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Pourquoi le “Complément d’enquête” sur CNews fait polémique ?

Le 27 novembre 2025, « Complément d’enquête » consacre un dossier à CNews et la controverse éclate avant même la diffusion complète. Une séquence est retirée à la dernière minute, le régulateur contredit les données présentées, et les révélations de l’enquête provoquent un vif débat sur le pluralisme, l’objectivité médiatique et l’influence des chaînes d’information.

Ce jeudi 27 novembre, France 2 a diffusé un nouveau numéro de « Complément d’enquête » intitulé « Des infos ou désinfo ? La méthode CNews ». L’émission visait à dévoiler les mécanismes éditoriaux de la chaîne, notamment la place accordée à l’immigration, à l’islam, à l’insécurité, et la répartition des temps de parole politique. Mais à quelques heures de la diffusion, un retournement inattendu : une séquence du reportage a dû être coupée, après l’intervention du régulateur de l’audiovisuel, ARCOM. Cet incident révèle dès lors les fragilités d’une enquête censée mettre en lumière des pratiques discutables, et jette le flou sur la réalité des accusations.

Ce que l’enquête visait à montrer de CNews

Les recherches de « Complément d’enquête » s’appuyaient sur une analyse des programmes de plusieurs chaînes d’information, le tout via les données de Reporters sans frontière (RSF). Avec en plus des témoignages d’anciens collaborateurs de CNews. Selon les résultats présentés, sur la période 2020-2024, la chaîne aurait utilisé très fréquemment les mots « immigration » et « islam », environ 69 353 fois pour le premier, près de 30 993 fois pour le second.

Le reportage dénonçait une ligne éditoriale assumée centrée sur ces sujets illustrée, selon un ancien journaliste cité dans l’enquête, par la phrase choc : « à partir de maintenant, on ne va plus faire que du muslim, muslim, muslim« . Cette phrase, attribuée à un ancien reporter de la chaîne. L’enquête mettait également en lumière ce qu’elle présentait comme un déséquilibre dans les temps de parole politique : les interventions de gauche reléguées tard dans la nuit, l’extrême droite en tête aux heures de forte audience.

L’objectif affiché : questionner le pluralisme supposé de CNews, son rôle dans la formation de l’opinion, et le respect de l’équilibre politique des enjeux essentiels à quelques mois d’élections nationales.

Le retournement : séquence supprimée

Mais à la veille de la diffusion, l’émission de France 2 a dû retirer une séquence entière. La raison ? ARCOM a contesté les conclusions de RSF sur le prétendu « contournement » des règles du pluralisme par CNews. Dans un communiqué, le régulateur affirme ne pas avoir observé, pour mars 2025, de manquement à ces règles.

Ce désaveu public a jeté le trouble sur la méthodologie de l’enquête. Pour certains, les résultats de RSF, fondés sur l’analyse de bandeaux toutes les dix secondes sur près de 700 000 captures, paraissent désormais fragiles ou sujets à caution.

Ce retrait de séquence, en amont de la diffusion, a alimenté la critique : l’enquête, pourtant préparée pendant des mois, s’est retrouvée amputée, ce qui affaiblit potentiellement la démonstration et la force des conclusions.

La réaction de CNews (et plus particulièrement de Pascal Praud)

Le lendemain, sur son émission, Pascal Praud (pilier de CNews) n’a pas manqué de fustiger le reportage. Il a qualifié l’enquête de « mal ficelée », reprochant un travail bâclé, fondé sur des « données approximatives, voire des fake news ».

Il a également pointé du doigt le coût du reportage, invitant les téléspectateurs à s’interroger : « Est-ce que vous et moi devons financer des enquêtes mal ficelées ? ». Dans son éditorial, il a remis en cause le sérieux même de l’enquête, estimant que le reportage avait confondu un plateau télé avec un tribunal.

Les enjeux plus larges : pluralisme, concentration des médias et confiance du public

Au-delà du cas CNews, cette polémique dépasse la chaîne pour interroger le rôle des médias dans une démocratie : quelle responsabilité pour une chaîne privée bénéficiant d’une large audience ? Peut-on accepter qu’une grille éditoriale soit perçue comme orientée, voire partisane, surtout à l’approche d’un cycle électoral ?

Le débat renvoie aussi à la question de la concentration des médias, ici entre les mains d’un groupe privé puissant, et aux risques que cela fait peser sur la pluralité des voix, sur la diversité des opinions représentées. Pour certains observateurs, l’affaire confirme que le contrôle des contenus, l’équilibre politique et la transparence ne peuvent reposer uniquement sur la bonne volonté des acteurs.

Enfin, la controverse révèle les fragilités du journalisme d’enquête face aux pressions, institutionnelles, médiatiques, économiques, mais aussi les limites de la vérification des données quand plusieurs entités (ONG, régulateur, médias) avancent des versions contradictoires.

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