Kimi Raikkonen l’a annoncé mercredi après-midi, cette saison 2021 de Formule 1 sera pour lui la dernière de sa carrière, 20 longues années après ses débuts dans la discipline. Retour sur une carrière en deux temps et sur une personnalité atypique du paddock qui n’a laissé personne indifférent.
Ce n’était plus qu’un secret de polichinelle, c’est désormais officiel, le monde de la F1 comptera un champion du monde de moins dans ses rangs la saison prochaine. C’est de manière presque aussi discrète que ne l’est le personnage, que Raïkkonen a officialisé la nouvelle, sur son compte Instagram. Celui qui était le doyen du paddock s’en va donc. Mais avec des souvenirs mémorables derrière lui. Les souvenirs laissés par l’homme tout d’abord, qui a peu changé finalement entre ses débuts et sa fin. Le jeune blond tout frêle, tout timide ayant à peine l’expérience d’une conduite en monoplace derrière lui (Il n’avait disputé qu’une quinzaine de courses en monoplace avant de s’engager chez Sauber) est presque le même que celui bien plus mature, et plus malicieux, mais aussi plus sage avec ses trophées bien rangés désormais dans son armoire. « Iceman » comme avait fini par le surnommer les journalistes était peu avare en commentaires lorsqu’il devait s’arrêter face aux différents micros et caméras. Ce n’était pas un jeu d’acteur de sa part, mais bien son caractère, sa personnalité. En digne descendant des pilotes nordiques célèbres en F1, Raikkonen ressemblait bien plus en cela à Mika Hakkinen qu’au bien plus volubile Keke Rosberg, tous deux champions du monde et Finlandais également. Même si bien sûr et notamment dans sa deuxième partie de carrière Raikkonen se lâcha un peu plus. Toutefois, très rapidement la filiation Hakkinen-Raikkonen fut évidente aux yeux de tous et dura au moins jusqu’en 2006. Car les deux hommes, en plus de partager le trait commun d’être peu bavard, n’avait qu’une seule présence d’esprit, le plaisir de conduire, la finesse et la mise au point de leurs voitures. C’est aussi pour ces raisons que le champion du monde 2007 est un personnage un peu à part. En 2002, après une très belle première saison chez Sauber à 22 ans seulement, c’est l’heure du grand saut immédiat. Raikkonen remplace Hakkinen chez la prestigieuse écurie de Mclaren-Mercedes. Les comparaisons ne font alors que commencer.
Raikkonen 2002-2009 : L’homme d’acier dans la droite lignée du duo Hakkinen-Schumacher
Pourtant la situation de son écurie est très différente de celle de la période Hakkinen. En effet Mclaren-Mercedes n’est plus l’équipe dominante et Kimi Raïkkonen en pâtit en 2002 et 2004, face à la dream team Ferrari. C’est pourtant durant ces années qu’il va montrer sa force. Vis-à-vis de Coulthard qu’il domine aisément. Mais également face au paddock dont le Finlandais devient aux yeux de tous, le porte-étendard de la nouvelle génération. En 2003, si il ne remporte qu’une victoire, la première de sa carrière en Malaisie, c’est par sa régularité et son étonnante maturité qu’il impressionne. Avec une MP4-18 de 2002 et qui n’a jamais évolué, le Finlandais passe à un petit point de devenir le plus jeune champion du monde de l’histoire. Un authentique exploit. Malheureusement, si le talent est indéniable, si l’intelligence