Le dessinateur à succès Bastien Vivès s’est fait annuler son exposition à Angoulême, il aurait reçu des menaces physiques selon le festival de bande dessinées
Une pétition en ligne avait été signée ces derniers jours rassemblant plus de 100 000 signataires pour faire interdire l’exposition du dessinateur de 38 ans. Il lui est reproché de faire l’apologie de l’inceste et de la pédo-criminalité. Certains propos tenus par l’auteur ainsi que ses ouvrages mettant en scène des mineurs face au sexe ont suscité l’indignation, et même des intimidations face aux organisateurs du festival. Ces derniers ont donc jugé plus prudent d’annuler l’exposition, pour éviter de potentiels débordements.
Le dessin, une façon d’exister
Né en 1984, Bastien Vivès a fait tout ses classes à Sainte Geneviève puis poursuit des études d’Arts Appliqués à l’Institut de la littérature française à Genève, puis continue son apprentissage à la prestigieuse école d’art graphiques de Penninghen durant trois ans. Il termine ses études aux Gobelins, toujours à Paris, pour se focaliser sur le cinéma d’animation. L’auteur est vite revenu vers le dessin qu’il a toujours adulé avec son frère cadet.
Le dessin était pour lui un moyen de s’exprimer, de s’affirmer, il a rapidement compris qu’il avait un talent pour cet exercice. Cela lui a permis de braver l’adolescence, n’ayant pas beaucoup d’atouts, il se faisait l’ami de la plus grosse racaille de sa classe en dessinant sur ses graphes. Il exprimait également ses désirs, notamment en dessinant de nombreuses poitrines de femmes pour lesquelles il voue une véritable passion. En définitive, pour le dessinateur, le dessin est autant un bouclier qu’une catharsis.
Son oeuvre, ses succès
Bastien Vivès est le chef de file d’une génération d’auteurs qui mêle BD, manga, animation et jeu vidéo. Il publie son premier album, Poungi la racaille (sous le pseudonyme de Bastien Chanmax) en 2006. Mais c’est en 2009 qu’il connait son premier succès notable, il publie Le Goût du chlore (Casterman), qui remporte en 2009 le prix Essentiel Révélation à Angoulême. Dans ce récit épuré, il dévoile avec beaucoup d’authenticité et de légèreté la relation ténue entre un garçon et une jeune femme séduisante à la piscine. C’est alors le début d’une carrière prolifique pour le dessinateur.
En effet, il explore l’univers du manga avec la série Lastman qu’il écrit entre 2013 et 2016, aidé de deux autres auteurs (Balak et Sanlaville). La série est un énorme succès, elle est primée à Angoulême en 2015 et a même été adaptée en dessin animé sur Netflix en 2018. Sans oublier Polina qui reçoit le grand prix de la critique de ACBD en 2012, qui a également été adaptée et cette fois au cinéma. Dans ses oeuvres remarquables on peut aussi noter Une sœur, Le Chemisier ou 14 juillet qui ont été encensés par la critique… et le public ! Récemment il a insufflé une nouvelle jeunesse au marin aventurier Corto Maltese, qu’il a modernisé à sa façon dans Océan noir, sorti en 2021. Enfin, il publie en 2022 un nouveau roman graphique : Dernier week-end de janvier.
Bastien Vivès ou la limite de la liberté d’expression
Quand la liberté d’expression frôle la morbidité sexuelle, dans le contexte actuel, cela attise les foudres des féministes. Bastien Vivès a notamment sorti Petit Paul en 2018, une bd qui met en scène un petit garçon avec un sexe très proéminent qui a des rapports avec des adultes. Ouvertement pornographique, le livre n’est pas accessible aux enfants. Sous couvert d’humour et de liberté d’expression, l’auteur pourrait s’en sortir, mais il a dérapé à plusieurs reprises, notamment dans une interview donnée au magazine Madmoizelle en 2017. Il avait alors déclaré « L’inceste, moi ça m’excite à mort »…
Le problème c’est qu’il ne vaut mieux pas blaguer les féministes. S’en est suivi une guerre sous anonymat pour Bastien qui n’a cessé de critiquer l’auteur Emma qui avait écrit La charge mentale, une bd qui parle de la pression des taches ménagères des femmes au quotidien. Le dessinateur l’avait ridiculisé en publiant un ouvrage : La décharge mentale (2018), une comédie burlesque qui s’empare du même thème que la dessinatrice, mais d’un point de vue légèrement misogyne. Seulement, aujourd’hui Bastien Vivès a récolté les fruits de cette bataille et s’est vu interdire son exposition au festival international de la BD d’Angoulême. Triste fin… On a hâte de voir comment l’auteur va réagir.