Le 21 janvier dernier, l’équipe des « Grandes Gueules » sur RMC commentait l’histoire de la femme de ménage agressée sexuellement par Dominique Strauss-Kahn. Une discussion passée inaperçue, jusqu’à ce que Rue 89 publie hier le scandaleux verbatim de l’émission.
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Le viol : un ‘conte de fées’
On y apprend en effet que Nafissatou Diallo a vécu un véritable « conte de fée ». Viol = conte de fée ? Étrange raccourci. L’américaine a gagnée plus de 1, 5 millions de dollars lors de son procès contre DSK. De quoi, pour certains, « valoir le coup » d’avoir été violée. Et c’est Sophie de Menthon qui se lance en premier : « Tu veux que je sois politiquement totalement incorrecte ? […] Je me demande, c’est horrible à dire, si c’est pas ce qui lui est arrivé de mieux. » Soulagement ; elle a dit tout haut ce que les autres journalistes pensaient tout bas. Franck Tanguy réplique immédiatement : « Je ne suis pas loin de penser la même chose Sophie, je me suis fait la réflexion hier. » Conte de fées, parce qu’une femme de sa condition n’aurait pas pu espérer, même en rêve, de gagner autant d’argent. « Moi je pense que l’argent qu’elle a gagné, qui lui permet d’élever sa fille, elle ne l’aurait jamais eu dans toute son existence et j’espère qu’elle oubliera ce moment extrêmement désagréable. » poursuit Sophie de Menthon, faisant preuve d’une commisération tout bonnement admirable. Le viol est juste un mauvais moment à passer, mais enfin, rien en comparaison de tout cet argent ! On imagine presque les animateurs avec des dollars à la place des pupilles, tant ils paraissent hypnotisés par les 1, 5 millions, ne cessant de rappeler ce que cette somme a d’extraordinaire. Et Francis Tanguy d’en rajouter une couche « C’est un horrible événement dans sa vie dont certainement elle se rétablira, mais pour elle c’est quand même… ça va quoi ! »
1, 5 millions, 1, 5 millions …
Les femmes pauvres rêvent de viol.
Y a un an c’était une femme de ménage qui gagnait 1 000 euros […] c’est Pretty Woman »
Car, enfin, qui ne souhaiterait pas être violé pour gagner 1, 5 millions ? Pour Sophie de Menthon, toutes les femmes rêveraient d’être ce genre de « pretty woman » : « Il y a des femmes dans la rue, je suis sûre qu’elles ont pensé ça, en disant j’aimerais moi être femme de chambre dans un hôtel et que ça m’arrive. » Ces « femmes dans la rue », qui gagnent « à peine mille euros » ( !) par mois seraient ravies, elles, d’une telle opportunité. Sophie de Menthon non, certainement, tant elle semble considérer ces femmes au revenu modeste différentes d’elle.
Une chance pour « un laideron »
Mais non, nous n’y étions pas du tout, ce n’est pas seulement parce qu’elle est pauvre que Nafissatou Diallo devrait se réjouir : mais parce qu’elle est laide, voyons ! C’est un « tromblon » : « Elle n’a rien pour elle, elle ne sait pas lire pas écrire, elle est moche comme un cul, et elle gagne 1,5 million, c’est quand même extraordinaire cette histoire. »
« Extraordinaire en effet. Mais pourquoi toutes ces femmes laides qui se font violer ne remercient-elles pas leur bourreau de s’être intéressé à elles ? On devrait leur coller des procès, surcharger notre justice déjà bien à la peine, non mais ! Laissez-vous trousser ! » commente Rue 89.
Face aux commentaires indignés des auditeurs de RMC, Francis de Tanguy ne se démontera même pas : pour lui « C’est elle qui aurait dû payer. »
On ne se donnera pas la peine de rappeler à ces chers animateurs de RMC que le viol provoque à 70 % un traumatisme important, allant jusqu’à empêcher les victimes de mener une vie normale ou d’entretenir à nouveau une relation amoureuse dans les cas les plus extrêmes. Sans doute doivent-ils savoir aussi que la valeur d’une femme ne se mesure pas qu’à sa beauté et que modestie du revenu ne signifie pas inclination plus importante à dévaloriser voire à vendre son corps. Toutes ces choses, les animateurs de RMC devraient les connaître par cœur. Pourtant, cette discussion, empestant le mépris de classe et le sexisme à plein nez, prouve que toutes ces données ne sont pas si sues que cela.