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Quel modèle économique durable pour le XXIème siècle ? Partie 1/3 : L’avenir & la croissance

 

Ces vendredi 12 et samedi 13 juillet 2013 se tenait à l’Assemblée nationale une conférence internationale organisée par l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales), en partenariat avec Les Echos, intitulée « Une société innovante pour le XXIème siècle ».

Vous trouverez ici un compte-rendu en trois parties de ce qu’il faut retenir de ce colloque, dont l’objectif fût de mettre en lumière ce que devraient être nos directions futures, celles que nous devons prendre. La première partie, intitulée « l’avenir et la croissance », traite les raisons qui aujourd’hui nous conduisent à repenser profondément notre modèle économique. La seconde s’intitule « les grands chantiers d’avenir », et fournit une liste non-exhaustive de grands projets et de grands investissements qui doivent être menés pour rendre notre système économique soutenable. La dernière partie traite des politiques environnementales, et aborde les décisions politiques qui seront probablement prises au cours des années à venir,  particulièrement en 2015.

 

 

Partie 1/ L’avenir et la croissance

 

Depuis la crise financière de fin 2007 et ses répercussions, c’est-à-dire les récentes crises des dettes publiques, le monde développé semble s’être engouffré dans une nouvelle spirale qui semble durer, une crise longue et austère. Les chiffres le prouvent la croissance mondiale ralentit. Bien que les pays émergents conservent de forts taux de croissance (7,5% pour la Chine cette année), la croissance n’est plus aussi forte qu’auparavant. Les Trente Glorieuses sont loin derrière nous. Nos modèles de croissance qui semblent s’épuiser. Et les explications de ce phénomène sont nombreuses.

Mais pas que. La demande mondiale, elle aussi, a ralenti.  Quelles pourraient être les raisons de cette crise de croissance, qui plus que cela semble se rapprocher d’une complète remise en cause de notre paradigme économique ?

Tout d’abord, les excès de la finance nous ont propulsés dans ce climat récessif. D’après Richard Boyer, professeur à l’Institut des Amériques, le « court-termisme du monde de la finance porte préjudice. Il nous confine dans un modèle économique instable. Et paradoxalement, il sera présent sur du long terme». Pourtant M. Boyer pense à juste titre que « les causes sont multiples », qu’il ne s’agit pas que de mathématiques. Le ralentissement du progrès technique joue aussi un rôle dans l’explication de tels phénomènes. Par ailleurs, nous ferons face à un monde économique ne pouvant plus ignorer les contraintes environnementales. L’efficience de la productivité joue aussi dans la balance. Mais la raison principale est due à la pénurie croissante de nos ressources naturelles.

Ainsi, dans une vision à long-terme, la composante environnementale est primordiale. Quelle est donc la place que doit tenir l’innovation dans l’évolution, voire le changement profond, de notre système économique ? Sommes-nous confrontés à une panne d’innovation technique  nous conduisant à la quasi-stagnation économique ? La question reste ouverte. En revanche, il est évident que nous sommes face à un manque d’innovation en matière de protection de l’environnement.

À titre d’exemple, pour respecter son engagement du maintien du réchauffement climatique sous la barre des 2°C, seuil supposé d’irréversibilité, nous ne pourrions plus que consommer le reste de nos ressources en pétrole et en gaz, et stopper dès maintenant l’extraction et la consommation de charbon. Le charbon est pourtant la ressource naturelle la plus utilisé au monde, et la plus polluante. Autrement dit la communauté internationale devrait, d’après le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), découpler croissance et émissions de gaz à effet de serre dix fois plus rapidement que ces dernières décennies.  Face aux craintes d’une capacité d’innover en berne, comment construire un modèle de société tendant vers la prospérité économique dans le respect de l’environnement ?

 

Il est d’ores et déjà possible de distinguer deux stratégies. D’un côté, certains auteurs prônent que les nouvelles technologies ou les nouveaux services « verts » en accord avec les enjeux environnementaux, peuvent relancer la croissance économique et dès lors assurer la prospérité de tous. De l’autre, certains pensent impossible la résolution des problèmes environnementaux tout en continuant à croître économiquement, et prédisent ou appellent à la croissance zéro, voire à la décroissance. La croissance économique a-t-elle un avenir malgré ou grâce à la protection de l’environnement ? Ceux qui n’y croient pas sont-ils capables d’inventer une prospérité sans croissance, de construire une économie qui créé néanmoins des emplois et assure la pérennité de nos systèmes sociaux ?

