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René Girard, « le Darwin des sciences humaines »

René Girard portrait

Le philosophe français René Girard, membre de l’Académie française, est mort mercredi à l’âge de 91 ans. Il était surnommé le « Darwin des sciences humaines » par son collègue à l’université de Stanford Michel Serres.

Traduite dans le monde entier, connue et appréciée aux Etats-Unis et en Italie, la pensée du philosophe René Girard a longtemps été négligée en France. Jusqu’à ce jour du 15 décembre 2005, où l’auteur de Mensonge romantique et vérité romanesque (1961) et La violence et le sacré (1972) devient membre de l’Académie française.

« Je peux dire sans exagération que, pendant un demi-siècle, la seule institution française qui m’ait persuadé que je n’étais pas oublié en France, dans mon propre pays, en tant que chercheur et en tant que penseur, c’est l’Académie française », avait-il expliqué ce jour-là dans son discours devant les « Immortels ».

Né le jour de Noël 1923 à Avignon et élève à l’Ecole des Chartes, René Girard quitte l’Hexagone en 1947 et émigre aux Etats-Unis, pays qui va devenir son pays d’adoption. Là-bas, il obtient un doctorat en histoire à l’Université d’Indiana puis enseigne la littérature comparée à la Johns Hopkins University de Baltimore (où il organise en 1966 un célèbre colloque intitulé « le langage de la critique et les sciences de l’homme », faisant découvrir le structuralisme aux Américains).

Avant de devenir jusqu’à sa mort professeur de langue, littérature et civilisation françaises à l’université de Stanford, où il côtoie Michel Serres et Jean-Pierre Dupuy.

La théorie du désir mimétique et du bouc émissaire

Solitaire à la forte personnalité, porté par une foi profonde dans le christianisme, René Girard fut adulé mais aussi critiqué pour son traditionalisme et son rejet du postmoderniste. En 1961, son ouvrage Mensonge romantique et vérité romanesque contient déjà les linéaments de toute sa pensée, notamment le concept de désir mimétique* qui aura un écho considérable dans la pensée contemporaine.

Dans La violence et le sacré (1972), le philosophe développe un autre concept, celui du bouc émissaire*², dont seul le sacrifice peut apaiser les haines et guérir la communauté. Devenu tout au long de sa carrière docteur honoris causa de nombreuses universités (Amsterdam, Innsbruck, Anvers, Padoue, Montréal, Baltimore, Londres…), le « Darwin des sciences humaines » a fini sa vie sur la côte ouest des Etats-Unis, près de l’Université de Stanford, sa dernière maison loin de l’hexagone.

*Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, René Girard crée le concept du « désir mimétique » qui aura un écho considérable dans la pensée contemporaine. Selon ce concept, l’homme ne désire que selon le désir de l’autre. Ce désir mimétique guide les « mouvements » des individus dans la société et engendre une violence généralisée dès lors qu’il y a un « triangle », c’est-à-dire dès que le désir porte sur un « objet » qui est déjà l’objet du désir d’un autre.

*²De cette rivalité mimétique naissent l’envie, la jalousie et la vengeance qui menacent la communauté et les fondements de l’ordre social. Seul le sacrifice d’une victime innocente, qu’une différence réelle ou  créée distingue de tous les autres, pourra apaiser les haines et guérir la communauté. C’est le « bouc émissaire », concept qui apparaît dans l’ouvrage La violence et le sacré. A ce bouc émissaire est ensuite rattaché une valeur sacrée, précisément parce qu’il ramène la paix et permet de recoudre le lien social.

 

 

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