est là aussi, Raikkonen manque de ce brin de réussite qui caractérise les champions. En 2002, à Magny-Cours, une flaque d’huile le prive de son premier triomphe en F1. Surtout en 2005, où Iceman devient incontestablement le meilleur pilote du monde (7 victoires, autant que Alonso), la fiabilité relative de la Mclaren le prive d’une couronne et d’un combat pour le titre intense avec Alonso. Reste alors des moments de légende, comme cette victoire de Suzuka arrachée en partant de la 17e place, et sur piste sèche. Raïkkonen devient aussi l’homme de Spa-Francorchamps, tracé au combien révélateur du talent d’un pilote. Vainqueur en 2004, 2005, 2007 et 2009 (Il passe même à deux doigts de remporter l’édition 2008), ce juge de paix convient à merveille aux qualités du finlandais. La filiation avec Hakkïnen est donc confirmée en piste, et de quelle manière ! Malheureusement par une réussite qu’il n’a su provoquer, Raikkonen court toujours derrière la consécration suprême. Malgré tout, c’est bien à lui que Jean Todt fait confiance pour remplacer la légende ultime, Michael Schumacher au sein de la Scuderia Ferrari. Un choix osé et un second poids à porter. Après les comparaisons avec Hakkinen, ce sont celles avec Schumacher qu’il faut assumer. A 28 ans, 2007 doit être son année, et elle le sera…
Dès sa première course, Raikkonen frappe fort en signant la pole, la victoire et le meilleur tour en course. Une démonstration à la Schumacher. La suite ne sera pourtant pas du même acabit, avec une piètre 8e place à Monaco. En réalité, pour voir le vrai finlandais. Celui étincelant de 2005, il faut attendre la mi-saison. C’est en l’espace d’une semaine qu’il va prendre le costume de leader de son équipe, où figure pourtant Felipe Massa. A Magny-Cours malmené, il signe 3 tours de qualification, pour prendre la tête à l’issue de son deuxième arrêt et s’imposer. A Silverstone encore plus époustouflant, il écœure Hamilton et Alonso qui avaient pourtant réalisé la course parfaite. Une victoire à la Michael Schumacher. Jean Todt peut sourire, son choix de recruter le Finlandais était le bon. Malgré tout, il faut rattraper un début de saison moyen au championnat. Au Nurburgring, une nouvelle panne hydraulique l’atteint. A 2 courses de la fin de saison, il dispose encore de 17 points de retard sur le rookie Lewis Hamilton….Il n’en reste que 20 à distribuer. Mais enfin dans sa vie et dans sa carrière de pilote, la chance va tourner en faveur de Iceman. En Chine, Hamilton subit la mauvaise stratégie de son équipe et commet ensuite une bourde monumentale qui le pousse à l’abandon. Raikkonen gagne et s’offre le droit de disputer une finale. A Interlagos, il domine de la tête et des épaules. Alonso est relégué à plus d’une minute. Mais surtout Hamilton qui avait son destin entre ses mains connaît une panne électronique. Il ne pourra suffisamment remonter. Ce 21 Octobre 2007, Raikkonen est enfin consacré, la persévérance a fini par payer. Il réalise par la même occasion un double exploit. Jamais un pilote n’avait été titré en remontant autant de points de retard, aussi proche de la fin de saison. Surtout il rejoint Fangio et Scheckter, les seuls pilotes Ferrari à avoir été couronnés dès leur première saison. MONUMENTAL.
