passé, les lumières du Faubourg, Au loin s’en vont les nuages). Sous l’apparence d’une tragi-comédie, Kaurismäki fait un véritable hommage au cinéma en y cachant de nombreuses références, il raconte une belle histoire d’amour dont les prémices commencent aux abords d’un cinéma. Dans la note d’intention du dossier de presse, ce dernier a confié : « Même si j’ai acquis aujourd’hui une notoriété douteuse grâce à des films plutôt violents et inutiles, mon angoisse face à des guerres vaines et criminelles m’a enfin conduit à écrire une histoire sur ce qui pourrait offrir un avenir à l’humanité : le désir d’amour, la solidarité, le respect et l’espoir en l’autre, en la nature et dans tout ce qui est vivant ou mort et qui le mérite. » Humble et admiratif des gens modestes, il en fait les héros de ces films. Kaurismäki n’étant pas présent à la cérémonie, s’est tout de même dit « profondément honoré » de cette récompense.

On aime

Les feuilles mortes est un film dépouillé de tout artifice, une simplicité digne du milieu que le film explore, la condition ouvrière et les maux qui lui sont propres. Toutes les scènes sont éloquentes, avec un silence qui inspire la peine et la dureté de la vie. Les dialogues adviennent toujours à propos. Les deux personnes qui formeront plus tard un couple se rencontrent d’abord dans un bar, où notre héros a pour habitude d’aller avec son colocataire pour boire et chanter. Entre les futurs amants s’adresse d’abord un regard, assez éloquent, qui permet de mettre la puce à l’oreille. Kaurismäki parvient à communiquer beaucoup de choses avec une simple image, quoique l’acteur principal (Jussi Vatanen) excelle de réalisme pour son rôle. On sent l’alcoolisme le guetter comme une fin inexorable, le faisant trimer de petit boulot en petit boulots manuels jusqu’à une prise de décision pleine de volonté : arrêter l’alcool. L’espoir renait alors pour cette femme (Alma Poysti) qui avait un premier émoi et qui voit en cet acte sa volonté d’échapper à la déchéance et son désir de construire une histoire. Une histoire belle et simple qui montre avec émotion toute la pudeur des ouvriers modestes d’Helsinki. Comme un regard plein d’admiration de la part du réalisateur qui voit en ces gens une espèce de franchise, de pudeur, de tristesse tendre, qui mérite d’être montrée sur grand écran. Sur fond de guerre en Ukraine, qui s’ajoute au quotidien besogneux de nos protagonistes, le réalisateur trouve toujours le ton juste pour parler soit de cette guerre soit de l’alcoolisme sans en faire des tonnes. Le point d’honneur est donné aux dialogues qui sont par moments teintés d’un humour pince sans rire, assez fin, la fameuse citation « l’humour est la politesse du désespoir » résonne parfaitement bien dans ce film épatant et incarné.

On aime moins

Une chose est sure c’est que la vision de l’amour donnée dans ce film est cerclé d’épines. C’est le genre de film qui rappelle la dureté de la vie, surtout pour le modeste milieu ouvrier d’Helsinki. On se laisse engourdir dans cette déchéance progressive où l’on sent que nos héros vivent tant bien que mal, de quoi nous donner le cafard. Jusqu’à un moment formidable : lorsque l’ami de notre héros, son camarade avec qui il partage un wagon-chambre, se met à chanter Sous le sorbier sauvage, un classique finlandais. Ce chant remet tout de suite du baume au coeur, comme si les problèmes de ces gens que l’on voyait à l’écran s’exprimaient ou s’effaçaient dés lors qu’il entonne la chanson. Une performance incroyablement éloquente et forte, qui est vite rattrapée par la morosité de la vie qui reprend son cours. S’il y a une poésie certaine dans la façon dont Kaurismaki dépeint la vie ouvrière, on peut tout de même la trouver ennuyante. Sans compter qu’on a du mal à croire que cette histoire d’amour qui semble éclore à la fin, ne sera pas rattraper par l’alcoolisme qui rôde toujours autour de notre personnage principal, et dans cette classe sociale de manière générale. Cela reste une fiction, savamment travaillée, où on voit la patte d’un réalisateur qui sait où placer sa caméra, faire son cadre qui font parfois l’effet de tableaux. Enfin, Kaurismäki aborde son histoire frontalement, sans chichis, avec une poésie, une simplicité et une beauté évidente. Un film à ne pas manquer.

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