Pablo Larraín est venu présenter son dernier film au Louxor qui sort aujourd’hui (18 novembre). Dans El Club, on ne plonge pas au cœur de la dictature chilienne mais dans un village de la côte, où une maison abrite des prêtres fautifs voire criminels. Tout un programme. Un plongeon dans la violence de l’âme et des corps humains…
El Club, un superbe film pour évoquer certaines « violences » religieuse et sociale : un sujet « tabou »
Dans un village sur la côte chilienne (Matanzas), une communauté religieuse (des prêtres et une sœur) vivent marginalisés par l’Église dans une maison. Un nouveau pensionnaire arrive, il va bouleverser l’équilibre de cette communauté puis celle du village.
L’illustre Alfredo Castro, qui explose dans son corps puni par l’Église, livre une interprétation poignante. Et la sœur qui gère cette maison nous horrifie tout autant. Et que dire du jeune prêtre (Marcelo Alonso) venu soigner les âmes de cette maison ! Les acteurs sont tous époustouflants.
De plus, l’ambiance est là, au milieu de cette brume constante, et de cette façon particulière de filmer qu’à Pablo Larraín. En effet, lors son intervention, le réalisateur nous a révélé qu’il en avait assez du HD (Haute Définition). Selon lui, les caméras numériques sont mauvaises car « on ne filme pas un film comme on filme un match de football ». Son film (comme les autres) est donc emprunt d’une identité visuelle particulière : « pour moi la caméra c’est mon crayon ».
Sur les cinq cas de prêtres que l’on voit dans le film, deux sont tirés de cas réels. Mais le cas du curé qui confessait tous les criminels de la dictature chilienne « très catholique » vient de son imagination.
Pour la première fois dans sa carrière, ce jeune réalisateur chilien (né en août 1976) a procédé de manière étonnante pour diriger ses acteurs : les informations étaient cachées aux acteurs.
Afin d’être proche de la réalité, Pablo Larraín a rencontré des victimes de viols. L’acteur qui joue l’insaisissable Sandokan, Roberto Farias, a d’ailleurs présenté au théâtre des Célestins à Lyon une pièce mise en scène par Pablo Larraín : Acceso.
Pablo Larraín, le réalisateur qui explore le sordide de l’âme humaine
Après une trilogie sur la période dictatoriale (avec Tony Manero (2008) ; Santiago 73, Post Mortem (2010) ; et No (2012) avec Gaël García Bernal), Pablo Larraín évoque un autre sujet : la religion qui a (eu) un rôle central dans ce pays. Les thèmes évoqués par le film sont graves : viols et violences sur mineurs, vol d’enfants, violences sur les animaux… Mais selon le réalisateur, El Club est un film sur la « compassion humaine ».
Certes, la religion qui est remise en doute dans ce film est la religion catholique, ce n’est pas étonnant puisqu’elle la religion majoritaire au Chili. Cependant avec ce film, Pablo Larraín veut surtout tenter de nous montrer la violence que peuvent exercer certaines institutions (religieuses dans ce cas, mais cela pourrait être de même avec des institutions politiques, éducatives…) sur les individus, sur les âmes notamment à cause de leurs dogmes, de leurs règles. Le réalisateur veut nous amener à réfléchir sur ces « monstres humains » qui font partie de nos sociétés et qui peut-être ont été produits par celles-ci. Comme le réalisateur l’a précisé lors de l’avant-première, ces « monstres humains » anti-héros sont le résultat d’un processus politique, culturel, social et religieux. Ce film tente donc de percevoir l’état d’humanité de ces « monstres-humains » qui sont selon les dires du réalisateur « intéressants à étudier ».
Lors de cette avant-première, le réalisateur a également évoqué la relation à son acteur fétiche, Alfredo Castro, que l’on voit dans tous ses films. Il fut son professeur, c’est son ami et un grand maître pour lui. Pour Pablo Larraín, Alfredo Castro est inclassable, mystérieux et nécessaire dans ses films.
Un film qui vous fera réfléchir et vous laissera peut-être sans mot mais un grand film.