Un moment magique, un moment unique, mais qui causera aussi la perte de Raikkonen. Après son sacre historique, c’est la perte de motivation qui atteint le finlandais lors de ses deux années suivantes et qui tranche au contraire avec les performances de son équipier. Toujours capable de coups d’éclats, Raikkonen n’est plus très investi dans le travail de son équipe, ce qui ressemble à ce qu’avait vécu son compatriote Hakkinen 7 années plus tôt. En 2009, après une année difficile, ponctuée toutefois d’une victoire à Spa-Francorchamps, la seule de Ferrari cette saison-ci, la Scuderia décide de le sacrifier pour laisser la place à Alonso. Ayant ensuite des prétentions salariales démesurées surtout en pleine crise d’austérité économique qui touche aussi la F1, le finlandais se tourne finalement vers le rallye, l’une de ses grandes passions. Car si l’on connaît son calme et son silence, son franc-parler et ses pitreries font aussi partie du personnage. C’est aussi cela Kimi Raikkonen…
Raikkonen 2012-2021 : Transparent plus que marquant avant de devenir vieillissant, mais l’homme reste intact
Après 2 ans d’absence, c’est Eric Boullier et Gérard Lopez, propriétaire de l’écurie, décident de tenter un gros coup, pour relancer l’ancienne écurie Renault, devenue Lotus. La signature de Raikkonen. Le finlandais est chargé de relancer sa carrière en même temps que l’équipe. C’est avec difficulté qu’il va y arriver, aux côtés de James Allison, l’ingénieur en chef de Lotus. Certes il n’a pas la monoplace la plus rapide du plateau. Ainsi jamais il ne pourra réellement jouer le titre ni en 2012, ni en 2013. Mais c’est par une intelligence stratégique et une gestion parfaite des gommes digne de Jenson Button, et qu’on lui avait connu rare dans sa première partie de carrière qu’il pourra tout de même décrocher deux belles victoires. A Abu Dhabi en 2012 et en Australie en 2013. Lors de cette seconde saison, sa régularité, à défauts de coups d’éclats lui permet jusqu’à la mi-saison d’être très bien placé au championnat (3e). Il signe de nombreux podiums. Malheureusement Lotus possède des finances catastrophiques. Et ceci va jouer d’abord sur son humeur et sa motivation puisqu’il finira même par être impayé par son équipe. Ceci jouera sur le développement de la voiture qui sera nul. C’est en eau de boudin que se termine l’histoire entre Raikkonen et Lotus.
Finalement c’est à prix d’or que Ferrari le recrute pour l’année 2014 et le placer aux côtés de Fernando Alonso. Mais c’est aussi le début du déclin et de la fin pour Kimi Raikkonen, comme si cette seconde partie de saison en 2013, l’avait coupé définitivement dans son élan. Car ce n’est plus le même pilote que l’on retrouve en rouge. Peut-être aussi inadapté aux nouveaux règlements des moteurs V6, et des courses à l’économie, le finlandais ne fait pas le poids face à Alonso. En 2014, aucun podium de sa part, du jamais vu depuis 2001. Vettel devient ensuite son nouveau coéquipier. Et inexorablement, sans réellement rechigner, Raikkonen se transforme plus en pilote n°2 qu’en leader d’écurie. Parfois avec brio, comme ces pôles positions réussies à Sochi et à Monaco en 2017. Parfois plus difficilement, avec par exemple un Grand Prix d’Autriche en 2015, ou « Iceman » semblait sur sa planète, dans sa bulle et entraine, sans s’en rendre compte Alonso dans un accident qui aurait pu lui coûter cher. Cependant, son fair-play, sa dévotion à son écurie malgré sa situation ont gardé intact l’image de Raikkonen auprès des Tifosi. Au fond de lui, il ne se savait plus capable de gagner un championnat, mais le plaisir de piloter passait au-dessus de tout. Sa dernière année en rouge en 2018, sera ponctuée de deux moments émouvants. Sa pole position à Monza, et surtout une victoire aux Etats-Unis, en résistant à Verstappen et Hamilton. Un dernier coup d’éclat avant de finir sa carrière chez l’équipe qui l’a fait naître, Sauber devenu Alfa Roméo. Là encore, son expérience, sa sagesse furent durant 3 saisons un atout précieux pour l’équipe, même si les performances régressent. Mais ce choix de revenir conclure sa carrière dans l’écurie de ses débuts montre aussi, la mémoire du finlandais, qui n’oublie pas son parcours et les gens qui l’ont amené un après-midi d’Octobre 2007 au sommet. Titulaire de 342 départs en course, le 343e dimanche, un record évidemment, Kimi aura fasciné une génération entière de passionnés de Formule 1. Parfois incompris, parfois taiseux, parfois grognon, Raikkonen avait son caractère qui se retranscrivait à la perfection dans son coup de volant, lui attaquant jusqu’au boutiste qui à su se transformer pour durer dans ce métier. Profitons de ces 3 derniers mois car « Iceman » a brisé la glace pour s’en aller, et il est certain qu’il va nous manquer…
Écrit par Bogeard Thomas