Il y a quelques semaines, le gouvernement conservateur polonais tentait de bannir l’avortement dans le pays, autorisé depuis 1993, et se heurtait à une résistance de masse prenant la forme de grèves et manifestations nationales qui paralysèrent le pays. Cet événement fait suite à l’épuration de certains rangs de la haute fonction publique, de la justice, des médias et de l’enseignement supérieur qui ont eu lieu depuis l’arrivée du parti PiS – Droit et Justice – au pouvoir.
Suite au déferlement de colère qu’a causé le projet de loi visant à révoquer le droit à l’avortement, et à le criminaliser même en cas de viol ; le gouvernement a senti le vent tourner en leur défaveur et a fait marche arrière.
Mais le 24 Décembre, de nombreuses femmes et hommes étaient de retour dans les rues de Varsovie, Gdansk, Lodz, Wroclaw et Poznan pour protester à nouveau. La raison ? Le gouvernement n’a pas lâché le morceau aussi facilement et souhaite après tout interdire l’avortement dans le cas ou le fœtus serait endommagé et a peu de chance de survivre après la naissance. Pourquoi ? Pour lui assurer le droit d’être reconnu en tant qu’être humain, de recevoir un nom, d’être baptisé et d’avoir droit à un enterrement digne de ce nom. Bien que la majorité de la population polonaise soit catholique, cette tentative du gouvernement conservateur choque et interpelle ceux qui sont venus manifester pour la seconde fois ce mois d’Octobre.
« Nous aimerions vivre dans une société laïque » exprime Agata Rybka, une étudiante de 24 ans, présente dans les rues de Varsovie. « En ce moment, c’est la religion qui domine le discours publique et ça, ce n’est pas possible. » Des heurts ont éclatés dans la capitale entre des groupes pro et anti avortement. Agnieszka Krysztopolska, une banquière de 34 ans, été présente aux premières manifestations et a manqué une journée de travail pour protester a nouveau. « J’ai deux enfants, et ce n’est pas comme si j’étais une féministe extrême, mais je ne suis pas d’accord avec le fait que quelqu’un autre que moi-même puisse décider de cela à ma place. Cette proposition de loi est simplement dangereuse. » Une organisatrice des manifestations, Magda Staroszczyk, elle, précise que sa présence est un acte féministe en soit. « Beaucoup de femmes et de filles dans ce pays ont le sentiment de n’avoir aucun pouvoir, de ne pas être considérées égales aux hommes, de ne pas avoir le droit à leur opinion. Ceci est une opportunité pour nous de nous faire attendre, de montrer que nous sommes volontaires et que nous ne nous laisserons pas faire. »
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Le groupe PiS n’en est pas à son premier coup d’envoi, et ce n’est certainement pas le dernier. La presse nationale a été purgée l’an dernier, avec une interférence directe dans les rédactions indépendantes et le renvoi de journalistes qui avaient osé élever la voix contre les dérives du gouvernement. La commission Européenne avait même envisagé des sanctions en Juillet cette année, à laquelle le leader du parti Jaroslaw Kaczynski avait répondu de manière ironique, qualifiant cet ultimatum ‘d’amusant’. Kaczynski avait aussi décri l’arrivée des migrants en Europe comme une ‘pandémie’ dont la Pologne ne souhaitait pas faire partie.
Reste à voir la prochaine carte qu’abattra le gouvernement ainsi que ses futures propositions.
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