Nicholas Stern à la conférence internationale de l'IDDRI - 12 Juillet / Crédit photo: Jérome "Wywy" Wysocki

Nicholas Stern à la conférence internationale de l’IDDRI – 12 Juillet / Crédit photo: Jérôme « Wywy » Wysocki

Nicholas Stern, présent à ce colloque, est un économiste de renom enseignant à la London School of Economics (LSE) et titulaire de la chaire Développement durable au Collège de France. Selon lui, il est urgent de « couper les liens entre la production et la consommation » afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans son fameux rapport sur l’économie du changement climatique de 2006, Stern estime qu’investir 1% du PIB de chaque pays développé chaque année, soit une augmentation de l’indice des prix du même ordre, suffirait à atténuer les effets du changement climatique. Pourtant dès 2008, il reconnaît avoir « gravement sous-estimé » les risques du réchauffement climatique. Bien que conscient des dangers de la croissance pour la planète, il estime que la pauvreté pourrait s’aggraver si la décroissance généralisée arrivait.

Andrew Simms, de la New Economics Foundation et auteur de « Cancel the apocalypse », aussi présent à cette conférence, fait à lui un parallèle entre la nature humaine et l’économie : « Pour l’homme comme pour l’économie, la croissance a lieu durant l’enfance et l’adolescence. La maturité signifie elle la fin de la croissance, et nous devons donc adapter notre modèle à la nature. » Quant aux changements climatiques, il pense que la barre des 2°C de réchauffement au cours du siècle sera largement dépassée. Les experts du GIEC pensent que les estimations sont larges et iront de 1,5 à 5°C selon les politiques mises en place à l’horizon du siècle. En théorie, ce sont les 2°C qu’il ne faudrait pas dépasser pour éviter des dérèglements de plus en plus incontrôlables. Notre marge de manœuvre se réduit donc de plus en plus.

D’autres comme Jeremy Rifkin prônent une « 3ème révolution industrielle ». Ce dernier, à l’origine du terme, donne dans cette nouvelle révolution industrielle une place centrale pour l’économie numérique et les TIC (technologies de l’information et de la communication). Celles-ci devraient utilisées pour instaurer un nouveau modèle sociétal, basé sur la mise en place de réseaux intelligents et la coopération entre les agents, considérés potentiels producteurs d’énergie, et nous permettrait plus d’autonomie face à une société hiérarchisée incapable d’instaurer un mode de vie soutenable.

 

Ainsi, la remise en cause de nos modèles de croissance va bien au-delà d’une récession globale de la demande et donc des perspectives actuelles pour l’emploi. Tous les spécialistes semblent au moins s’accorder sur ceci : il est impératif de changer de modèle économique, de concevoir un modèle soutenable, et de l’adapter à de manière économiquement durable en prenant en compte les nouvelles contraintes environnementales.

Face à cette perpétuelle incertitude, de nouveaux modèles économiques émergent s’appuyant sur les TIC et la connaissance, et instaurant une économie verte (qu’elle soit décroissante ou non), ou encore une économie du bien-être prenant en compte les externalités sociales.

 

Il est donc urgent de passer à un modèle économique, non plus axée sur la croissance, mais sur la prospérité réelle, tel est le véritable indicateur de progrès.

Tim Jackson dans « Prospérité sans croissance », estimant aussi qu’il faut chercher un nouveau paradigme économique, pense que  « la croissance est insoutenable et la décroissance instable. » Dès aujourd’hui, la question de la décroissance se pose. Les débats entre croissance et décroissance font rage, le dialogue est biaisé, et ce n’est que le début d’une longue bataille idéologique.

Représentation graphique des prévisions du rapport Meadows

Représentation graphique des prévisions du rapport Meadows

Cependant, il est quasiment certain que nous nous dirigeons vers la décroissance. Et ce constat ne date pas d’hier. En 1972, les chercheurs club de Rome ont démontrés que des ressources finies signifient à terme la fin de la croissance. Plus connu sous le nom de rapport Meadows, celui-ci a considérablement été ignoré par les décisionnaires économiques et politiques. La dernière mise à jour de ce dernier, « Les limites à la croissance (dans un monde fini) », date de 2004, et confirme toutes les spéculations qui étaient les leurs en 1972, en pire !

 

Mais l’essentiel de ce changement réside dans l’action, la prise de décision, et les chantiers sont immenses. Vous trouverez en 2ème partie de ce dossier, la liste des chantiers majeurs sur lesquels acteurs politiques et décideurs économiques doivent s’atteler et s’engager sans plus tarder, afin de rendre nos modèles économiques  durables.

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